Dans le Nevada, une “Alliance des familles” a demandé, début juin, que les professeurs d’école portent des caméras sur le torse pour s’assurer qu’ils n’apprennent pas aux enfants une matière… qui n’a jamais été enseignée. En Virginie, des policiers ont été obligés d’intervenir la semaine dernière pour mettre fin à une réunion scolaire très agitée durant laquelle des parents accusaient les professeurs d’”endoctriner” les enfants avec des sujets… qui ne sont pas au programme.
Dans ces deux cas, les familles soupçonnaient le corps enseignant d’inculquer à leurs chérubins la théorie critique de la race ou « Critical Race Theory » (CRT). Dans ces deux cas, les écoles ou collèges ont rétorqué qu’une matière aussi pointue n’allait sûrement pas être au menu de l’apprentissage d’enfants ou d’adolescents.
Une discipline du droit constitutionnel
Ces incidents sont loin d’être des exceptions. Les histoires de parents d’élèves qui montent à l’assaut d’établissements scolaires pour éviter à leurs enfants d’être soumis à la CRT sont légion dans les médias locaux américains. Les sections Opinion de journaux aussi prestigieux que le Wall Street Journal, le Washington Post ou le New York Times sont remplies d’articles débattant des vertus et limites de la fameuse théorie.
Les législateurs s’en sont même mêlés… surtout à droite. Des États aux mains de gouverneurs républicains, comme l’Oklahoma, la Floride ou encore le Tennessee ont fait adopter des lois visant à bannir l’apprentissage de la CRT dans les écoles, collèges ou lycées.
Pour le sénateur texan Ted Cruz, l’une des stars du camp conservateur, “il faut arrêter d’enseigner une matière qui dit à nos enfants que chaque américain blanc est raciste, que les États-Unis sont fondamentalement et irrémédiablement racistes”.
Une définition qui a de quoi faire avaler de travers les spécialistes de la théorie critique de la race. À l’origine, la CRT est une discipline très pointue du droit constitutionnel américain, apparue dans les années 1980 “dans le sillage des « Critical Legal Studies », un mouvement de gauche arguant que le droit était un outil aux mains des puissants pour légitimer leur pouvoir. Les tenants de la CRT soutenaient qu’au-delà de la critique liée à la domination de classe portée par les « Critical Legal Studies », il était important de mettre aussi en lumière les inégalités raciales », explique Lionel Zevounou, maître de conférences en droit public à l’université de Nanterre et auteur d’articles sur la CRT, contacté par France 24.
Historiquement, la “Critical Race Theory est née des échecs du mouvement pour les droits civiques des années 1960”, assure Mohan Ambikaipaker, professeur de théorie critique de la race au département de communication à l’université Tulane de La Nouvelle Orléans en Louisiane, contacté par France 24. Les militants de cette cause ont compris “que les lois de 1965 contre les discriminations étaient très mal appliquées, contestées par une partie des communautés ‘blanches’, et n’allaient pas mettre un terme aux inégalités raciales”, résume l’expert américain. D’où la naissance de la CRT, qui étudie “la manière dont les lois et la jurisprudence ont perpétué les discriminations raciales ancrées dans les institutions américaines”, note Lionel Zevounou.
“On m’a accusé de racisme anti-Blanc”
Un vaste champ d’études qui occupe les étudiants
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