— Par Aude Lancelin —
Dans « Proclamation sur la vraie crise mondiale », François Meyronnis livre une analyse puissante des événements en cours.
Les économistes, nouveaux médecins de Molière, nous vendent depuis 2008 l’idée d’une crise intense mais transitoire, forcément transitoire. Les politiques, au premier rang desquels l’actuel président de la République française, attendent le retournement d’une conjoncture mondiale qui les sauvera de la colère de leurs électeurs, en multipliant les saignées prônées par les premiers.
Les radicaux, incapables de traduire en capital de sympathie l’effondrement de la gauche des marchés, attendent, eux, un retournement d’une autre sorte, celui qui jettera dans la rue un peuple abusé par les deux précédents. Et si rien de tout cela, jamais, ne devait advenir? Et si ce monde-là n’était plus qu’un théâtre d’ombres, celui d’une époque évanouie, où le bras de fer entre pouvoir capitalistique et dominés, aussi féroce et inégal soit-il, avait encore une chance de produire quelque effet?
Telle est l’une des thèses développées par François Meyronnis dans un essai bref et puissant, «Proclamation sur la vraie crise mondiale», qui entend montrer le caractère inouï, et pour tout dire monstrueux, des événements en cours. On a voulu penser la crise des subprimes comme une anomalie, un dérèglement ponctuel dû à la «mauvaise finance» et n’invalidant aucunement les vertus de la «bonne», pour reprendre la sémantique du ministre des Finances socialiste.
Cette débâcle n’a pourtant fait que révéler la perversion intrinsèque du dispositif entier. Contrairement à ce que prétend le bavardage idéologique des néolibéraux et de leurs relais médiatiques, les marchés financiers vivent de la formation de bulles spéculatives de plus en plus destructrices, devenue leur seule façon de former de la valeur.
Contrairement à ce que mettent en oeuvre des gouvernements européens aux abois, sommés par les marchés d’apurer la dette publique, ce n’est sûrement pas en imposant une politique déflationniste à des économies en recul que l’on inversera le cycle qui a mené à la récente crise financière mondiale. Faut-il le rappeler? C’est précisément cette tactique, adoptée par le chancelier Brüning en 1931, qui aboutira à l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes deux ans plus tard.
C’est la crise finale
La crise actuelle vient de loin, elle engage notre rapport entier au monde et déborde de tous côtés la vision étroitement économique des choses, ce «discours du manche» écrit Meyronnis. Paraphrasant Gogol dans «les Ames mortes», l’auteur dépeint la planète comme une «troïka lancée dans une course folle vers un but inconnu». Sous le fouet du capitalisme intégré, ce sont désormais toutes les parties du globe qui se voient mises en concurrence à chaque moment, et la destruction intégrale de l’homme, ce fétiche familier auquel voulurent croire les Temps modernes, est désormais engagée…
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Proclamation sur la vraie crise mondiale,
par François Meyronnis, Les Liens qui Libèrent, 112 p., 12 euros.