— Le Syndicat de la Magistrature —
Nuit houleuse à l’Assemblée. Pourtant, de l’inefficacité manifeste de l’état d’urgence pour lutter contre les actes terroristes et les prévenir, relevée par les divers rapports parlementaires dont le plus récent rappelait que « les mesures prises pendant l’état d’urgence n’ont pas été évoquées par les spécialistes de la lutte contre le terrorisme comme jouant un rôle particulier dans celle-ci », il n’a été que très peu question. Encore moins, évidemment, des dérives que ce régime d’exception contient et produit.
Les débats autour de la quatrième prorogation de l’état d’urgence ont été saturés de postures politiques et de surenchère sécuritaire. Au-delà des discours insoutenables assumant une rupture avec l’Etat de droit, c’est le texte même de la loi adoptée hier qui appelle un sursaut démocratique.
Après huit mois d’état d’urgence, chaque prorogation de ce régime – qui n’est plus temporaire que dans les arguties de ses défenseurs – devrait être âprement débattue et soumise à un débat démocratique plus intense. L’élan parlementaire est absolument inverse : fixation à six mois au lieu de trois de la durée de prorogation, contrôles et fouilles sans limites et sans réel motif, retenue des personnes pour la durée de la perquisition administrative, abandon des exigences formelles minimales pour les perquisitions dites « par ricochet ».
Six mois de prorogation, six mois d’abandon de souveraineté du pouvoir législatif entre les mains de l’exécutif. Le sort des libertés est ainsi scellé, sans faculté pour les parlementaires d’y revenir. Pas plus que cette durée « de confort », les dispositions nouvelles n’interpellent les députés. Ni leur caractère attentatoire à la liberté d’aller et venir et au droit à la vie privée, ni leur conformité douteuse à la Constitution. L’amnésie est totale : c’était bien pour introduire sans « risque » ces atteintes supplémentaires que le gouvernement avait présenté – et échoué à faire voter – un projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence…
Quasi unanimes hier, les parlementaires comptent visiblement sur l’absence de saisine du Conseil constitutionnel, qui laissera au surplus indemnes les cavaliers législatifs sécuritaires introduits dans le texte. L’occasion, un mois après l’adoption de la loi Urvoas, d’en appeler à la magie législative et de cibler la prison : exclusion des personnes condamnées pour des faits de terrorisme du bénéfice des crédits de réductions de peine, créés pour tous sous la droite en 2004 et possibilité de soumettre à une vidéosurveillance permanente des personnes en détention provisoire criminelle, bien au-delà du terrorisme.
Hier, la raison a déserté la scène parlementaire : gesticulations et stigmatisation ont absorbé les débats, au mépris des principes démocratiques et des libertés.