En moyenne, entre 2015 et 2019, en Martinique, 26 % des jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) soit deux fois plus qu’en France métropolitaine. Une large majorité d’entre eux recherchent un emploi ou souhaitent travailler. La moitié est peu ou pas diplômée et cohabite avec les parents. Les femmes à la tête de familles monoparentales (18 %) sont aussi diplômées que l’ensemble des NEET mais elles cumulent des difficultés socio-économiques. Plus d’un jeune sur quatre est chômeur diplômé. Enfin, 3 % de ces jeunes sont exclus socialement et professionnellement.
- Près de deux fois plus de NEET en Martinique qu’en France métropolitaine
- Huit NEET sur dix recherchent un emploi ou souhaitent travailler en Martinique
- Un jeune NEET sur deux est peu diplômé et cohabite avec ses parents
- Les « jeunes diplômés en difficulté d’insertion professionnelle » : entre une possible étape vers l’insertion professionnelle et une difficile valorisation du diplôme
- Les jeunes femmes parents isolées sont quasi aussi diplômées que l’ensemble des NEET
- Les jeunes exclus socialement et professionnellement
- Encadré – Les principaux dispositifs d’accompagnement des NEET vers une réinsertion professionnelle
Près de deux fois plus de NEET en Martinique qu’en France métropolitaine
En moyenne, entre 2015 et 2019, en Martinique, 25,6 % des jeunes âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, soit environ 14 400 jeunes en situation de NEET (acronyme anglais de not in employment, education or training). C’est presque deux fois plus qu’au niveau national. Parmi les quatre DROM historiques, la Martinique est le territoire qui compte le moins de jeunes NEET, suivi de la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane (respectivement 27,3 %, 30,2 % et 36,7 %). Ces écarts importants avec la France métropolitaine s’expliquent principalement par une offre d’emploi limitée dans ces régions en lien avec l’exiguïté du territoire et l’étroitesse du marché économique.
La part de NEET parmi les 15-29 ans est aussi importante pour les femmes que pour les hommes (respectivement 25,9 % et 25,3 %), contrairement à la France métropolitaine où les femmes sont plus souvent en situation de NEET que les hommes : 14,3 % pour les premières et 12,3 % les derniers.
L’âge, en particulier parce qu’il est lié à l’arrêt progressif des études, influe fortement sur le nombre de jeunes en situation de NEET. En Martinique, parmi les jeunes âgés de 15 à 19 ans, 7,5 % sont sans emploi, ni formation. Parmi les jeunes de cette classe d’âge sortis de formation initiale, la moitié se retrouvent en situation de NEET. Chez les 20 – 24 ans, le risque d’être NEET est multiplié par cinq par rapport aux 15-19 ans (contre le triple au niveau national). La part de NEET des jeunes de 20-24 ans est comparable à celle des 25-29 ans (respectivement 37,7 % et 38,3 %).
Huit NEET sur dix recherchent un emploi ou souhaitent travailler en Martinique
Parmi les NEET âgés de 15 à 29 ans, la moitié sont en situation de chômage au sens du BIT . Leur recherche d’emploi se caractérise par des démarches actives incluant l’étude des annonces d’offres d’emploi, des demandes à l’entourage, ou encore la prise de contact avec Pôle emploi.
L’autre moitié des jeunes NEET est constituée d’inactifs hors études et formation présentant des caractéristiques variées. 28,9 % des NEET se retrouvent à la frontière de l’inactivité et du chômage (halo autour du chômage). La plupart d’entre eux (24,9 % des NEET) souhaitent un emploi mais ne réalisent pas de démarches actives qu’ils soient disponibles ou non. Les autres (4,0 %) recherchent un emploi mais ne sont pas disponibles pour travailler dans les deux semaines. Enfin, les inactifs hors halo (20,3 % des NEET) sont les plus éloignés de l’emploi. Ils déclarent ne pas souhaiter travailler (pour s’occuper d’enfants, des problèmes de santé, etc.).
La situation des NEET est très variée. Le sexe, la situation familiale, le niveau de diplôme ou encore l’origine sociale sont les principaux facteurs qui déterminentla situation des jeunes sur le marché du travail. En outre, leur insertion professionnelle est diverse, marquée notamment par des épisodes d’alternance, plus ou moins longs, entre emploi et chômage. Ainsi, un jeune peut être NEET de façon temporaire, régulière (entre deux emplois successifs) ou durable. Quatre profils se distinguent sur le territoire martiniquais (figure 2).
