— Par Marie Gauthier, commissaire de l’exposition —
« … il s’agit de faire venir au jour, il s’agit de tirer au clair et par
conséquent de démêler une énigme de visibilité ».
Jean-Luc Nancy
Le portrait est un genre artistique que l’on fait remonter aux origines de l’art. C’est à la Renaissance qu’il prend toute sa dimension identitaire et sociale qui sera renforcée par l’invention de la photographie au XIXème siècle. Si l’on distingue plusieurs types de portraits, on y retrouve toujours la question de l’identité, la ressemblance, la présence et l’absence, le temps, l’imaginaire, le regard. Il se décline par différentes techniques : dessin, peinture, sculpture, collage, photographie, infographie, vidéo, etc. Chaque mouvement artistique propose ses portraits.
Quoiqu’il en soit, le portrait est intrinsèquement lié à l’intention de la représentation physique d’un visage déterminé. Quel que soit le degré de réalisme, c’est une transcription ou mieux une interprétation de l’apparence d’une personne. Nous y reconnaissons les caractéristiques de l’humain, pas seulement dans le visible, mais avec ce qu’il porte de mystère. Le portrait est tendu entre la ressemblance du sujet portraituré et ce qui se retire dans le profond de l’être. Il comporte une dimension fictive ou fantasmée de l’intime. Ainsi ce qui fait sens dans le portrait ce n’est pas seulement la ressemblance.
Même s’il existe des portraits en pied, ou des portraits de groupes, le visage reste l’essentiel. Visage dérive du verbe voir. C’est « ce que l’on présente à la vue » d’autrui. C’est aussi l’invisible : l’empreinte du caractère, des pensées, des sentiments.
Le portrait perdure à l’instant de sa fabrication. C’est celui d’une « absence » de celui qui était présent. Les indices de l’environnement font sens par les atmosphères, les objets et contribuent à la reconnaissance du modèle. Quand on voit un portrait, nos sens perçoivent ce qui est visible, mais aussi l’invisible ce que Jean-Luc Nancy appelle le « portrait retiré ».
L’art contemporain sans se tenir à la rigueur de la ressemblance, questionne de nouveaux sens au portrait, dans le temps, par les objets, et notamment par la photo plasticienne et la vidéo.
Cette exposition Envisager/dévisager relève quelques points de cette réflexion: Quelle est la part du réel et de l’imaginaire du portrait ? Peut-on atteindre la ressemblance à partir de la description littéraire ? Est-ce que le temps modifie l’identité ? Comment l’homme recherche-t-il son visage dans le lien avec la nature, et dans ce qui se montre et ce qui se cache des masques ? Comment magnifier l’humain par l’image du portrait ? Comment la photo paradoxalement peut perdre l’identité et tendre vers l’abstraction ?
Le portrait est toujours un sujet de questionnement sur ce que nous sommes.
Marie GAUTHIER
Plasticienne, Agrégée d’Arts Plastiques
Commissaire de l’exposition
Octobre 2017