— Par Dominique Daeschler —
Excentrée dans le domaine des pratiques plastiques, avec un spectre si large qu’elle évoque parfois « la thérapeutique parapluie », la performance appelle à la réflexion, à la diversité des conceptions et des expressions. C’est la raison d’être d’Excentricités (septièmes rencontres internationales de la performance) organisées début avril organisées par l’Isba( école des beaux-arts de Besançon) permettant la rencontre d’artistes en herbe et d’artistes confirmés : échanger, bâtir ensemble, un souci constant de la direction qui, au-delà des formations diplômantes, a su s’imposer comme un équipement culturel pratiquant la découverte artistique en partage au sein de son école et dans une itinérance régionale de bon aloi.
Quoi de plus normal que d’y retrouver Habdaphaï avec lequel l’Isba conduit un fidèle compagnonnage : DU Art-Danse-Performance, résidence, DNSEP-Art et bientôt une participation à Back to the trees (installations en forêt) et une exposition dans le sud de l’hexagone. A vos marques, prêts, partez ! Retrouvons le dans Bois sans savoir pourquoi. Dans cette fable dur la consommation Habdaphaï crée avec Julie Le Toquin ne performance à deux voix CES voix sont aussi deux voies, deux directions de la performance. Julie dit ce qu’elle écrit « bois sans savoir pourquoi, tu en as besoin, bois mais ne compte pas sur moi » en se déplaçant avec sobriété. Habdaphaï assure une présence plus physique, alternant des moments dansés et des attitudes à la Chaplin. Attirance et rejet de la boisson, addiction des mots : deux univers se confrontent pour le dire, avec humour, excès. Entre ces deux là, un potentiel encore fragile qui n’a pas encore trouvé son rythme : le corps en jeu reste plus fort que les mots proférés.
Honneur à quelques autres
Un peu de poudre sur les yeux comme l’aurait dit Dalida : Daniel Rouxel, grand et beau jeune homme, maquillé et chaussant les indispensables talons rouges, déambule et discoure avec passion sur l’homosexualité. Une présence habitée avec une bonne voix de théâtre servent bien la fougue de Daniel. La prestation demande sans doute à être un peu écourtée pour éviter la répétition.
Efficacité politique et plastique : Carla Roca conçoit sa performance sur la lâcheté de l’Europe face au problème des migrants. Au mur le drapeau européen : ses étoiles sont peu à peu enlevées, déplacées dans un carré noir. A terre, comme un jeu de marelle, des betteraves rouges (peuples migrants) sont peu à peu écrasées puis pressées dans le drapeau bleu sans étoiles. La performeuse en boit le jus…jusqu’à la lie ? Saisissant dans sa simplicité et sa force symbolique.
Public répond moi : sur fond de guitare, des questions sont posées à des membres du public par the Fine Art collection). Les réponses sont transcrites sur ordinateur et donnent lieu à recréation verbale avec accompagnement musical. Gentiment astucieux.
Tiens bien ta langue : beaucoup d’humour dans cette performance de Johana Beaussart qui lit assise, des extraits d’un livre en différentes langues, se sert de ses doigts pour indiquer les dialogues entre les personnages. Quel sens chacun donne t’il aux mots, qu’entend-il ? EST-ce que les musiques différentes des langues changent l’histoire ? Sobre et intelligent.
Dominique Daeschler