— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —
À la mémoire de Pradel Pompilus,
pionnier de la lexicographie créole contemporaine
et auteur, en 1958, du premier Lexique créole-français
(Université de Paris).
À la mémoire de Pierre Vernet,
fondateur de la Faculté de linguistique appliquée
de l’Université d’État d’Haïti et précurseur du partenariat créole-françaisen Haïti.
À la mémoire d’André Vilaire Chery, rédacteur d’ouvrages lexicographiques de haute qualité scientifique et auteur
du Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti
(tomes 1 et 2, Éditions Édutex, 2000 et 2002).
Au cours des dernières années, nous avons étudié de près divers travaux et publications de la lexicographie créole haïtienne et publié une trentaine d’articles traitant de l’un ou l’autre aspect de la production lexicographique créole. Ces articles ont été assemblés et seront bientôt publiés au format livre sous le titre « Plaidoyer pour une lexicographie créole de haute qualité scientifique ». Destinée aux enseignants, aux lexicographes, aux linguistes créolistes et aux rédacteurs de manuels scolaires, cette nouvelle publication paraîtra en Haïti aux Éditions Zémès et au Canada aux Éditions du Cidihca.
Parmi les articles que nous avons publiés au fil des ans sur la lexicographie créole le lecteur (re)lira notamment :
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« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (Fondas kreyòl, 27 juillet 2022) ;
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« Dictionnaires créoles, français-créole, anglais-créole : les grands défis de la lexicographie haïtienne contemporaine », Le National, 20 décembre 2022).
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« La lexicographie créole en Haïti : retour-synthèse sur ses origines historiques, sa méthodologie et ses défis contemporains » (Fondas kreyòl, 15 décembre 2023) ;
(4) « Prolégomènes à l’élaboration de la Base de données lexicographiques du créole haïtien » (Madinin’Art, 16 avril 2024) ;
(5) « Konprann sa leksikografi kreyòl la ye, kote l sòti, kote l prale, ki misyon li dwe akonpli » (Fondas kreyòl, 5 avril 2024).
Le premier « Essai de typologie de la lexicographie créole » que nous avons publié en juillet 2022 couvre les années 1958 à 2022. D’autres ouvrages lexicographiques sont parus depuis lors. Il y a donc lieu d’actualiser ce premier « Essai » en y ajoutant les titres publiés entre 2022 et 2024 et d’en faire une présentation typologique sur le mode d’une taxonomie. Dans cet « Essai » le terme « taxonomie » est employé au sens de repérage systématique, de classement ordonné et de description analytique des « objets » ou « produits » lexicographiques que sont les dictionnaires et les lexiques généralistes ou spécialisés). Ainsi le présent « Essai actualisé de taxonomie de la lexicographie créole de 1958 à 2024 » enrichit et complète notre premier travail de recherche publié en 2022, l’« Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 ». Il est conçu dans le but :
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de fournir un répertoire nominatif détaillé de l’ensemble de la production lexicographique haïtienne depuis les travaux pionniers de Pradel Pompilus en 1958 jusqu’au récent « Dictionnaire de droit du travail » de Me Philippe Junior Volmar paru en Haïti aux Éditions Charesso en mai 2024. Ce répertoire nominatif détaillé prendra la forme d’un tableau taxonomique listant les lexiques et les dictionnaires généralistes et spécialisés.
Cet « Essai actualisé de taxonomie de la lexicographie créole de 1958 à 2024 » a également pour but
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d’analyser et de présenter les principales caractéristiques lexicographiques des dictionnaires et des lexiques à partir du critère de l’observance de la méthodologie de la lexicographie professionnelle.
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D’exposer les lacunes et les carences de la lexicographie créole haïtienne afin de mettre en lumière la nécessité du recours systématique à la méthodologie de la lexicographie professionnelle. Dans cette section de l’« Essai » nous présenterons, pour la lexicographie créole haïtienne dans son ensemble, le modèle normatif de la méthodologie de la lexicographie professionnelle.
La dernière partie de l’« Essai », qui sera suivie d’une bibliographie indicative, abordera deux aspects essentiels de la problématique de la lexicographie créole haïtienne :
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la formation universitaire en lexicographie ;
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la professionnalisation du métier de lexicographe.
Brève incursion dans l’histoire de la lexicographie créole à l’aune de la créolistique
Les études de nature linguistique portant sur le créole haïtien remontent aux années 1930. Il est en effet attesté que les deux œuvres pionnières de la créolistique, au sens moderne du terme, ont été élaborées par la linguiste anthropologue haïtienne Suzanne Comhaire-Sylvain et par son compatriote Jules Faine. Suzanne Comhaire-Sylvain est l’auteure de « Le créole haïtien : morphologie et syntaxe (Éditions Caravelle, Port-au-Prince, 1936 ; réédité à Genève, Slatkine Reprints, 1979). La même année paraissait le livre « Philologie créole » de Jules Faine (1ère édition Imprimerie de l’État, Port-au-Prince, 1936). L’ouvrage de Jules Faine porte le sous-titre « Études historiques et étymologiques sur la langue créole d’Haïti ». Au cours des dernières décennies, la créolistique a fourni nombre d’études majeures sur la syntaxe, la phonologie et la morphologie du créole haïtien, et elle a également élaboré plusieurs études que l’on peut logiquement classer à la rubrique des outils théoriques capables d’éclairer la réflexion sur la méthodologie d’élaboration des dictionnaires et des lexiques créoles. Une recherche documentaire ciblée permet d’accéder à des études fondatrices qui consignent des données en lien avec la méthodologie d’élaboration des dictionnaires et des lexiques créoles. Ainsi, Dominique Fattier est l’auteure de « La lexicographie créole saisie à l’état naissant (Ducoeurjoly 1802) », publié par Marie-Christine Hazaël-Massieux / Didier de Robillard (éds) dans « Contacts de langues, contacts de cultures, créolisation », Paris, L’Harmattan, 1997. Dominique Fattier est l’auteure de « Contribution à l’étude de la genèse d’un créole : l’Atlas linguistique d’Haïti, cartes et commentaires », thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 5 t., 1998, publiée aux Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 1998). De son côté, la linguiste Annegret Bollée, membre fondateur du Comité international des études créoles (CIEC) en 1976, a produit une étude de grande amplitude historique et analytique, « Lexicographie créole : problèmes et perspectives » (Revue française de linguistique appliquée, 2005/1, vol. X).
C’est toutefois la linguiste Marie-Christine Hazaël-Massieux qui a fourni le plus ample fonds d’études théoriques en lien avec la lexicographie créole, notamment (1) « Les corpus créoles », Revue française de linguistique appliquée 1996/2 (vol. I) ; (2) « Prolégomènes à une néologie créole », Revue française de linguistique appliquée 2002/1 (vol. VII) ; (3) « Les créoles à base française : une introduction », paru dans Travaux interdisciplinaires du Laboratoire parole et langage, vol. 21, 2002 ; (4) « De l’intérêt du Dictionnaire du créole de Marie-Galante de Maurice Barbotin », paru dans Créolica, septembre 2004 ; (5) « Théories de la genèse ou histoire des créoles : l’exemple du développement des créoles de la Caraïbe », dans La linguistique 2005/1 (vol. 41) ; (6) « Textes anciens en créole français de la Caraïbe. Histoire et analyse » (Paris, Publibook, 2008). (Oeuvre érudite, ce livre identifie (pages 471 à 480) des textes anciens en créole produits entre 1640 et 1822.) Marie-Christine Hazaël-Massieux a publié (7) « Les créoles à base lexicale française » (Paris, Ophrys, 2011). Elle est également l’auteure d’une imposante « Bibliographie des études créoles. Langues, cultures, sociétés » (Institut d’Études créoles et francophones, Université d’Aix-en-Provence, 1991).
Pour sa part, le linguiste-lexicographe Albert Valdman –rédacteur en chef des plus rigoureux dictionnaires bilingues anglais-créole–, est l’auteur lui aussi d’études de premier plan, notamment « L’évolution du lexique dans les créoles à base lexicale française » paru dans L’information grammaticale no 85, mars 2000), « Vers la standardisation du créole haïtien » (Revue française de linguistique appliquée, 2005/1 (vol. X) et « Vers un dictionnaire scolaire bilingue pour le créole haïtien ? (revue La linguistique, 2005/1 (vol. 41). Dans l’un de ses livres majeurs, « Haitian Creole. Structure, Variation, Status, Origin » (Equinox Publishing Ltd, 2015), Albert Valdman effectue une description détaillée des stratégies productives de développement du vocabulaire et traite de l’origine du lexique du créole haïtien (chapitres 5 et 6, pages 139 à 188 : « The Structure of the Haitian Creole Lexicon »).
Le tableau suivant illustre l’ampleur et la variété des études consacrées à l’un et/ou l’autre aspect du créole (principalement pour Haïti mais également pour la Martinique et la Guadeloupe).