Un jeune NEET sur deux est peu diplômé et cohabite avec ses parents
Ce premier profil, dont la proportion est la plus élevée parmi les NEET, se caractérise par une majorité de jeunes peu ou pas diplômés vivant au sein du foyer parental. Un NEET sur deux est dans ce cas. Parmi eux, 69,9 % ont entre 15-24 ans et les hommes y sont surreprésentés. Ces jeunes peinent à gagner leur autonomie, 47,2 % sont des chômeurs de longue durée (plus d’un an).
Dans cette catégorie, un NEET sur trois n’a aucun diplôme ou uniquement le brevet des collèges et deux sur trois détiennent un diplôme professionnel (CAP, BEP) ou un baccalauréat.
De fait, rester au sein du domicile parental peut être une manière de se protéger de la précarité. Ainsi, plus généralement, les taux de cohabitation sont nettement plus élevés pour les jeunes en situation de chômage (63,6 %) et les étudiants (90,0 %), qui sont très souvent sans revenu. De même, habiter chez ses parents est plus fréquent pour les jeunes quel que soit leur âge (82,3 % des 15 à 24 ans et 44,5 % des 25 à 29 ans), en partie du fait de taux d’emploi plus faibles.
Les « jeunes diplômés en difficulté d’insertion professionnelle » : entre une possible étape vers l’insertion professionnelle et une difficile valorisation du diplôme
Ce profil identifie les jeunes diplômés en difficulté d’insertion sur le marché du travail. Ils représentent 27,1 % des NEET. Ces jeunes peuvent être NEET de façon temporaire, l’obtention du niveau de diplôme facilitant l’insertion professionnelle. Dans ce profil, 55,1 % des jeunes ont un diplôme d’études supérieures (contre 17,5 % dans l’ensemble des NEET) et 23,0 % sont en recherche d’emploi depuis plus d’un an. Cette situation peut s’expliquer par l’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, avec des jeunes qui se sont orientés vers des métiers ne correspondant pas ou plus aux offres disponibles (pour en savoir plus).
Malgré une légère surreprésentation des femmes, ce profil est plus mixte que les autres. L’âge moyen de 25 ans. Les personnes de ce profil vivent plus en couple (25,9 %) ou seules (15,0 %) par rapport aux autres profils. Néanmoins, plus de la moitié n’ont pas quitté le domicile parental.
Les jeunes femmes parents isolées sont quasi aussi diplômées que l’ensemble des NEET
Le profil des « Jeunes parents » représente 17,9 % des NEET : il est composé principalement de femmes (98 %).Dans ce profil, deux personnes sur trois ont entre 25 et 29 ans. Si les mères isolées se déclarent cinq fois plus personne au foyer qu’en moyenne (12,8 % contre 2,4 % pour l’ensemble des NEET), ce sont en majorité des personnes en recherche d’emploi (69,3 %). Néanmoins, cette part est comparable à l’ensemble des NEET (68,1 %).Vivre et assurer seule la charge des enfants a de nombreuses conséquences sur la vie des familles. En particulier, celles qui ont moins de 30 ans et qui sont sans emploi cumulent les risques de pauvreté et de difficultés d’insertion professionnelle qui les fragilisent sur le plan socio-économique.
Les jeunes de ce profil sont aussi diplômés que l’ensemble des NEET. Pourtant, ceux qui sont en situation de chômage depuis plus d’un an y sont surreprésentés. Ainsi, leur situation familiale témoigne d’une plus grande difficulté à s’insérer sur le marché du travail par rapport à la moyenne. Plus largement, en Martinique, les familles monoparentales regroupent 31,0 % de la population et 38,6 % de ces familles vivent sous le seuil de pauvreté. Plus généralement, en Martinique, les familles monoparentales avec une mère à leur tête sont surreprésentées (neuf familles sur dix).
Les jeunes exclus socialement et professionnellement
Ce profil ne représente que 2,9 % des NEET, mais il permet de mettre en lumière la situation des jeunes vivant hors d’un logement ordinaire et très éloignée du marché du travail et de la société. Au sein de ce groupe minoritaire, composé à 93,1 % d’hommes, on retrouve essentiellement des jeunes ayant des parcours de vie marginauxet dans une moindre mesure des problèmes de santé. Ils vivent majoritairement dans un centre pénitencier (76 %). Les autres se repartissent en établissement de soin (12,5 %), en habitation mobile (7,8 %) ou encore sans abri (2,5 %).
