Après des débuts lents et compliqués, des « vaccinodromes » éphémères ouvrent aux Antilles.
— Par Marion Lecas —
Ce 20 avril, dans le centre guadeloupéen de Carmel, à Basse-Terre, Claudia, 57 ans, est la millième personne à se faire vacciner. Le maire, André Atallah, est là pour marquer le coup, fier de ce vaccinodrome éphémère, qui a ouvert dès le 4 février. Dans l’île, les débuts de la vaccination furent difficiles. En janvier, la Guadeloupe a reçu ses premières doses mais sans que les stocks s’écoulent bien. « Nous ne manquions pas de doses, nous en avions trop ! », commente l’élu, amer.
« J’ai longuement pesé les pour et les contre », confie ainsi Adrien Ramon, 81 ans, dans la salle d’attente, prêt à recevoir le Pfizer. Il avoue avoir attendu que d’autres proches « s’y collent avant ». Il faut dire que, aux Antilles, la médecine moderne suscite une certaine méfiance. Les anciens préfèrent piocher dans le jardin plutôt que dans l’armoire à pharmacie. Le docteur Henry Joseph, pionnier de l’herboristerie locale, a fait grand bruit en déclarant avoir trouvé dans la zeb à pik (l’herbe à pic en créole) un remède au coronavirus. Son sirop s’est aussitôt retrouvé en rupture de stock.
Dans le centre de Carmel, les patients interrogés disent en consommer quotidiennement. « Renier la culture des Antillais serait contre-productif, estime André Atallah, qui est aussi cardiologue. En tant que médecin, je leur dis de prendre leur té péyi (des infusions) en complément des médicaments. »
Dès le début, une rumeur s’est répandue sur les réseaux sociaux : le vaccin tuerait davantage que le virus. « Personne de ma famille ne sait que je suis ici, chuchote une dame de 69 ans. Ils sont contre le vaccin ». Cette femme en surpoids s’inquiète d’une épidémie qui reprend fortement en Guadeloupe.
Les campagnes médiatiques de l’Agence régionale de santé commencent néanmoins à fonctionner. Les lieux éphémères se multiplient, comblant les manques dans les déserts médicaux. Un centre de vaccination ouvrira bientôt à l’aéroport de Pointe-à-Pitre.
Christine Metula, employée municipale de Basse-Terre, est chargée de rassurer les patients. Elle voit moins de mains tordues par l’anxiété, davantage de sourires. Le centre de Carmel, auparavant ouvert deux demi-journées par semaine, l’est désormais tous les jours. Reste que le retard est considérable. Le 20 avril, seuls 8 % des Guadeloupéens avaient reçu leur première dose (contre 14 % en métropole), le même taux qu’en Martinique.
Source : LaCroix.com