Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a dénoncé l’humanité « vampirique » et ses effets sur l’environnement
Le risque d’une « crise mondiale de l’eau » est imminent, selon un rapport de l’ONU-Eau et de l’Unesco publié mardi. De quoi déclencher un nouveau discours engagé et enflammé du secrétaire général des Nations unies qui dénonce l’action humaine sur les ressources planétaire en eau.
« Nous avons brisé le cycle de l’eau, détruit les écosystèmes et contaminé les eaux souterraines », a lancé Antonio Guterres à l’ouverture de la première conférence de l’ONU sur l’eau depuis près d’un demi-siècle. « Nous drainons l’humanité de sa substance vitale par la surconsommation vampirique et l’utilisation non durable que nous faisons de l’eau, et nous provoquons son évaporation en réchauffant la planète », a-t-il ajouté, s’inquiétant de l’avenir « compromis » de l’eau, pourtant « la sève de l’humanité » et « un droit humain. »
Pas assez d’eau par endroits, trop à d’autres où les inondations se multiplient, ou de l’eau contaminée… « Combien de personnes seront touchées par cette crise mondiale de l’eau est une question de scénario », a expliqué à l’AFP l’auteur principal du rapport de l’ONU-Eau et de l’Unesco, Richard Connor. « Si rien n’est fait, entre 40 et 50 % de la population continuera à ne pas avoir accès à des services d’assainissement et environ 20-25 % à de l’eau potable », a-t-il noté. Et si les pourcentages ne changent pas, la population mondiale grossit et le nombre de personnes touchées avec.
Une crise qui risque d’empirer avec le changement climatique
Alors la conférence de l’ONU, la première de cette ampleur depuis 1977 sur cette question vitale mais trop longtemps ignorée, suscite beaucoup d’espoirs pour tenter d’inverser la tendance et espérer garantir d’ici 2030 l’accès pour tous à de l’eau potable ou à des toilettes, objectifs fixés en 2015. Les participants, Etats, entreprises ou représentants de la société civile, étaient appelés à venir avec des engagements concrets, certains déjà annoncés en amont. Mais déjà, certains observateurs doutent de leur portée et de la disponibilité des financements nécessaires pour les mettre en œuvre.
« La crise de l’eau est déjà suffisamment grave sans le changement climatique. Mais avec notre monde qui se réchauffe rapidement, ça va être pire », s’est inquiété Stuart Orr, de WWF. « Nous pouvons construire des sociétés et des économies résilientes si les gouvernements et les entreprises mettent rapidement en place des politiques, pratiques et investissements qui reconnaissent, et restaurent, la pleine valeur de rivières, lacs et zones humides en bonne santé ».
Dans un monde où lors des 40 dernières années, l’utilisation de l’eau douce a augmenté de près de 1 % par an, le rapport de l’ONU-Eau met en premier lieu en avant les pénuries d’eau qui « tendent à se généraliser » et à s’aggraver avec l’impact du réchauffement, jusqu’à frapper prochainement même les régions aujourd’hui épargnées en Asie de l’Est ou en Amérique du Sud.
10 % de la population mondiale en stress hydrique élevé ou critique
Ainsi, environ 10 % de la population mondiale vit dans un pays où le stress hydrique atteint un niveau élevé ou critique. Et selon le rapport des experts climat de l’ONU (Giec) publié lundi, « environ la moitié de la population mondiale » subit de « graves » pénuries d’eau pendant au moins une partie de l’année. Une situation qui met aussi en lumière les inégalités. « Où que vous soyez, si vous êtes assez riches, vous arriverez à avoir de l’eau », a souligné Richard Connor. « Plus vous êtes pauvres, plus vous êtes vulnérables à ces crises ». Et les femmes et les filles « sont affectées de façon disproportionnée », a insisté mercredi l’acteur Matt Damon, co-fondateur de l’ONG Water.org. « Des millions de filles ne sont pas à l’école parce qu’elles doivent aller chercher de l’eau ».
Le problème n’est pas seulement le manque d’eau, mais la contamination de celle qui peut être disponible, en raison de l’absence ou de carences des systèmes d’assainissement. Au moins deux milliards de personnes boivent de l’eau contaminée par des excréments, les exposant à des maladies mortelles, choléra, dysenterie, typhoïde ou polio. Sans oublier les pollutions par les produits pharmaceutiques, chimiques, pesticides, microplastiques ou nanomatériaux qui touchent aussi les écosystèmes d’eau douce.
Pour assurer l’accès de tous à l’eau potable d’ici à 2030, il faudrait multiplier les niveaux d’investissement actuels par trois au moins, estime l’ONU-Eau. « Tout ce dont nous avons besoin pour vivre une vie décente est directement lié à l’eau, notre santé, la nourriture, les habitats, l’économie, les infrastructures et le climat », a insisté mercredi le roi Willem-Alexander des Pays-Bas, co-président de la conférence avec le président du Tadjikistan. « Il est temps aujourd’hui de surmonter les intérêts sectoriels partiels, de regarder la situation dans son ensemble et d’avancer ».