Les statues de plusieurs personnalités, associées à l’esclavage, ont été déboulonnées dans l’île. Parmi elles, l’impératrice et épouse de Napoléon, dont la figure controversée continue d’exciter les passions.
En Martinique, trois statues de personnalités jugées esclavagistes par des activistes ont été déboulonnées depuis un an. Parmi elles, celle de Joséphine de Beauharnais, une fille du pays devenue impératrice, et qui attire les touristes, mais dont la figure est très controversée sur l’île. Sur l’île, le 22 mai est un jour férié où ne résonnent que les tambours et les chants traditionnels pour fêter l’abolition de l’esclavage.
Il y a un an, c’est cette date que les militants anticolonialistes ont choisi pour déboulonner les statues de Victor Schoelcher. L’artisan de l’abolition de l’esclavage, longtemps adulé sur l’île, est devenu persona non grata pour ces jeunes activistes qui rappellent que ce sont les esclaves qui ont, seuls, arraché leur liberté en 1848, avant que n’arrive sur l’île le décret d’abolition. Le débat historique a ensuite entraîné la chute de deux autres statues en juillet 2020, celles de Pierre Belain d’Esnambuc, premier colon de Martinique et de Joséphine de Beauharnais, née Marie-Joseph-Rose Tascher de la Pagerie en 1763 sur l’île et épouse de Napoléon Bonaparte, qui a rétabli l’esclavage en 1802.
Il y a un an, la statue de Joséphine de Beauharnais était jetée à terre
La statue de l’Impératrice, qui trônait à Fort de France depuis 1859, déjà décapitée depuis près de 30 ans, avait été jetée à terre et réduite en morceaux comme les deux autres. Un an après, les débris sont conservés dans un « lieu qui doit rester secret », explique Annie Chandey, l’élue de la ville de Fort-de-France déléguée à la culture. « Chaque statue est conservée de façon individuelle, précise-t-elle à l’AFP. Chacune étiquetée et chacune dans un lieu précis à une température précise. Il faut absolument protéger ces matériaux là, et il n’est pas souhaitable que ce soit ouvert à tout un chacun ».
Le secret est bien gardé. Impossible, même pour la presse, d’y avoir accès. De la mairie au préfet, personne ne veut prendre le risque de mettre en danger ce qu’il reste de ces statues et de jeter à nouveau de l’huile sur un feu qui couve depuis plusieurs années.
Au musée de la Pagerie, installé sur l’Habitation où l’Impératrice a vu le jour, aux Trois Ilets, son buste a été « décapité et maculé de peinture noire en 2018 », raconte Ghyslain Norca, guide conférencier du musée. Il est désormais exposé en l’état afin « d’évoquer le fait que bien que ce soit une personnalité de l’Histoire de France, elle n’en demeure pas moins controversée en Martinique ». Même la plaque qui indiquait son lieu de baptême sur l’Église des Trois-Ilets a été détruite à coup de masse en juin 2020.
Une scénographie repensée avec une dimension esclavagiste
Depuis le premier confinement, la Communauté territoriale de Martinique, propriétaire du musée a repensé toute sa scénographie pour inclure la dimension esclavagiste du passé de l’exploitation. La famille de Joséphine de Beauharnais possédait quelques 115 esclaves dont les noms sont recensés depuis début 2020 sur les murs de l’ancienne cuisine du domaine, avec leur âge… et leur valeur.
Malgré le désamour que les martiniquais éprouvent pour Marie-Joseph-Rose Tascher de la Pagerie, elle est très présente dans l’espace public, notamment sur les chemins touristiques. En dehors du musée qui porte le nom de sa famille et de la « baignoire de Joséphine », large bande de sable blanc entre deux îlots où des milliers de touristes se plongent pour recevoir chaque année leur baptême du rhum, il y a aussi une résidence Impératrice et un hôtel de la Pagerie dans sa ville natale.
Joséphine de Beauharnais, un “emblème” dans sa ville natale
Ouvert en 1980, il a été racheté par Véronique Bidault des Chaumes fin 2010. Pour elle, Joséphine est un « emblème » dont il faut se « servir et faire venir les touristes pour faire un parcours, expliquer sa vie, même s’il y a eu des passages qui sont moins bons, on peut en parler, ça fait partie de l’histoire. C’est dommage de ne pas se servir de ça comme publicité », selon elle.
Une vitrine extérieure qui n’est pas du goût des militants anticolonialistes. Sur les ruines du socle où reposait sa statue décapitée à Fort-de-France, ils ont installé un bac de compost artisanal. La statue, elle, a toujours une réplique au musée de Versailles, où elle est exposée depuis 1995.
Source : AFP / Reforme.net