— Par Hélène Lemoine —
Dans l’éclatant tourbillon des notes et des mouvements, Tropique du Képone se dresse comme un phare d’alerte, éclairant l’horizon de la conscience collective. La fusion de la danse contemporaine et de l’engagement environnemental érige un spectacle d’une puissance saisissante, révélant les stigmates et les espoirs d’une région en quête de guérison.
Marlène Myrtil et Myriam Soulanges, éminentes figures de la scène artistique antillaise, tissent avec habileté un récit où le poison du chlordécone se mêle aux rythmes hypnotiques de la danse. Telles des alchimistes du mouvement, elles façonnent un univers où l’urgence écologique devient matière à réflexion, où les émotions se dansent autant qu’elles se ressentent.
Dans l’antre de leur création, les spectateurs sont conviés à une expérience sensorielle inédite. Avant que les corps ne s’élancent dans la chorégraphie, un prologue subtil, teinté d’ironie, éveille les consciences endormies. Assises, telles des sentinelles contemplatives, les danseuses dégustent lentement une banane, emblème ambigu de fertilité et de poison, sous les pulsations d’une musique énigmatique. Costumées en cosmonautes du futur, elles évoquent avec audace les mystères de l’afrofuturisme, réclamant une réinvention des possibles.
Puis vient la danse, épurée, presque ascétique dans sa simplicité. Les gestes, oscillant entre harmonie et discordance, évoquent la lutte perpétuelle entre l’homme et son environnement altéré. Les interprètes se répondent, s’entrechoquent, se complètent dans une danse éloquente, dénuée de fioritures. Pas de prouesses acrobatiques ici, mais une exploration minutieuse des émotions enfouies, des souffrances étouffées, des espoirs renaissants.
À l’apogée de leur performance, Myrtil et Soulanges tendent la main au public, l’invitant à rejoindre le mouvement, à devenir acteur de sa propre révolte. Dans une explosion collective de couleurs et de sons, la scène devient le théâtre d’une communion improvisée, où la résistance prend forme dans chaque pas, dans chaque cri.
Au terme de ce périple chorégraphique, l’écho des paroles résonne encore, vibrant de promesses et d’incertitudes. Car au-delà de l’esthétique captivante et de la virtuosité technique, Tropique du Képone transcende son statut de simple spectacle pour devenir une invitation à l’action, un appel à la prise de conscience. Dans ce dialogue entre le corps et l’esprit, entre l’art et l’environnement, réside la promesse d’un avenir où la victoire se dessine dans chaque pas vers la résilience.