TABLEAU 1 / Relevé de références documentaires fournissant, pour la lexicographie créole, un éclairage sur l’un des aspects suivants : histoire, cadre analytique, cadre méthodologique de référence, problèmes et perspectives
Auteur |
Ouvrage |
Éditeur et date de parution |
Remarques de RBO |
1 Pradel Pompilus |
Lexique créole-français |
Université de Paris, 1958 |
Comprend la mention « Thèse complémentaire» |
2 Pradel Pompilus |
Lexique du patois créole d’Haïti |
SNE, 1961 |
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3 Pradel Pompilus |
État présent des travaux de lexique sur le créole haïtien |
Études créoles, n° 1, 1978 |
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4 Pradel Pompilus |
Manuel d’initiation à l’étude du créole |
Port-au-Prince : Impressions Magiques, 1983 |
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5 Ernst Mirville |
Éléments de lexicographie bilingue – Lexique créole-français |
Bulletin de l’Institut de linguistique appliquée de Port-au-Prince (BILAP) 11, 1979 |
Comprend la mention « Numéro spécial » |
6 Ernst Mirville |
Ki jan yo fè mo nèf an kreyòl |
Creole Institute, Indiana University 1984 |
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7 Pierre Vernet |
Le créole haïtien face à son introduction en salle de classe : le champ sémantique du corps humain |
Études créoles, III, 2, 1980 |
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8 Marie-Christine Hazaël-Massieux |
La lexicographie et la lexicologie à l’épreuve des études créoles |
Études créoles 12/2, 1989 |
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9 Dominique Fattier |
La lexicographie créole saisie à l’état naissant (Ducoeurjoly 1802) |
L’Harmattan, 1997 |
Paru dans Marie-Christine Hazaël-Massieux / Didier de Robillard (éds), Contacts de langues, contacts de cultures, créolisation |
10 Dominique Fattier |
Contribution à l’étude de la genèse d’un créole : l’Atlas linguistique d’Haïti, cartes et commentaires |
Villeneuve d’Ascq, ANRT, Presses du Septentrion, 1998 |
Comprend 6 volumes |
11 Albert Valdman |
L’évolution du lexique dans les créoles à base lexicale française |
L’information grammaticale no 85, mars 2000 |
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12 Albert Valdman |
Vers un dictionnaire scolaire bilingue pour le créole haïtien ? |
La linguistique, vol. 41/1, 2005 |
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13 Albert Valdman |
Vers la standardisation du créole haïtien |
Revue française de linguistique appliquée, vol. X/1, 2005 |
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14 Albert Valdman |
Le cycle vital créole et la standardisation du créole haïtien |
Études créoles X-2, 1987 |
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15 Albert Valdman |
Sur les processus lexicogénétiques du créole haïtien |
Dans H. Schroeder, P. Kumschlies & M. Gonzalez (eds), Linguistik alks Kulturiwssenchaft. Festschrift für Bernd Spillner zum 60. Geburstag, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2001 |
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16 Annegret Bollée |
Le découpage des unités lexicales |
TED, Textes, Études et Documents 9, Ibis rouge, 2001 |
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17 Annegret Bollée |
Lexicographie créole : problèmes et perspectives |
Revue française de linguistique appliquée, 2005/1 |
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18 Serge Colot |
Guide de lexicologie créole |
Ibis rouge, 2002 |
|
19 Raphaël Confiant |
Katjil asou poblenm pawol-nef adan kréyol jôdijou |
Espace créole, 11/2002 |
|
20 Marie-Christine Hazaël-Massieux |
Où l’on retrouve les dictionnaires créoles… à la recherche de l’impossible définition |
Hazaël-Massieux & de Robillard (éds.), 1997 |
Paru dans Marie-Christine Hazaël-Massieux / Didier de Robillard (éds), Contacts de langues, contacts de cultures, créolisation |
21 Élodie Jourdain |
Le vocabulaire du parler créole de la Martinique |
Éditions Klincksieck, 1956 |
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22 Lambert-Félix Prudent |
Les nouveaux défis de la standardisation. Comment écrire les langages littéraires, techniques et scientifiques en créole martiniquais ? |
Éd. modulaires européennes, Université de La Réunion, 2003 |
Dans Anciens et nouveaux plurilinguismes -Actes de la 6e Table ronde du Moufia |
23 Michel Francard, Pergia Gkouskou-Giannakou, Axel Gauvin |
Les langues créoles : éclairages pluridisciplinaires |
L’Harmattan, 2017 |
|
24 Robert Berrouët-Oriol et al. |
La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti |
Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021 |
Ouvrage collectif |
Taxonomie de la lexicographie haïtienne de 1958 à 2024 : les pionniers, les ouvrages
Dans le champ relativement jeune de la créolistique, la lexicographie haïtienne –qui comprend des ouvrages bilingues français-créole, anglais-créole, ainsi que de rares ouvrages unilingues créoles–, est un domaine spécialisé d’études et de production d’ouvrages lexicographiques. L’émergence et l’histoire de la lexicographie créole sont historiquement attestées depuis les travaux pionniers du linguiste haïtien Pradel Pompilus auteur, en 1958, du « Lexique créole-français » (Université de Paris). Au terme d’une ample recherche documentaire, nous avons exposé les caractéristiques typologiques de la lexicographie créole par la publication de notre tout premier « Essai de typologie de la lexicographie créole de 1958 à 2022 » (journal Le National, Port-au-Prince, 21 juillet 2021). Dans cet essai nous avons répertorié et classé 64 dictionnaires et 11 lexiques, et dans les articles subséquents qui ont complété cet essai, nous avons démontré que sur le total de 75 ouvrages, seuls 11 ont été élaborés selon la méthodologie de la lexicographie professionnelle telle qu’elle est enseignée dans les universités à travers le monde et telle qu’elle est mise en œuvre dans la confection des lexiques et des dictionnaires de la langue usuelle (Le Robert, Le Larousse, USITO, Le Littré, le Oxford English Dictionary, le Oxford Advanced American Dictionary, El Diccionario de la lengua española de la Real academia española, etc.).
TABLEAU 2 / Taxonomie de la lexicographie créole de 1958 à 2024 : échantillonnage représentatif de la production lexicographique haïtienne (lexiques et dictionnaires)
NOTE / En raison de ses grandes dimensions, le tableau taxonomique complet de la lexicographie créole de 1958 à 2024 est placé à la fin du document au tableau 7.
© Robert Berrouët-Oriol — Tous droits réservés
Titre de l’ouvrage |
Auteur(s) |
Date d’édition |
Éditeur |
Livre imprimé ou édition électronique |
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Pradel Pompilus |
1958 |
Université de Paris |
Livre imprimé |
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Pradel Pompilus |
1961 |
SNE (Syndicat national de l’édition) |
Livre imprimé |
|
Jules Faine |
1974 |
Leméac |
Livre imprimé |
|
Peleman L. C. |
1974 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
|
Alain Bentolila (et al.) |
1976 |
Éditions caraïbes |
Livre imprimé |
|
Lodewijk Peleman |
1976 |
Éditions Bon nouvèl |
Livre imprimé |
|
Henry Tourneux, Pierre Vernet et al. |
1976 |
Éditions caraïbes |
Livre imprimé |
|
Pierre Vernet, B. C. Freeman |
1988 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
Livre imprimé |
|
Bryant C. Freeman |
1992 |
University of Kansas, Institute of Haitian Studies [ ? ] |
Livre imprimé |
|
Maud Heurtelou, Féquière Vilsaint |
1994 |
Éduca Vision |
Livre imprimé + Livre numérique |
|
Albert Valdman |
1997 |
Creole Institute Bloomington University |
Livre imprimé |
|
Pierre Vernet et H. Tourneux (dir.) |
2001 |
Fakilte lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
Livre imprimé |
|
Albert Valdman |
2007 |
Creole Institute, Indiana University |
Livre imprimé |
|
Philippe Junior Volmar |
2024 |
Éditions Charesso |
Livre imprimé |
Au moment de la rédaction de la version finale du présent « Essai actualisé de taxonomie de la lexicographie créole de 1958 à 2024 », le 27 octobre 2024, la lexicographie créole haïtienne comprenait 80 ouvrages (voir le tableau 7). Sur ce total, 65 d’entre eux sont des dictionnaires et 15 sont des lexiques. Il faut toutefois nuancer cette appellation typologique car plusieurs titres peuvent porter à confusion. Ainsi, l’excellent « Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité » d’Henry Tourneux (CNRS/Cahiers du Lacito, 1996) n’est pas un lexique : il s’agit plutôt d’un vocabulaire thématique comprenant des termes français en entrée suivis d’équivalents créoles ; les termes sont parfois définis en français et ils sont parfois suivis de brèves notes explicatives. En ce qui a trait à la dénomination des œuvres lexicographiques, la tradition qui a cours aux États-Unis regroupe faussement sous l’étiquette de « glossary » ce qui est en réalité un ensemble de lexiques, soit des listages de termes dans la langue de départ, l’anglais, suivis d’équivalents dans la langue d’arrivée, le créole. Les trois « glossaries » anglais-créole du domaine juridique publiés aux États-Unis entre 1998 et 2023 attestent de la même impropriété dénominative puisqu’ils sont des lexiques et non pas des glossaires. La définition canonique du terme « lexique », dont l’équivalent anglais est « lexicon », se lit comme suit : « Répertoire de termes appartenant à un domaine, accompagnés de leurs équivalents dans une ou plusieurs langues, et qui ne comporte pas de définitions » (Grand dictionnaire terminologique). En lexicographie, le terme anglais « glossary » a pour équivalent français « glossaire » ainsi défini : c’est un « Dictionnaire, dans une langue déterminée de mots vieillis, rares, nouveaux ou mal connus. Un glossaire peut se présenter soit sous la forme d’un document autonome, soit sous la forme d’une annexe à un document ou à une partie de document » (Grand dictionnaire terminologique).
