— Le n° 293 de « Révolution Socialiste », journal du G.R.S. —
On nous dira qu’à cause de l’Histoire, de la géographie, de la politique et je ne sais quoi encore, les colonies ne sont pas l’épicentre du combat pour bloquer la réforme Macron. Certes ! Il est pourtant arrivé, que tel ou tel territoire se trouve aux avant-postes. Lors du dernier combat sur la retraite, les enseignant·e·s martiniquais·es avaient montré une détermination plus grande qu’en France.
En attendant, le pouvoir s’est trompé en pensant avoir sifflé la fin de la partie chez nous. Le 49-3 est dans les conversations les plus inattendues ! Les arguments sont assez largement connus.
Le mouvement syndical est traversé par des tactiques diverses. Certains ne pensent qu’aux manifestations des journées « nationales ». D’autres se concentrent sur les sites « sensibles » pour la circulation ou les services. CDMT et CGTM alternent les blocages de zones « économiques », en réalité commerciales, et les manifestations de rues. Le pouvoir politique et les milieux d’affaires sont vus, dans cette optique, comme les cibles privilégiées.
Les efforts pour des grèves massives sont très inégaux, alors que le jour où les masses laborieuses se croiseront les bras, en se donnant les moyens de protéger elles–mêmes leur mobilisation, le Pouvoir se trouvera nu et ne pourra qu’abdiquer.
En faisant mine de vouloir « dialoguer », Borne et Macron tentent une opération de division et de diversion.
Certains placent un espoir malpapay dans un conseil constitutionnel, dont la composition penche évidemment du côté des classes dominantes. Celles–ci ne verront l’intérêt de la perche tendue pour une issue honorable, que si le mouvement se montre prêt à en découdre par la grève générale active sur l’ensemble des problèmes qui nous assaillent.
C’est cette perspective qu’il faut défendre ici comme en France.
Laku kont non-lieu : le pouvoir s’engouffre dans la brèche
L’installation durable de militant·e·s anti–chlordécone dans la cour de l’ancien Palais de justice de Fort-de-France, juste en face de la nouvelle cour d’appel, n’était pas seulement un pied de nez aux autorités coloniales. C’était une fixation, une matérialisation de l’opposition au non-lieu de la honte, en plein cœur très passant de l’hyper-centre foyalais.
L’arrêté municipal ordonnant la fermeture de cet espace devenu lieu de résistance, ne fit qu’ouvrir une brèche dans laquelle le pouvoir colonial à l’affût, ne tarda pas à s’engouffrer.
La seule solution pour éviter cette issue, c’était, disions nous, la négociation entre les occupants et la municipalité. Les préoccupations avancées par la municipalité dans son arrêté, en particulier les nuisances sonores, pouvaient faire l’objet d’une prise en compte sous l’arbitrage de l’opinion publique.
Au lieu de cela, la bienveillance initiale de la municipalité, céda la place au couperet de l’arrêté. Le pouvoir colonial en embuscade fit le reste : évacuation musclée de l’espace de substitution investi par les militant·e·s devant la Cour d’appel, arrestation et garde à vue de trois militants. Ils ont été finalement relâchés, après comparution immédiate et une amende pour outrage, infligée à l’un d’entre eux.
On ne peut s’attendre à autre chose, de la part d’un pouvoir, dont la nature coloniale n’a pas changé d’un iota, en dépit de nos hymne et drapeau. Ce qui doit et peut changer, c’est l’aptitude des anticolonialistes, en dépit des divergences, aussi légitimes soient elles, à faire front face au pouvoir, sur des causes partagées. Et, la responsabilité principale dans la recherche des compromis, revient à celles et ceux qui ont une once de pouvoir institutionnel.
En France la démocratie est dans la rue
Le pouvoir français donne volontiers des leçons de démocratie à la terre entière. En réalité, dans la crise que connaît le pays, la démocratie n’est nulle part ailleurs que dans la rue.
Avec sa morgue habituelle, Macron prétend imposer une contre-réforme dont l’immense majorité ne veut pas, que la totalité des syndicats rejette, que le parlement est incapable de voter.
Le durcissement répressif, les provocations et violences policières, traduisent un fait simple, têtu, palpable : la société ne gobe pas ses salades, s’indigne de ses mensonges et retournements.
Par millions, les manifestants se mobilisent contre Macron, son monde, ses plans. « L’impopularité » qu’il assume généreusement, est un rideau de fumée pour masquer un fait brut : Macron est l’expression de la dictature du Capital sur la société. Et sa référence répétée au « vote des Français » qui « connaissaient son programme », traduit simplement le caractère antidémocratique des institutions qui ne permettent pas que le peuple dirige ses propres destinées.
Il est inconséquent de constater cette réalité aveuglante, et de ne pas remettre en cause les institutions, de ne pas exiger une Assemblée Constituante pour changer de régime. Le mouvement ouvrier se doit de prendre la tête du combat, pour une République démocratique et sociale, malgré les belles paroles de ses gouvernants.
Dans plusieurs pays, les progressistes ont bien compris ce qui se joue en France, et expriment leur solidarité, réclament la contagion de la lutte qui y est entamée.
L’enjeu des 64 ans et des 43 annuités de cotisations (il faut toujours considérer les deux ensemble) est bien concret et réel. Mais de plus, derrière se profile la question globale de savoir qui doit diriger dans un pays : les Profiteurs, dont le seul souci est l’état de leurs coffres-forts, ou le Peuple, « la foule » comme dit le prince du mépris, seul dépositaire de l’intérêt général, du bien commun, du salut des générations actuelles comme de celles de demain.
Il est salutaire que des forces militantes de Martinique et de Guadeloupe aient compris cela, fidèles aux intérêts très concrets des masses laborieuses d’aujourd’hui et de demain, mais aussi conscientes des enjeux de société que ce combat renferme.
Pas question de rester l’arme aux pieds, sous prétexte que beaucoup qui approuvent clairement le combat, ne font pas le pas de le prendre massivement à bras le corps pour leur propre compte.