Le fait de vivre hors du cadre familial traditionnel les éloigne, voire les écarte, de la formation et de l’emploi. En effet, 93,7 % d’entre eux se déclarent inactifs contre 29,5 % pour l’ensemble des NEET. De plus, un jeune sur deux est sorti précocement du système éducatif, c’est-à-dire qu’il est sans diplôme ou diplômés seulement du brevet des collèges. Des politiques ont été mises en œuvre pour vaincre le décrochage scolaire et ont été mises à disposition au niveau local (encadré).
Encadré – Les principaux dispositifs d’accompagnement des NEET vers une réinsertion professionnelle
Les trois missions locales (MILNORD, MILCEM et MILSUD) ont pour rôle de favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans et notamment d’identifier les NEET.
Le Régiment du Service Militaire Adapté (RSMA) est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins de 18 à 25 ans, éloignés du marché de l’emploi. Il permet aux jeunes (volontaires stagiaires) d’acquérir des compétences professionnelles et sociales au travers d’une formation de 6 à 12 mois ou, pour les plus qualifiés, une première expérience professionnelle d’un an renouvelable jusqu’à quatre fois au sein du régiment (volontaires techniciens). Le RSMA de la Martinique offre chaque année 545 places dans plus de 20 filières. Les volontaires stagiaires sont totalement pris en charge (hébergés, nourris, habillés, formés et rémunérés), présentés à l’examen du permis de conduire et bénéficient d’un soutien médico-psycho-social. Chaque année, le régiment offre plus de 150 postes de volontaires techniciens à des jeunes en recherche d’une première expérience professionnelle. En 2021, le taux d’insertion global avoisine les 75 % principalement dans l’emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois), preuve de la confiance que les employeurs accordent aux formations données par le RSMA de la Martinique.
L’école de la deuxième chance (E2C) propose également une offre spécifique aux décrocheurs pour une remise à niveau en fin de collège. Fin 2022, la Martinique compte 1 300 élèves en risque de décrochage scolaire, en augmentation par rapport en 2021 (1 200 élèves), conséquence potentielle de la crise sanitaire et des confinements successifs. Entre 2010 et 2021, le service civique, destiné aux jeunes de 16 à 25 ans concerne plus de 7 000 volontaires qui ont pu s’engager auprès de 106 organismes agréés. Ces derniers sont engagés volontaires pour l’accomplissement d’une mission d’intérêt général. Le parcours personnalisé pour les jeunes entre 16 et 18 ans spécifique à l’Outre-Mer vise à remobiliser les NEET de cette classe d’âge. Trois associations (E2C, Patronnage Saint-Louis, MIC Formation) accompagnent 166 jeunes dans ce cadre.
L’appel à projets « Repérer et mobiliser les jeunes dits invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux », (3 vagues de 2019 à 2023) vise les jeunes âgés de 16 à 29 ans, issus de quartiers prioritaires de la ville, de zones rurales, en situation de handicap, non inscrits au service public de l’emploi et très éloignés de l’emploi, et les jeunes « hors radars » des institutions publiques. En Martinique, 1 787 jeunes ont bénéficié d’un accompagnement de 2 ans.
D’autres dispositifs sont mobilisés tel que le Contrat d’Engagement Jeunes (CEJ) qui propose un accompagnement renforcé et une allocation d’environ 500 €. En effet, 3 681 jeunes ont été identifiés et suivis par les missions locales et Pôle Emploi en 2022. Le Contrat d’Engagement Jeunes – volet « Jeunes en rupture » permet de toucher les jeunes les plus éloignés de l’emploi et cumulant des difficultés liées à l’insertion professionnelle, à la mobilité et au logement. Des associations de proximité sont soutenues pour accompagner ces populations.
Pour en savoir plus
(1) Reist C., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) : quels profils et quels parcours ? », DARES Analyses no 006, février 2020.
(2) Bernard J., « Les jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation : jusqu’à 21 ans, moins nombreux parmi les femmes que parmi les hommes », Insee Focus, no 229, mars 2021.
(3) Mystille G., « L’insertion sociale et professionnelle des jeunes en Martinique », Insee Dossier Martinique, octobre 2016.
(4) Creignou A., Jeanne-Rose M., « 27,4 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté en 2019 », Insee Analyses Martinique, mai 2022.
Source : INSEE