L’apport d’Henry Tourneux à l’histoire et à la taxonomie de la lexicographie créole est novateur et éclairant : il est le premier linguiste à avoir élaboré, pour les années 1975 – 2000, une typologie de la production lexicographique haïtienne dans son article « Un quart de siècle de lexicographie du créole haïtien (1975-2000) » paru dans « À l’arpenteur inspiré – Mélanges offerts à Jean Bernabé », ouvrage dirigé par Raphaël Confiant et Robert Damoiseau (Éditions Ibis rouge, Matoury, Guyane, 2006). Dans cet article, l’auteur évalue la méthodologie d’élaboration et le contenu de plusieurs ouvrages, et il consigne en conclusion une importante remarque qui doit être prise en compte dans tout inventaire analytique de la lexicographie créole contemporaine : « (…) il existe (…) de nombreuses rééditions pour les ouvrages de certains auteurs (Vilsaint, en particulier), sous des formats parfois différents, avec des lieux de publication différents ». La confusion entre dictionnaire et lexique soulignée par Henry Tourneux dans son étude renvoie à celle, plus générale mais au demeurant essentielle, du statut scientifique des ouvrages de la lexicographie créole de 1958 à 2024 : sont-ils rédigés par des personnes la plupart du temps bien intentionnées mais qui ne disposent pas de qualifications lexicographiques avérées ? Sont-ils le fait de missionnaires étrangers désireux d’évangéliser en créole et qui se prennent pour des lexicographes d’inspiration divine ? La problématique du statut scientifique des ouvrages de la lexicographie créole de 1958 à 2024 renvoie donc à une question centrale : ces ouvrages ont-ils tous été élaborés selon la méthodologie de la lexicographie professionnelle ? Comme on le verra plus loin dans le déroulé de cet « Essai », pour un nombre relativement élevé d’ouvrages, il est difficile de répondre par l’affirmative. De nombreux dictionnaires et lexiques rédigés du seul fait d’un individu autoproclamé lexicographe relèvent souvent d’un amateurisme persistant et d’une tradition autodidacte qu’il s’agit désormais de dépasser par une formation universitaire spécialisée couplée à des stages encadrés et par la professionnalisation institutionnelle du métier de lexicographe.
Sur le registre de l’histoire et de la taxonomie de la lexicographie créole, l’apport d’Albert Valdman est également fort éclairant. Dans une étude de grande amplitude informative et analytique intitulée « Vers un dictionnaire scolaire bilingue pour le créole haïtien ? » parue en 2005 dans la revue La linguistique, l’auteur présente en annexe un « Inventaire des dictionnaires portant sur le créole haïtien ». Albert Valdman expose un ancrage méthodologique central qu’il est nécessaire et indispensable de s’approprier pour charpenter adéquatement toute démarche lexicographique car cet ancrage méthodologique est destiné à orienter la constitution d’un futur dictionnaire monolingue créole : « Au fur et à mesure que le CH [créole haïtien] est appelé à la rédaction d’une large gamme de textes, en particulier dans les domaines techniques, et à son emploi dans les cycles scolaires supérieurs, il se dotera d’un métalangage capable de traiter de concepts de plus en plus abstraits. Dans l’attente de cette évolution, la lexicographie bilingue peut préparer le terrain en affinant ses méthodes, en particulier quant à : 1 / la sélection de la nomenclature ; 2 / la description des variantes et le classement diatopique, diastratique et diaphasique des lexies ; et 3 / le choix des exemples illustratifs. » Le « métalangage » qu’évoque Albert Valdman renvoie à l’ample et complexe problématique de la didactisation du créole étudiée sous différents angles dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (par Robert Berrouët-Oriol et al., Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021).
NOTE / La « description des variantes et le classement » qu’évoque Albert Valdman est une exigence méthodologique de premier plan dans l’observation des faits de langue et dans la description lexicale. Ainsi, « (…) les linguistes variationnistes tentent d’expliquer les phénomènes de variation linguistique à partir de contraintes internes à la langue, mais aussi à partir de contraintes externes à la langue. Selon Bulot et Blanchet (2013, p. 48), la variation externe s’organise autour de cinq dimensions : diachronique, diatopique, diastratique, diaphasique et diagénique.
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La première de ces variations, la variation diachronique, concerne l’évolution de la langue dans le temps. Elle permet de distinguer les formes anciennes des formes plus récentes d’une même langue. Par exemple, on délimite dans l’ordre chronologique les différentes périodes historiques du français de la façon suivante : le proto-français (au VIIIe siècle), le vieux français (du IXe au XIIIe siècle), le moyen français (du XIVe au XVe siècle), puis le français contemporain (du XVIe siècle à maintenant). Évidemment, le français contemporain peut lui-même être divisé en périodes variables, comme par exemple, le début du XXe siècle, la période des années 50 ou le temps présent. Par exemple, le mot hôpital était anciennement prononcé [hɔspital] plutôt que [ɔpital].
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La variation diatopique permet d’identifier les variétés d’une même langue sous un angle géographique. Les variétés wallonne, marseillaise, québécoise seront ainsi définies comme « régiolectes », « topolectes » ou « géolectes » parce qu’elles sont parlées dans des territoires géographiques précis (états, provinces, régions, départements, etc.). Par exemple, on prononcera le mot Canada [kanadɑ] en français québécois, mais [kanada] en français de France.
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La variation diastratique relève les différences d’usage d’une même langue au sein des couches sociales. Le français des classes sociales élevées de Paris représente en France, la norme, le modèle à suivre, contrairement à certaines variétés dépréciées, voire stigmatisées (l’accent dit « de banlieue », par exemple). On parlera ici de « sociolectes ». Par exemple, une phrase comme « m’as manger une pomme » est davantage caractéristique des classes ouvrières québécoises, contrairement à « j’vais manger une pomme » qui sera plutôt employée par les classes moyennes et supérieures.
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La variation diaphasique rend compte des usages différant d’une situation de discours à une autre. La production langagière est déterminée par le caractère « formel » ou « informel » de la situation de communication. Labov (1976) l’appelle « variation stylistique ». Selon lui, chaque locuteur apporte à son langage une forme « d’autosurveillance ». Il précise d’ailleurs que : « La variation stylistique suit la même direction quelle que soit la classe ; plus le contexte est « formel », plus apparaissent, chez tous les locuteurs, les variantes « de prestige » (celles que les classes supérieures utilisent le plus). » (Labov, 1976, p. 21). Inversement, plus le degré de formalité de la situation décroît, plus l’usage des variantes vernaculaires (c’est-à-dire les variantes produites spontanément, lorsqu’on ne fait pas attention à notre façon de parler) augmente. Pour différencier les styles entre eux, on parlera alors d’« idiolectes ». Par exemple, la neutralisation de « tout » et « tous » en [tʊt] est caractéristique du vernaculaire québécois.
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La variation diagénique concerne les différences de parler relevées entre les hommes et les femmes. Elle permet de rendre compte, par exemple, que les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes représentations linguistiques (une variante peut être perçue positivement par les hommes, mais négativement par les femmes) et donc qu’ils n’emploient pas nécessairement les mêmes formes dans des contextes sociaux similaires.
Terminons en soulignant qu’il existe une dernière dimension, la dimension diamésique, qui concerne les différences liées au canal employé par les locuteurs. Elle permet notamment de mettre en lumière les écarts entre l’oral et l’écrit et de « prendre en charge les formes liées aux nouvelles technologies […] » Bulot et Blanchet (2013, p. 48) (voir Davy Bigot, Robert A. Papen, « Formation en linguistique variationniste », Université Concordia, 2022).
Caractéristiques lexicographiques des dictionnaires et des lexiques élaborés par la lexicographie créole haïtienne au regard du critère central de l’observance de la méthodologie de la lexicographie professionnelle
Telle que nous la connaissons de nos jours, la lexicographie professionnelle est issue d’une très ancienne tradition et elle a affiné ses procédures au fil des siècles. Il existe à l’échelle internationale un musée à la fois original et unique, c’est le Musée virtuel des dictionnaires . Il est précisé sur le portail de cette institution unique au monde que ce musée « est un site géré par le laboratoire Lexiques, Textes, Discours, Dictionnaires : Centre Jean Pruvost (EA 7518) de l’Université de Cergy-Pontoise en France. Sa vocation est de présenter une bibliographie des dictionnaires et des travaux s’y rapportant. (…) [L’on trouve] sur ce site la biographie des principaux lexicographes, ainsi que des extraits des ouvrages (scanners ou photographies). L’utilisation de ce site se veut la plus simple et la plus intuitive possible : à partir des pages sur l’histoire des dictionnaires, comme à partir des pages de la recherche chronologique ou de la recherche par auteur, [l’on accède] à la biographie des lexicographes et aux photographies des ouvrages ». Il est utile de mentionner que l’équipe éditoriale du Musée virtuel des dictionnaires est dirigée par le célèbre lexicographe Français Jean Pruvost et que son comité scientifique comprend des sommités mondiales de la lexicographie, notamment les Français Bernard Quémada et Bernard Cerquiglini ainsi que le Québécois Jean-Claude Boulanger.
