Du 26 avril au 18 juilet, 2024 à la Fondation Clément
L’exposition d’Ismael Mundaray, Tierra Madre, se présente, à première vue, comme une exposition paysagère. Tierra Madre désignant ici l’Amazonie vénézuélienne, en sa dimension métaphorique de fertilité, de présence spirituelle, autant que de présence naturelle. Elle n’est pas seulement l’environnement, le lieu de vie de peuples amérindiens, l’écosphère de ceux qui l’habitent, elle est aussi comme le lieu d’où s’énoncent les mythes et les légendes sacrés des peuples amérindiens, le Grand Parler qui donnent un siège à la parole de chacun.
Tierra Madre se présente ainsi entre les toiles d’où se montrent la texture visuelle des fleuves à marée haute, à marée basse, le massif montagneux sacré Tepuy, la savane, la forêt organique, les trous des grottes Sari-Sari-Nama, mais aussi les blessures ouvertes de la déforestation, ou les cicatrices de l’exploitation minière, l’espérance de l’arbre de vie, les horizons visuels d’attente qui s’étirent comme les bords des fleuves, et ce que
l’on découvre des toits des habitations amérindiennes. Mais cette monstration nous interpelle, parce qu’elle s’ordonne à différentes orientations de points de vue : d’en haut, d’en bas, de face, de droite à gauche, de gauche à droite, et si l’on y prête attention, on découvre que cette monstration peut passer d’un point de vue à un autre, les entrelacer, notamment dans les grandes toiles où les fleuves sont présentés, et où sont conjugués les « motifs » et les points de vue, autant que les points de vue entre eux. Ce qui fait qu’Ismael Mundaray nous convie, en fait, à entrer dans le parcours des points de vue
successifs ou simultanés pour pressentir la Présence de l’Amazonie, pour pressentir, ce que j’appelerai, le Grand regard qui fait tenir ensemble tous ces regards dispersés.
S’il en est ainsi, si nous sommes simultanément invités, à nous ouvrir à une mouvance visuelle, à un parcours de points de vue, et à ressentir l’énigmatique présence d’un Grand regard, comme un Vide paradoxal, c’est que Tierra Madre se caractérise par l’absence de toute présence humaine, de tout sujet, de tout objet, de tout signe en rotation. Une absence qui traduit une autre plus fondamentale, l’absence du point de vue de derrière
le paysage, celui de l’extérieur, celui en lisière, du dos, en quelque sorte, de la toile.
Alexandre Alaric, commissaire