— Par Michèle Bigot —
Voici un spectacle original et courageux qui relève d’une thématique difficile et éminemment contemporaine: le suicide assisté. L’assemblée nationale était en pleine discussion sur le projet de loi ouvrant enfin une perspective d’espoir à ce sujet quand est arrivée la dissolution. Dès lors il est à craindre que le projet passe aux oubliettes, surtout si l’extrême-droite arrive au pouvoir de façon imminente. D’autant plus nécessaire paraît cette proposition théâtrale, qui a vu le jour au moment où la convention citoyenne s’était prononcée en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté. Que de recul en quelques mois!
Charles Templon, le metteur en scène s’empare du sujet après avoir vu le documentaire de Fernand Melgar Exit. Totu le travail d’adaptation théâtrale reste à faire, qui implique remaniement du texte, coupes choisies, montage inédit, distribution des rôles aux acteurs, scénographie, bref une véritable mise en scène de théâtre. On est en droit de se demander pourquoi faire un tel travail quand le documentaire pouvait suffire à faire le tour de la question. La réponse est apportée par le metteur en scène lui-même. Il y a loin de regarder un documentaire à vivre les scènes aux côtés d’un personnage vivant, incarné. Il ne s’agit plus d’informer mais de toucher, d’émouvoir, d’ébranler des convictions et de rendre sensible la difficulté qu’il y a à aider quelqu’un à mourir, au rebours des préjugés ineptes qui courent à ce sujet. Le même travail en somme qui avait dû être accompli pour mettre fin à la peine de mort. Et ce sont souvent les mêmes qu’il faut convaincre!
Ce ne sont pas seulement les malades qu’il faut incarner dans toute l’ambivalence de leur désir de mort, ce sont les accompagnateurs bénévoles et les médecins courageux qui leur prêtent assistance. On aura donc face à nous des personnages touchants, blessés dans leur chair ou touchés dans leur vie par la prise en charge de cet acte libérateur. C’est Sophie, c’est Manu, c’est Jérôme et Jacqueline qui se tiennent devant nous et nous interpellent au plus profond. Avec gravité, avec humour, avec la distance nécessaire, et avec le lourd bagage de leur existence et de leur propre corps, parfois malade lui aussi.
La scénographie se devait de concevoir un espace épuré, un dispositif minimal de quatre tables faisant office tour à tour de bureau ou de lit. La note réaliste est tempérée par l’apport d’une toile peinte représentant un lac, une ville Suisse, des montagnes, le décor naturaliste et pourtant poétique de l’action. Deux des bureaux sont équipés de tapis roulants permettant aux bénévoles de faire une pause en randonnée. Le reste des objets disparaît. le téléphone est évoqué par le son et la mimique de l’acteur. Dans ce décor léger et mobile, on passe du sourire aux larmes, de la chanson au silence: les bévues, les lapsus linguae ne sont pas absents: les bénévoles sont des hommes comme les autres, pris dans les difficultés de leur propre vie. L’ensemble réussit à rendre sensible la démarche qui consiste pour les uns à demander assistance et pour les autres à aider et soutenir jusqu’au bout.
Bravo à l’ensemble de la troupe pour ce spectacle prenant, très apprécié des spectateurs de tous âges confondus.
Michèle Bigot
Exit
Adaptation du documentaire de Fernand Melgar
Mise en scène, scénographie et costumes
Charles Templon
Texte
Karine Dubernet & Benjamin Gauthier
Texte
Tiphaine Gentilleau et l’équipe de création du spectacle
Distribution
Philippe Awat, Suzanne de Baecque ou Lucie Gallo, Marie-Sohna Condé, Nanou Garcia, Benjamin Gauthier
Collaboration artistique à la mise en scène
Alexandre Paradis
Collaboration aux costumes
Alma Bousquet
Création Lumière
Loris Gemignani
Création Sonore
Camille Vitté
Création Vidéo et Régie générale
Thomas Guiral
Création Décor
Charles Templon, Caroline Decroix et Camille Perrotin
Construction
Atelier Omnicolore
Crédit photos
Audoin Desforges
Participation artistique
Avec la participation artistique de Vincent Chéry pour l’œuvre dessinée sur décor, d’Aude Bertrand pour l’illustration de l’affiche et de Romain Thiollet pour le graphisme.