Le site du Musée virtuel des dictionnaires comprend, au chapitre « Histoire des dictionnaires », la section « Les dictionnaires de la langue française : une histoire et une dynamique ». Cette section permet à l’usager de faire le parcours, dans le temps, « Des dictionnaires papier aux dictionnaires électroniques ». D’un siècle à l’autre, l’on accède ainsi à un chemin de connaissance d’une très grande amplitude informative et qui se présente comme suit :
I – Historique
Le chapitre « Le XVIIe siècle : le grand siècle et la naissance d’une trinité lexicographique » est fort instructif au regard de « la réelle naissance de la lexicographie de haute qualité » : « Constatons au passage que lorsqu’un pays bénéficie d’une langue et d’un gouvernement forts, apparaissent généralement des répertoires monolingues qui donnent aux mots du code linguistique national leur sens précis, ce qui renforce la validité des textes officiels. Au public de Corneille, Racine, Molière, aux contemporains instruits, bourgeois et nobles, correspondent à la fin du siècle trois dictionnaires de facture différente qui marquent la réelle naissance de la lexicographie de haute qualité : le dictionnaire de Richelet en 1680, celui de Furetière en 1690, et celui de l’Académie en 1694.
Tout d’abord, Pierre Richelet (1631-1694) publie en 1680 le premier dictionnaire monolingue de langue française, le Dictionnaire français contenant les mots et les choses (2 vol., in- 4°), dictionnaire destiné à « l’honnête homme ». Il y définit les mots en homme de goût et de raison, volontiers puriste. Il s’agit d’un dictionnaire descriptif du bel usage, avec des exemples choisis dans l’œuvre de Boileau, Molière, Pascal, Vaugelas, sans oublier les collaborateurs de Richelet, Patin et Bouhours qui n’hésitent pas à se citer, un bon moyen de passer à la postérité… Ce dictionnaire préfigure l’ouvrage de Littré et de Paul Robert : le grand dictionnaire de langue s’appuyant sur des citations d’auteurs est né.
Ensuite Antoine Furetière (1620-1688), esprit vif et volontiers railleur, est l’auteur du Dictionnaire Universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les Sciences et des Arts (2vol. ; in-folio). Ce n’est plus cette fois-ci le « bon usage » qui est mis en relief mais, comme il est annoncé dans la préface, « une infinité de choses ». Les traits d’Histoire, les curiosités de « l’histoire naturelle, de la physique expérimentale et de la pratique des Arts » l’emportent sur la citation des bons auteurs. Furetière préfigure Pierre Larousse et le dictionnaire encyclopédique, ce dernier étant davantage centré sur les idées et les choses décrites par les mots que sur l’usage du mot dans la langue.
Enfin, paraît en 1694 la première édition du Dictionnaire de l’Académie française (2 vol., in-4°) se trouve ainsi accomplie l’une des tâches que s’était fixée l’Académie dès 1635 sous l’œil attentif de Richelieu. Ce dernier souhaitait vivement en effet que la France se dotât d’un dictionnaire à l’image de celui de l’Académie della Crusca fondée à Florence, dictionnaire illustrant la langue italienne dans une première édition en 1612 et une seconde en 1623.
Le chapitre « Le XXe siècle » est lui aussi fort instructif sur le registre de l’histoire des dictionnaires du français. Il expose comme suit des repères historiques de premier plan :
« Les talentueux successeurs de Pierre Larousse »
« Au Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle devait succéder en 1904 les sept volumes in-quarto du Nouveau Larousse illustré, dirigé par Claude Augé, qui fut très largement répandu, avec des planches illustrées en couleurs et de nombreuses illustrations au cœur des articles. Version singulièrement amincie du prédécesseur en 17 volumes, il méritait sa notoriété de par son homogénéité et la fiabilité des informations apportées.
En 1910 paraissait le Larousse pour tous en deux volumes, intitulé ensuite Larousse Universel en 1923, et Nouveau Larousse universel en 1948. Il devait donner naissance au Larousse en trois volumes, le L3.
En 1933, était publié sous la direction de Paul Augé le dernier des six volumes du Larousse du XXe siècle (6vol. et un Supplément en 1953, in-4°), ouvrage particulièrement riche en biographies.
Mais c’est en 1963 que, sous la direction de Jean Dubois et avec le concours du grand linguiste Claude Dubois, était achevé le Grand Larousse encyclopédique en dix volumes, plus de 10 000 pages, 450 000 acceptions, 22 000 illustrations. Assurément, un dictionnaire de grande classe correspondant aux trente glorieuses : pas moins de 700 spécialistes y participaient en effet, répartis en treize grandes disciplines dirigées par des secrétaires de rédaction responsables de l’homogénéité de l’ensemble.
On est en fait ici à l’aube du travail structuré à l’aide de l’ordinateur, cet ouvrage représentait la dernière étape avant l’aventure informatique, celle correspondant à la mise en fiche la plus efficace possible.
En 1985, dans la même dynamique était publié le Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse en dix volumes. Mais il s’agissait là de dictionnaires encyclopédiques, et si la description de la langue n’y était pas négligée, ces ouvrages privilégiaient naturellement l’information encyclopédique.
Les Éditions Larousse allaient donc également s’intéresser au dictionnaire de langue. Ainsi est publié en 1978 le Grand Larousse de la langue française, en 7 volumes, élaboré sous la direction de Louis Guilbert, R. Lagane, G. Niobey. Un dictionnaire Larousse sans illustration, uniquement consacré à la description des mots de notre langue, voilà qui rompait avec la tradition.
En fait, dès 1967, une première percée avait été faite avec le Dictionnaire français contemporain (le DFC) rédigé sous la direction de Jean Dubois, ouvrage en un volume, de format très réduit, avant tout destiné au public scolaire. Ce petit dictionnaire, en décrivant le français en synchronie, avec un dégroupement des articles, en fonction de la distribution des mots dans la langue (plusieurs articles pour le mot « classe » au lieu d’un seul avec de nombreux sens différents) avait fait l’effet d’une révolution lexicographique ».
Également, le chapitre « Le XXe siècle » expose avec pertinence l’apport de Paul Robert, Alain Rey et Josette Rey-Debove à la lexicographie contemporaine.
« Paul Robert est né en 1910 en Algérie, dans une famille aisée, et il entreprend des études de droit qui le conduiront jusqu’à une thèse soutenue à la fin de la guerre, en 1945. Rien ne le prédestinait à la lexicographie, mais son affectation pendant la guerre au service du décodage, où il participe à l’élaboration d’un dictionnaire du chiffre, son contact apprécié avec la langue anglaise, ses premiers essais à titre personnel de mise en analogie des mots anglais puis des mots français, l’entraînent peu à peu à transformer son loisir en activité dévorante, au point de bientôt recruter des auxiliaires sur sa fortune personnelle pour faire aboutir le dictionnaire dont il rêve. En 1950, il apprend que le premier fascicule de son dictionnaire obtient le prix Saintour de l’Académie française. Dès lors, il n’a de cesse d’achever l’œuvre commencée et, en 1952 et 1953, il recrute pour l’aider deux collaborateurs d’excellence, Alain Rey et Josette Rey-Debove. Le 28 juin 1964, il achève le sixième et dernier tome du Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paul Robert offrait à la France un digne successeur du Littré avec des citations extraites d’un corpus littéraire plus récent, la Société qu’il avait fondée s’intitulait d’ailleurs la Société du Nouveau Littré. Quant au principe analogique qui était à l’origine du projet, s’il n’est pas négligeable, ce n’est pas lui qui déterminait le succès de l’entreprise, mais la qualité du travail définitoire. Les éditions Robert allaient s’installer dans le paysage lexicographique en s’illustrant par différents dictionnaires de grande qualité. En 1967, naissait d’abord le Petit Robert, le petit dictionnaire de langue manquant sur le marché et qui pouvait ainsi constituer le pendant du Petit Larousse illustré, dictionnaire encyclopédique. Après un Supplément (1971) ajouté au Dictionnaire alphabétique et analogique de Paul Robert, supplément qui installait A. Rey et J. Rey-Debove parmi les grands lexicographes connus, paraissait en 1985 le Grand Robert de la langue française dirigé par A. Rey.
À la fin du siècle, marqué par l’informatique, sont diffusés, en 1994, le cédérom correspondant au Grand Robert et, deux ans plus tard, celui correspondant au Petit Robert, outil précieux permettant de nombreux croisements d’information avec, pour la première fois, des mots sonorisés, près de 9000.
