Eperdument

A Madiana

 Par Guy Gabriel —eperdument.jpg

Eperdument film français de Pierre Godeau ; drame avec Adèle Exarchopoulos, Guillaume Gallienne, Stéphanie Cléau, Marie Rivière…

Anna Amari est incarcérée à la Santé dans l’attente de son procès, pour des faits commis alors qu’elle était mineure.

Jean Firmino, le directeur de la prison ne tarde pas à être troublé par le comportement d’Anna et un rapport complexe s’établit entre eux.
Lorsqu’elle demande à le rencontrer, elle ne se doute pas qu’elle va tomber amoureuse de lui ; Jean, de plus en plus troublé va tout faire pour être plus près d’elle et les choses ne vont pas tarder à tourner à une histoire d’amour impossible, impensable !

Impensable ? Pas vraiment, car Eperdument tente de nous montrer les difficultés d’une vie affective en prison, alors que les femmes qui y sont ne demandent qu’à exister, à être belles, ce qui donne quelques séquences délirantes et savoureuses, où elles se maquillent, dansent, papotent, comme pour se donner, justement l’impression d’exister, d’exprimer leur besoin de féminité.

Pierre Godeau revisite, en quelque sorte l’histoire de Roméo et Juliette, décrivant une histoire d’amour impossible, sorte de tragédie grecque ; la référence à Phèdre n’est donc pas un hasard.

Mais le film manie également et, habilement une certaine ambiguité, car la distance entre amour et manipulation n’est jamais si claire qu’on pourrait l’espérer ; en effet, celle que l’on a rapidement nommée « La Directrice » sait jouer de son charme indéniable (c’est tout de même la très belle Adèle Exarchopoulos : La vie d’Adèle) ; ce qui donne des allures de véritable énigme à l’ensemble ; il est, en effet, impossible de savoir qui est réellement amoureux, qui manipule. Anna obtient à peu près tout ce qu’elle souhaite, mais pourquoi Jean cède-t-il si facilement aux désirs d’Anna ?

Eperdument est inspiré de faits réels narrés par le vrai directeur de prison qui plaide, semble- t-il, la passion amoureuse, dans « Défense d’aimer ». Toujours est-il que le film montre bien que, même en prison, un être humain reste humain et ne peut exclure les sentiments, les émois et jette un regard interrogateur sur l’univers carcéral et l’administration pénitentiaire en général.

On a affaire ici, par-delà le fonctionnement d’un univers censé aider ses pensionnaires à se reconstruire,  à un drame amoureux, drame amoureux qui défraya la chronique en son temps en France, celui de Florent Gonçalves qui s’était laisser séduire par l’une des détenues, alors qu’il dirigeait un établissement prisonnier pour femmes à Versailles, sa protégée n’étant autre que celle qui servit d’appât pour le fameux « Gang des lyonnais », tristement célèbre pour avoir torturé à mort le jeune Ilan Halimi sous le seul prétexte qu’il était juif.

Le choix de comédiens aussi antithétiques que Adèle Exarchopoulos sorte de petite sauvageonne brûlante et Guillaume Gallienne, échappé de la Comédie Française, était un pari, en apparence un peu fou, mais qui prend forme efficacement à l’écran et, malgré l’ambiguité, savent rendre leurs personnages attachant, d’autant que le fait habilement des escapades hors de la prison pour nous entrainer dans la vie personnelle de Jean, pour découvrir une épouse(Stéphanie Cléau) suffisamment forte et lucide pour consolider la vérité de l’ensemble.

Schoelcher, le 22/04/2016

G.G.