Enfin, signe patent d’une maison d’édition bien installée dans le paysage lexicographique, on assiste au cours de la dernière décennie du XXe siècle à la diversification des ouvrages en un ou deux volumes, qu’il s’agisse des dictionnaires pour enfants, des dictionnaires pour collégiens ou des dictionnaires de noms propres, sans oublier en 1992 le Dictionnaire historique de la langue française (2 vol., in-4°), synthèse des informations recueillies par les chercheurs de ce demi-siècle, et ouvrage qui renoue utilement avec un genre qu’avait tenté d’imposer l’Académie au XIXe siècle, sans succès. Outre leur compétence de lexicographe et de dictionnariste, Josette Rey-Debove et Alain Rey nous ont offert par ailleurs d’importants ouvrages théoriques sur la lexicologie et la lexicographie. Ils auront indéniablement marqué la seconde moitié du siècle ».
La lexicologie et la lexicographie sont l’objet à travers le monde d’un enseignement universitaire spécialisé aux trois cycles, et cet enseignement a parfaitement intégré dans l’apprentissage de la lexicographie les apports méthodologiques des rédacteurs des dictionnaires précédemment cités. Aujourd’hui, à l’échelle internationale, l’enseignement de la lexicographie comprend des cursus enrichis de cours de traduction et de terminologie.
Sans perdre de vue que seuls 12 ouvrages sur un total de 80, publiés entre 1958 et 2024, ont été élaborés en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle,
il est attesté que la jeune lexicographie créole haïtienne a su elle aussi assimiler et intégrer les règles de la méthodologie de la lexicographie professionnelle. À travers ses travaux de recherche et ses publications, elle a su les mettre en œuvre, assurant ainsi, par l’ancrage sur un socle méthodologique modélisé, la scientificité et la crédibilité de sa production. Le dispositif modélisé de la méthodologie de la lexicographie professionnelle comprend quatre socles distincts mais liés consistant : (1) à définir le projet éditorial et les usagers-cibles visés ; (2) à identifier les sources du corpus de référence en vue de l’établissement de la nomenclature ; (3) à procéder à l’établissement de la nomenclature des termes retenus à l’étape du dépouillement du corpus de référence ; (4) à procéder au traitement lexicographique des termes de la nomenclature et à la rédaction des rubriques dictionnairiques (définitions, notes explicatives, notes contextuelles, catégorisation grammaticale des termes placés en « entrée » en ordre alphabétique et s’il y a lieu mention de l’aire géographique d’emploi du terme).
TABLEAU 3 / Ouvrages lexicographiques (lexiques et dictionnaires) élaborés
en conformité avec la méthodologie de la lexicographie professionnelle
(12 ouvrages sur un total de 80 publiés entre 1958 et 2024)
Titre |
Auteur |
Date |
Éditeur |
1- Ti diksyonnè kreyòl-franse |
Henry Tourneux, Pierre Vernet et al. |
1976 |
Éditions caraïbes |
2- Haitian Creole-English-French Dictionnary (vol. I, vol. II) |
Albert Valdman et al. |
1981 |
Creole Institute, Bloomington University |
3- Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité |
Henry Tourneux |
1986 |
CNRS – Cahiers du Lacito |
4- Diksyonè òtograf kreyòl ayisyen |
Pierre Vernet, B.C. Freeman |
1988 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
5- Dictionnaire préliminaire des fréquences de la langue créole |
Pierre Vernet, B.C. Freeman |
1989 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
6- Dictionnaire inverse de la langue créole haïtienne/ Diksyonè lanvà lang kreyòl ayisyen |
B.C. Freeman |
1989 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
7- Dictionnaire de l’écolier haïtien |
André Vilaire Chery |
1996 |
Hachette-Deschamps/ÉDITHA |
8- Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti (tome 1) |
André Vilaire Chery |
2000 |
Éditions Édutex |
9- Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti (tome 2) |
André Vilaire Chery |
2002 |
Éditions Édutex |
10- Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary |
Albert Valdman |
2007 |
Creole Institute, Bloomington University |
11- English-Haitian Creole Bilingual Dictionnary |
Albert Valdman, Marvin D. Moody, Thomas E. Davies |
2017 |
Creole Institute, Bloomington University |
12- Dictionnaire de droit du travail |
Philippe Junior Volmar |
2024 |
Éditions Charesso |
Les ouvrages listés au tableau 3 ont une caractéristique commune : le même cadre méthodologique est à la base de l’élaboration de ces dictionnaires et d’un lexique bilingue. Sur le plan méthodologique, les ouvrages bilingues identifiés au tableau 3 ont été élaborés dans la stricte observance du critère de l’exactitude de l’équivalence lexicale conjoint à celui de l’équivalence notionnelle : c’est le critère majeur placé au centre de toute démarche lexicographique et terminologique. (Sur la problématique de l’équivalence lexicale et terminologique, voir Annaïch Le Serrec : « Analyse comparative de l’équivalence terminologique en corpus parallèle et en corpus comparable : application au domaine du changement climatique », thèse de doctorat, Université de Montréal, avril 2012 ; voir aussi Robert Dubuc, enseignant émérite de traduction et de terminologie à l’Université de Montréal et auteur du « Manuel pratique de terminologie » (Éditions Linguatech, 2002). Il nous enseigne que « Deux termes sont dits équivalents s’ils affichent une identité complète de sens et d’usage à l’intérieur d’un même domaine d’application. (…) Il y a équivalence même si chaque langue n’envisage pas la même notion sous le même angle »). Les dictionnaires anglais-créole élaborés par le linguiste-lexicographe Albert Valdman et ses équipes se situent tous au sommet de la lexicographie créole en raison de leur rigueur scientifique et de leur ancrage systématique sur le socle de la méthodologie de la lexicographie professionnelle : ils appartiennent de la sorte à la grande famille des dictionnaires majeurs de la langue usuelle réputés pour leur fiabilité (Le Robert, Le Larousse, USITO, Le Littré, le Oxford English Dictionary, le Oxford Advanced American Dictionary, El Diccionario de la lengua española de la Real Academia española, etc.). Sur la base des critères de la méthodologie de la lexicographie professionnelle, notre évaluation des dictionnaires élaborés par Albert Valdman et par le lexicographe haïtien André Vilaire Chery permet d’exposer que ces ouvrages constituent LE MODÈLE NORMATIF STANDARD dont doit s’inspirer toute la lexicographie haïtienne contemporaine (voir nos articles « Lexicographie créole : revisiter le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman » (Le National, 30 janvier 2023), « Le « Dictionnaire de l’écolier haïtien », un modèle de rigueur pour la lexicographie en Haïti » (Le National, 3 septembre 2022), et « Toute la lexicographie haïtienne doit être arrimée au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle » (Le National, 29 décembre 2022).
TABLEAU 4 / Échantillon de lexiques et de dictionnaires élaborés en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle
Titre de l’ouvrage |
Auteur(s) |
Éditeur |
Année de publication |
Diksyonè kreyòl Vilsen |
Maud Heurtelou, Féquière Vilsaint |
ÉducaVision |
1994 [2009] |
Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986 |
Emmanuel Védrine |
Védrine Creole Project [?] |
2000 |
Diksyonè kreyòl karayib |
Jocelyne Trouillot |
CUC Université Caraïbe |
2003 [?] |
Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative |
MIT – Haiti Initiative |
MIT – Haiti Initiative |
2017 [?] |
Diksyonè jiridik kreyòl |
Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien |
Édition à compte d’auteur |
2024 |
TABLEAU 5 – Caractéristiques lexicographiques des ouvrages élaborés en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle (échantillon de 4 publications)
Titre de l’ouvrage |
Auteur(s) |
Catégorie |
Principales caractéristiques lexicographiques |
Diksyonè kreyòl Vilsen |
Maud Heurtelou, Féquière Vilsaint |
Dictionnaire unilingue créole Accès Web et format papier | Incohérence, insuffisance ou inadéquation de nombreuses définitions. Certaines rubriques comprennent des notes explicatives |
Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986 |
Emmanuel Védrine |
S’intitule « leksik » alors qu’il est un glossaire unilingue créole |
De nombreuses entrées (« mots vedettes ») sont des slogans ou des séquences de phrases ou des proverbes. De nombreuses entrées ne sont pas des unités lexicales. Incohérence, insuffisance ou inadéquation des rares définitions |
Diksyonè kreyòl karayib |
Jocelyne Trouillot |
Dictionnaire unilingue créole au format papier uniquement |
Incohérence, insuffisance ou inadéquation de nombreuses définitions. De nombreuses entrées (« mots vedettes ») ne sont pas des unités lexicales, ce sont plutôt des noms propres ou des toponymes… |
Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative |
MIT – Haiti Initiative |
Lexique bilingue anglais-créole
Accès Web uniquement |
Équivalents créoles souvent fantaisistes, erratiques, asémantiques et non conformes au système morphosyntaxique du créole. Les pseudo néologismes « créoles » sont essentiellement abracadabrants, farfelus et non conformes au système morphosyntaxique du créole |
Diksyonè jiridik kreyòl |
Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien |
Dictionnaire unilingue créole | Incohérence, insuffisance ou inadéquation de nombreuses définitions. Plusieurs définitions relèvent de discours idéologiques plutôt que de la lexicographie. |
Le tableau 5 illustre les principales lacunes des ouvrages élaborés en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle : ils relèvent tous d’un amateurisme autodidacte assumé qui prétend s’ériger en modèle lexicographique. Pareil amateurisme renvoie à ses éléments constitutifs : les rédacteurs sont dépourvus de la moindre qualification en lexicographie générale et en lexicographie créole ; les travaux ne prennent en compte ni les enseignements de la tradition lexicographique ni les enseignements des linguistes de terrain, notamment les enseignements de Pradel Pompilus, Henry Tourneux, Albert Valdman et André Vilaire Chery. L’un de ces enseignements majeurs est au fondement de la scientificité de la démarche lexicographique, à savoir l’observation de terrain, l’observation des faits de langue dans leur contexte. Ainsi, le « Lexique créole-français » de Pradel Pompilus, œuvre pionnière en 1958 de la lexicographie créole haïtienne, est issu d’un minutieux travail d’observation sur le terrain. Il en est de même du « Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité » d’Henry Tourneux. Il a été élaboré dans un cadre institutionnel, celui du Centre de linguistique appliquée, ancêtre de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. D’autre part, il est issu d’une observation de terrain effectuée à la centrale thermique de la ville de Saint-Marc et selon une méthodologie appropriée en lien avec des objectifs clairement identifiés. « Ce lexique a été recueilli à la demande du Centre de linguistique appliquée de Port-au-Prince, dirigé par Pierre Vernet, au cours d’une mission partiellement financée par I’Université René Descartes (15 décembre 1980 – 19 janvier 1981). L’enquête a été menée dans le secteur de [la ville de] Saint-Marc ainsi que dans un grand magasin spécialisé de Port-au-Prince. L’objectif visé était de recueillir un maximum de termes concernant l’électricité et son usage, afin de préparer le terrain en vue de la rédaction de manuels techniques en créole ou de livrets d’éducation populaire. La méthode d’enquête employée a été celle de l’observation directe in situ (aux risques et périls du linguiste, il faut le dire). Les résultats obtenus ne sont que partiels et seront complétés par des travaux ultérieurs du Centre de linguistique appliquée de Port-au-Prince » (source : Cahiers du Lacito/CNRS, 1, 1986, p. 177). La dimension institutionnelle ici illustrée par le « Petit lexique créole haïtien utilisé dans le domaine de l’électricité » d’Henry Tourneux est de première importance : l’absence de cadre institutionnel d’exercice de la lexicographie constitue l’une des grandes lacunes constatées à l’analyse d’un grand nombre de dictionnaires et de lexiques créoles. Tel que mentionné au tableau 5, c’est notamment le cas du « Diksyonè kreyòl Vilsen », du « Leksik kreyòl : ekzanp devlopman kèk mo ak fraz a pati 1986 », du « Diksyonè kreyòl karayib » et du « Diksyonè jiridik kreyòl » élaborés en dehors de tout cadre institutionnel qui aurait pu fournir des ressources professionnelles et des instruments lexicographiques adéquats. À cet égard il est attesté que les rédacteurs de ces ouvrages n’ont à aucun moment fait appel aux ressources de la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. En revanche, le très médiocre « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » a été élaboré dans un cadre institutionnel, celui du Département de linguistique du MIT, mais cette institution universitaire américaine est dépourvue de la moindre compétence en lexicographie et cette discipline n’y est même pas enseignée. Au MIT Haiti Initiative, l’amateurisme pré-scientifique du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » promeut une aventureuse « lexicographie borlette » par la fabrication d’équivalents « créoles » souvent fantaisistes, erratiques, a-sémantiques et non conformes au système morphosyntaxique du créole, tandis que ses pseudo néologismes « créoles » sont essentiellement abracadabrants, farfelus et non conformes au système morphosyntaxique du créole (voir nos articles « Le traitement lexicographique du créole dans le « Glossary of STEM terms from the MIT – Haïti Initiative », Le National, 21 juillet 2020, et « Toute la lexicographie haïtienne doit être arrimée au socle méthodologique de la lexicographie professionnelle », Le National, 29 décembre 2022).
L’élaboration du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » est présentée dans les termes suivants sur le site du MIT – Haiti Initiative, au chapitre « Kreyòl-English glosses for creating and translating materials in Science, Technology, Engineering & Mathematics (STEM) fields in the MIT-Haiti Initiative » : « (…) l’un des effets secondaires positifs des activités du MIT-Haïti (ateliers sur les STEM, production de matériel en kreyòl de haute qualité, etc.) est que nous enrichissons la langue d’un nouveau vocabulaire scientifique qui peut servir de ressource indispensable aux enseignants et aux étudiants Ces activités contribuent au développement lexical de la langue » créole » [Traduction : RBO]. Comme nous l’avons rigoureusement démontré dans notre article « La lexicographie créole à l’épreuve des égarements systémiques et de l’amateurisme d’une « lexicographie borlette » (Le National, 28 mars 2023), le pseudo « nouveau vocabulaire scientifique » bricolé par le MIT–Haiti Initiative en dehors de la méthodologie de la lexicographie professionnelle comprend un grand nombre d’équivalents « créoles » fantaisistes, erratiques, faux, sémantiquement opaques, souvent non conformes au système morphosyntaxique du créole et incompréhensibles du locuteur créolophone. L’autre grande caractéristique de l’amateurisme en lexicographie créole est donc la promotion de la « lexicographie borlette » au creux du pseudo « nouveau vocabulaire scientifique » du MIT–Haiti Initiative : il consiste en l’absence systématique du critère de l’exactitude de l’équivalence lexicale conjoint à celui de l’équivalence notionnelle alors même qu’il s’agit d’un critère majeur placé au centre de toute démarche lexicographique et terminologique rigoureusement normée. L’amateurisme pré-scientifique confirmé du « Glossary of STEM terms from the MIT – Haiti Initiative » est au fondement d’une déviance lourdement dommageable à la lexicographie créole haïtienne : ses promoteurs alimentent une vision erratique et fantaisiste de la néologie créole totalement opposée à la méthodologie de la néologie. (Sur la méthodologie de la néologie, voir l’article de Salah Mejri et Jean-François Sablayrolles, « Présentation : néologie, nouveaux modèles théoriques et NTIC » paru dans la revue Langages no 183, 2011/3 ; voir aussi l’étude « Néologie sémantique et analyse de corpus » parue sous la direction de Jean-François Sablayrolles dans les Cahiers de lexicologie (Éditions Classiques Garnier, Paris 2012). Les Cahiers de lexicologie sont publiés par le laboratoire Lexiques, dictionnaires, informatique (lDi, Université Paris 13 – Université de Cergy-Pontoise – Centre national de la recherche scientifique de France. Sur la néologie créole, voir l’article de Robert Berrouët-Oriol, « La néologie scientifique et technique, un indispensable auxiliaire de la didactisation du créole » paru dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », sous la direction de Robert Berrouët-Oriol, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021).
La jeune lexicographie créole haïtienne dispose d’outils théoriques et méthodologiques adéquats pour mener à bien ses futurs travaux lexicographiques. En voici l’illustration.
TABLEAU 6 / Modélisation des rubriques lexicographiques du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman (Creole Institute, Indiana University, 2007)
Terme créole |
Catégorie grammaticale |
Définition anglaise |
Terme(s) apparenté(s) |
Locutions illustratives |
Renvoi(s) |
pipirit1 |
n. [nom ou substantif] |
Kind of small bird |
pipirit chandèl |
Anvan pipirit mete kanson li/depi pipirit chante |
Gri kou pipirit /see/ gri. Sou kon pipirit /see/ sou. |
pipirit gri |
|||||
pipirit gwo tèt |
|||||
pipirit pa chante |
|||||
pipirit rivyè |
|||||
pipirit tètfou |
|||||
pipirit2 |
/see/ pripri |
||||
[Les termes apparentés sont définis et suivis d’une illustration d’emploi. Ex. : Li kite lakay li o pipirit chantan] |
Tel qu’exposé dans notre article « Lexicographie créole : revisiter le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman » (Le National, 31 janvier 2023), l’évaluation analytique du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » a été conduite selon les critères méthodologiques usuels de la lexicographie professionnelle, à savoir : (1) la formulation de la politique éditoriale et l’identification des cibles visées ; (2) la détermination du corpus de référence et le dépouillement des données documentaires ; (3) l’élaboration de la nomenclature issue du corpus de référence ; (4) la rédaction des rubriques dictionnairiques (définitions, notes de nature diverse, exemples illustratifs, mention de l’aire géographique d’usage des termes lorsqu’il le faut, système de renvoi notionnel). Dans la présentation analytique du dictionnaire d’Albert Valdman, nous avons mis l’accent, au plan méthodologique, sur la rigueur ayant présidé à la toute première phase de l’élaboration du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary », celle de l’établissement du corpus de référence, étape obligatoire et indispensable de tout chantier lexicographique normé. « Un corpus est un ensemble de textes (d’énoncés, de phrases, de mots…) (oraux ou écrits) servant comme base pour une étude ciblée. (…) Un corpus fait office d’échantillon du langage, et se doit d’en être représentatif » (Barbara Rahma, « Approche de corpus : théories et application pratiques », séminaire 2016-2017 : dialectologie et langue du Maroc / Actes de la Journée d’études « Linguistique de terrain : description de faits et présentation de modèles », Fès, Maroc, 11 mai 2011). La détermination du corpus de référence du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » et le dépouillement des données issues de ce corpus ont été conduits, sur le terrain, par deux équipes auprès de locuteurs natifs du créole. L’une des deux équipes a mis à contribution les ressources de la base de données lexicales d’un projet de dictionnaire bilingue créole-français et elle a bénéficié de la contribution d’André Vilaire Chery, auteur du remarquable « Dictionnaire de l’évolution du vocabulaire français en Haïti » (tomes 1 et 2 parus en 2000 et 2002 chez Édutex). Deux linguistes haïtiens, au sein de l’équipe initiale, ont collaboré étroitement à la production du dictionnaire : Jacques Pierre, qui enseigne aujourd’hui à Duke University, et Nicolas André. Le linguiste et traducteur Nicolas André enseigne depuis quelques années à la Florida International University ; il a auparavant effectué des études de premier cycle à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti. Le corpus de référence du « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » s’est également enrichi d’enregistrements de terrain de locuteurs natifs du créole du Nord d’Haïti, ainsi que de plusieurs sources écrites antérieures (dictionnaires anglais-créole et créole-français). L’information relative au corpus de référence et au dépouillement des données figure au premier chapitre du dictionnaire à la rubrique « Acknowledgments » [Remerciements].
Au plan de la méthodologie de l’élaboration des dictionnaires créoles, le linguiste-lexicographe Albert Valdman fournit un enseignement de premier plan, notamment dans son article « Vers un dictionnaire scolaire bilingue pour le créole haïtien ? » (revue La Linguistique 41 (1), 2005). Au chapitre « Le dictionnaire bilingue comme étape préparatoire vers l’élaboration du dictionnaire unilingue » de son article, il précise que « Le handicap le plus difficile à surmonter dans l’élaboration d’un dictionnaire unilingue pour le CH [créole haïtien] est certainement l’absence d’un métalangage adéquat. Cette carence rend ardu tout effort de définition comparable à celle que l’on trouve dans les dictionnaires unilingues de langues pleinement standardisées et instrumentalisées. Le rédacteur se trouve obligé de suivre le modèle des dictionnaires pour jeunes qui rendent le sens des lexies par une approche concrète basée sur le jeu des synonymes et l’utilisation d’exemples illustratifs. C’est cette voie que devraient suivre les lexicographes prêts à affronter le défi de l’élaboration d’un dictionnaire unilingue, en particulier s’ils œuvrent dans une perspective pédagogique, tant dans l’enseignement de base que dans l’alphabétisation des adultes. Au fur et à mesure que le CH [créole haïtien] est appelé à la rédaction d’une large gamme de textes, en particulier dans les domaines techniques, et à son emploi dans les cycles scolaires supérieurs, il se dotera d’un métalangage capable de traiter de concepts de plus en plus abstraits. Dans l’attente de cette évolution, la lexicographie bilingue peut préparer le terrain en affinant ses méthodes, en particulier quant à : 1 / la sélection de la nomenclature ; 2 / la description des variantes et le classement diatopique, diastratique et diaphasique des lexies ; et 3 / le choix des exemples illustratifs ».
Dans l’élaboration des outils de la lexicographie créole haïtienne, l’apport théorique et méthodologique d’Albert Valdman s’apparie à la réflexion théorique majeure instituée par le linguiste Renauld Govain dans son article « De l’expression vernaculaire à l’élaboration scientifique : le créole haïtien à l’épreuve des représentations méta-épilinguistiques (revue Contextes et didactiques, 17 | 2021). Au chapitre « 6. La question de la (in)disponibilité des concepts en CH, un vrai faux problème » de son article, Renauld Govain aborde en 6.1. « La question de la transversalité des concepts » et en 6.2. « Cas de concepts transversaux relatifs au métalangage grammatical », l’auteur expose avec hauteur de vue que « De bonnes âmes bien pensantes prétendent que le CH [créole haïtien] n’est pas apte à exprimer des réalités scientifiques parce que les concepts pour ce faire n’y existeraient pas. Il est évident que la langue accuse certaines limites à ce niveau parce que cette expérience n’y a guère encore été tentée dans tous les compartiments de la science. Pour considérer qu’une langue a des limites dans l’expression de tel type de réalité intellectuelle, on la compare à d’autres langues qui, elles, connaissent une longue tradition d’expression scientifique. Mais, cela ne veut pas dire que celle-là soit pauvre et celles-ci soient riches. Du point de vue de l’expression de réalités vernaculaires, une langue ne peut pas être considérée comme pauvre car elle permet à ses locuteurs de pouvoir tout exprimer. Lorsque les Haïtiens évoquent la non-disponibilité des concepts en CH [créole haïtien], ils font davantage référence aux disciplines des sciences dites de base, telles les mathématiques, la médecine, la biologie, la physique, etc. Mais, si l’on devait vraiment parler d’indisponibilité de concepts en CH [créole haïtien], cela se poserait aussi au niveau de l’enseignement des disciplines relevant de ce qu’on pourrait appeler les sciences situées telles l’histoire, la géographie, la sociologie, la climatologie, etc. qui parfois font appel à des concepts basés sur des expériences localement situées. Par exemple, on continue d’enseigner aux élèves haïtiens qu’il existe 4 saisons (le printemps, l’été, l’automne, l’hiver), alors que l’observation empirique de la climatologie haïtienne (ou caribéenne plus généralement) montre qu’il n’existe qu’une seule saison qu’on pourrait diviser en une période sèche (que les paysans haïtiens cultivateurs appellent généralement ‘lesèk’) et une période pluvieuse (qu’ils appellent généralement ‘lepli’). Il se pose dès lors le problème de la contextualisation didactique dont un ordre d’idées peut être donné à ce sujet dans R. Govain (2013). L’enseignement étant fait dans un contexte spécifique, il doit épouser les spécificités de ce contexte : « Notion à géométrie variable dont le sens précis varie selon la discipline à laquelle on l’applique, le contexte est à envisager sous diverses facettes : pédagogique, institutionnelle, éducative, (socio)linguistique, ethnique, économique, socioculturelle, écologique, politique… Toute situation scolaire en milieu plurilingue fait intervenir les notions de contexte et contextualisation » (Govain, 2013 : 23-53). »
Précisant davantage sa pensée, Renauld Govain précise que « La contextualisation didactique renvoie, quant à elle, à l’adéquation des réalités à la fois linguistiques, socioculturelles, écologiques en général et éducatives. Elle vise aussi la mise à contribution des différents éléments intervenant dans l’environnement d’enseignement / apprentissage qui est multiforme car formé d’acteurs aux identités et aux compétences linguistiques multiples et plurielles (parfois aux langues premières différentes), aux appartenances socio-ethniques différentes et diverses, etc. (Govain, 2013). Galisson et Puren (1999 : 77) proposent cette définition de la contextualisation en didactologie qui rencontre notre propos ici : « En didactologie, la contextualisation en tant que pratique de décloisonnement systématique de l’espace étudié, de dilatation de l’objet d’étude à la dimension de l’environnement qui conditionne son existence, constitue l’antidote du réductionnisme et le garant d’une prise de conscience exigeante de la complexité. Une formule comme « rétablir le contexte pour retrouver le complexe » résume assez bien la démarche ». NOTE – Pour une synthèse de la réflexion théorique de Renauld Govain sur la didactisation du créole, voir son article rédigé avec la collaboration de la linguiste Guerlande Bien-Aimé, « Pour une didactique du créole haïtien langue maternelle » paru dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti », sous la direction de Robert Berrouët-Oriol, Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021).
La formation universitaire en lexicographie et la professionnalisation du métier de lexicographe
Discipline de la linguistique appliquée, la lexicographie est un champ d’activité relativement jeune en Haïti, elle remonte aux travaux pionniers de Pradel Pompilus en 1958. Actuellement elle est enseignée à la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti et à l’ISTI (l’Institut supérieur de traduction et d’interprétation).
En plus de l’amateurisme dont il a été question précédemment, les défis contemporains de la lexicographie créole sont de l’ordre de la formation académique des lexicographes et la Faculté de linguistique appliquée de l’Université d’État d’Haïti a un rôle de premier plan à jouer dans un environnement délétère où l’État haïtien –démissionnaire en ce qui a trait à l’aménagement simultané des deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français–, n’accorde aucune véritable priorité à l’éducation en Haïti. La dimension institutionnelle de la lexicographie créole s’avère donc être une exigence de premier plan : la professionnalisation du métier de lexicographe (comme d’ailleurs la professionnalisation du métier de traducteur généraliste ou de traducteur technique et scientifique) passe obligatoirement par une formation adéquate à l’Université. En ce qui a trait à la formation en lexicographie, il est tout indiqué que le « Programme de formation en techniques de traduction » mis en route en 2017 à la Faculté de linguistique appliquée, en partenariat avec l’Association LEVE, soit renforcé par l’introduction de cours spécifiques de lexicographie. L’une des options programmatiques à explorer serait que dès la deuxième année de licence en linguistique la FLA offre une double spécialisation en traduction/lexicographie créole. Cette double spécialisation en traduction/lexicographie créole pourrait être enrichie par l’adjonction de cours en didactique/didactisation du créole. Comme il est mentionné plus haut, l’un des plus grands défis de la lexicographie créole est la rupture avec l’amateurisme afin de parvenir à une réflexion analytique et à une production scientifique solidement ancrée sur le socle de la méthodologie de la lexicographie professionnelle. C’est incontestablement la seule voie conduisant à la professionnalisation de la lexicographie et à la production d’outils lexicographiques conformes à la méthodologie de la lexicographie professionnelle. À l’avenir, la production d’outils lexicographiques créoles de haute qualité scientifique –notamment un dictionnaire unilingue créole et un dictionnaire scolaire bilingue français-créole–, sera d’un apport majeur dans l’enseignement DE la langue créole et dans l’enseignement EN langue créole des savoirs et des connaissances dans l’École haïtienne.
Bibliographie indicative
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TABLEAU 7 / Taxonomie de la lexicographie créole de 1958 à 2024
© Robert Berrouët-Oriol — Tous droits réservés
Titre de l’ouvrage |
Auteur(s) |
Date d’édition |
Éditeur |
Livre imprimé ou édition électronique |
|
Pradel Pompilus |
1958 |
Université de Paris |
Livre imprimé |
|
Pradel Pompilus |
1961 |
Syndicat national de l’édition |
Livre imprimé |
|
Guyomar, M. |
1969 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
Joris Ceuppons, Roger Désir |
1973 |
Éditions Bon nouvel |
Livre imprimé |
|
|
Jules Faine |
1974 |
Leméac |
Livre imprimé |
|
Peleman L. C. |
1974 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
|
Alain Bentolila (et al.) |
1976 |
Éditions caraïbes |
Livre imprimé |
|
Lodewijk Peleman |
1976 |
Éditions Bon nouvèl |
Livre imprimé |
|
Henry Tourneux, Pierre Vernet et al. |
1976 |
Éditions caraïbes |
Livre imprimé |
|
1978 |
Bon nouvèl |
Livre imprimé |
|
|
Ernst Mirville |
1979 |
Biltin Institi lingistik apliké |
Livre imprimé |
et II) |
Albert Valdman (et al) |
1981 |
Creole Institute Bloomington University |
Livre imprimé |
|
Nelson Didiez |
1984 |
Editora Taller |
Livre imprimé |
|
Edner Jeanty |
1985 |
La Presse évangélique |
Livre imprimé |
|
George Brenton |
1985 |
Imprimerie nouvelle |
Livre imprimé |
|
Henry Tourneux |
1986 |
CNRS/ Cahiers du Lacito |
Livre imprimé |
|
Pierre Vernet, B. C. Freeman |
1988 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
Livre imprimé |
|
Pierre Vernet, B. C. Freeman |
1989 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
Livre imprimé |
|
Bryant Freeman |
1989 |
Sant lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
Livre imprimé |
|
Michel-Ange Hyppolite |
1989 |
Sosyete Koukouy |
Livre imprimé |
|
Michel R. Doret |
1990 |
Éditions Amon Râ |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint |
1991 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint |
1991 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint |
1992 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Bryant C. Freeman |
1992 |
University of Kansas, Institute of Haitian Studies [ ? ] |
Livre imprimé |
|
Bryant C. Freeman |
1992 |
University of Kansas, Institute of Haitian Studies [ ? ] |
Livre imprimé |
|
Emmanuel W. Védrine |
1992 |
Soup To Nuts Publishers |
Livre imprimé |
|
Marie-José Sanglard-Pradel et Christian Sanglard-Pradel |
1992 |
Châtelaine/ Genève, Suisse |
Livre imprimé |
Mathematics terms |
Ramon C. Cortines |
1993 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
|
Emmanuel W Védrine |
1993 [ ? ] |
Educa Vision Inc. |
Livre numérique |
|
Deslande Rincher |
1993 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
|
Jean Targete et Raphael Urciolo |
1993 |
Dunwoody Press |
Livre imprimé |
|
Maud Heurtelou, Féquière Vilsaint |
1994 |
Éduca Vision |
Livre imprimé + Livre numérique |
|
Patrick Phanord |
1994 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
|
Deslande Rincher |
1994 |
Rincher & Associates |
Livre imprimé |
|
Emmanuel Védrine |
1995 |
E.W. Vedrine Publications |
Édition électronique |
|
Charmat Théodore |
1995 |
Hippocrene Books |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint |
1995 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Bryant C. Freeman et Jowel C. Laguerre |
1996 |
University of Kansas, Institute of Haitian Studies et La Presse évangélique |
Livre imprimé |
|
Marcus Harding |
1996 |
International Medical Volunteers Association |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint, Maude Heurtelou |
1996 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint, Maude Heurtelou |
1996 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Marie-José et Christian Sanglard-Pradel |
1997 |
Éditeur inconnu |
Livre imprimé |
|
Mladen Davidovic |
1997 |
Hippocrene Books, Incorporated |
Livre imprimé |
|
Albert Valdman |
1997 |
Creole Institute Bloomington University |
Livre imprimé |
|
Pierre Anglade |
1998 |
L’Harmattan |
Livre imprimé |
|
Emmanuel Védrine |
2000 |
Creole Project, Inc. |
Édition électronique (PDF) |
|
Pierre Vernet et H. Tourneux (dir.) |
2001 |
Fakilte lengwistik aplike, Inivèsite Leta Ayiti |
Livre imprimé |
|
Jeannot Hilaire |
2001 |
Edikreyòl |
Livre imprimé |
|
Prophète Joseph |
2001 |
Éditions Konbit ayisyen |
Livre imprimé |
|
Jocelyne Trouillot |
2003 |
Éditions CUC Université Caraïbe |
Livre imprimé |
|
Jocelyne Trouillot |
Non daté |
Éditions CUC Université Caraïbe |
Livre imprimé |
|
Joslin Twouyo |
[2004 ?] |
Éditions CUC, Université Caraïbe |
Livre imprimé |
|
Prophète Joseph |
2003 |
Éditions Konbit |
Livre imprimé |
|
Garnel Innocent |
2003 |
Éditions BJL |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint, Christine Barnden |
2005 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Féquière Vilsaint, Jean-Evens Berret |
2005 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Prophète Joseph |
2005 [ ? ] |
Éditions Combit |
Livre imprimé |
|
Mantra Lingua |
2005 |
TalkingPEN Edition |
Livre imprimé + Livre audio |
|
Féquière Vilsaint |
2006 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Non spécifié |
2007 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Non spécifié |
2007 |
Educa Vision |
Livre imprimé |
|
Steven J Molinsky, Bill Bliss, Richard E Hill, Edwidge Crevecoeur-Bryant |
2007 |
Pearson Longman |
Livre imprimé |
|
Albert Valdman |
2007 |
Creole Institute, Indiana University |
Livre imprimé |
|
Jayme Adelson-Goldstein et Norma Shapiro |
2009 |
Oxford University Press |
Livre imprimé |
|
Prophète Joseph, Francisco Lameda |
2009 |
Edisyon Konbit Ayiti |
Livre imprimé |
|
Michel R. Doret |
2009 et 2010 |
Imprimeur II (2009) et Edition Xlibris Corporation |
Livre imprimé |
|
Prophète Joseph |
2010 |
Éditions Konbit |
Livre imprimé |
|
Non spécifié |
2012 |
Educa Vision Inc. |
Édition électronique |
|
C Sesma, Karine Gentil, Jean Aupont |
2012 |
Bilingual Dictionaries, Inc. |
Livre imprimé |
|
Charmant Theodore |
2013 |
Hippocrene Books, Inc. |
Livre imprimé |
|
Michel DeGraff (et al.) |
Non daté [ 2015 ? ] |
MIT – Haiti Initiative |
Édition électronique |
|
Tercius Belfort Noëlsaint |
2015 |
AuthorHouse |
Livre imprimé |
|
Wadner Isidor |
2016 |
Éditions Connai-vie |
Livre imprimé |
|
Albert Valdman, Marvin D Moody, Thomas E Davies |
2017 |
Indiana University Creole Institute |
Livre imprimé |
|
National Center for Interpretation |
1998 |
University of Arizona |
Livre imprimé + Édition électronique |
|
Jean-Robert Cadely et Joelle Haspil |
1999 |
Educa Vision |
Livre imprimé + Édition électronique |
|
Language Services Office of Trial Court Services |
2023 |
Administrative Office of the Courts |
Livre imprimé + Édition électronique |
|
Price Cyprien et Nathalie Wakam Cyprien |
2024 |
Édition à compte d’auteur |
Livre imprimé |
|
Philippe Junior Volmar |
2024 |
Éditions Charesso |
Livre imprimé |
Montréal, le 27 octobre 2024