— Par Germain Beautin (*)
Le président Jean-Claude William m’a fait l’honneur de préfacer mon premier livre sorti en septembre 2019 aux éditions L’Harmattan. Ce livre est la biographie d’un des prédécesseurs de Jean-Claude William à la présidence de l’université des Antilles-Guyane, le Guadeloupéen Roland Thésauros. Cette biographie est aussi un historique du mouvement nationaliste guadeloupéen de sa création à nos jours. J’ai souhaité que la préface du livre soit faite par un intellectuel de la Martinique car Roland Thésauros, enseignant sur le campus de Fouillole et de Schoelcher est très connu par plusieurs générations d’étudiants martiniquais. Le choix de Jean-Claude William s’imposait à nos yeux. Il avait une longue relation d’amitié avec Roland Thésauros et ils avaient tous deux été responsables de l’université aux Antilles.
Mon ami Judes Duranty, ancien responsable de la bibliothèque municipale de Schoelcher, essayiste, chroniqueur dans plusieurs médias de Martinique, a contacté Jean-Claude William qui a répondu oui sans hésitations. Malgré ses problèmes de santé, il s’est prêté à cette tâche, manière pour lui de rendre hommage à Roland Thésauros qui avait, nous a-t-il dit, été le maître d’oeuvre de la transformation du Centre Universitaire des Antilles-Guyane en Université des Antilles et de la Guyane. De plus, Jean-Claude William avait toujours eu une attention particulière envers le mouvement nationaliste guadeloupéen qu’il avait découvert lors du procès du GONG à Paris en mai 1968 devant la Cour de sûreté de l’Etat. Etudiant à Paris à l’époque, Jean-Claude William avait assisté à presque toutes les journées du procès. Il avait, dit-il, gardé en mémoire principalement deux personnages du procès ; Gérard Lauriette dont les frasques entraînaient l’hilarité générale du public, mais surtout Claude Makouke qui en imposait à la cour par sa maîtrise de la situation. Il ne fut pas étonné de le retrouver quelques années plus tard comme responsable du mouvement nationaliste guadeloupéen.
Testament politique
Cette préface a été la dernière signée par Jean-Claude William qui nous a quittés ce lundi 17 août 2020. Je considère qu’il a laissé dans cette préface un véritable testament politique qui mériterait d’être lu et relu par ses compatriotes antillais. Le professeur William expliquant de manière pédagogique, simplement et clairement, son regard sur les « Antilles créolo-francophones ».
Jean-Claude William par l’utilisation de ce concept dans sa préface nous montre la profondeur du mélange de la culture et de l’identité créole et francophone en Guadeloupe et Martinique. Il pointe ensuite le lien particulier qui unit les deux îles, bien qu’elles ne soient pas, pour lui, des « îles soeurs » mais plutôt des « cousines germaines ».
L’ancien président de l’université fait ensuite le constat de l’insuffisance d’analyse des nationalistes antillais tant sur l’identité que sur le rapport des îles à la France, relation quasi-filiale qui selon William ne peut si facilement être rompue. Les peuples de Guadeloupe et Martinique ayant pris naissance, précise-t-il, « dans » la colonisation et « par » la colonisation.
De plus à la différence de bien d’autres situations coloniales, William fait le constat d’une relative « réussite » de la colonisation dans sa forme nouvelle : la départementalisation. Cette « réussite » entraînant une « dépendance consentie » parce que pour les populations « les avantages » du système étant plus importants que « les inconvénients ».
Face au constat qu’une rupture du lien colonial semble peut probable, William propose alors pour l’avenir un autre logiciel d’analyse entraînant de nouvelles propositions. Il considère que doit être recherché en premier lieu une « souveraineté optimale » pour la Guadeloupe et la Martinique tout en déterminant des « compétences partagées » entre la France et les îles. Ce schéma serait, selon William, une lecture moderne donc plus en adéquation avec la réalité et l’attente des populations.
La revendication indépendantiste passant de « l’indépendance idéalisée » à « l’indépendance réaliste ».
Ce testament politique que nous laisse Jean-Claude William, mérite selon nous une attention particulière car elle est l’oeuvre d’un homme qui avait atteint la plénitude de la sagesse fondée sur son âge, son expérience et sa compétence. Roland Thésauros s’est dit très honoré de la préface de Jean-Claude William que celuici a intitulée « De l’indépendance des petites Antilles créolo-francophones ». JeanClaude William fait partie pour Thésauros des grands intellectuels des Antilles, anticolonialiste convaincu et reconnu par ses pairs pour sa connaissance de la société antillaise.
Pour terminer cet hommage nous reprendrons à notre compte et pour Jean-Claude William la conclusion de sa préface : « Le grand mérite de « Jean-Claude William » est d’incarner la figure de l’intellectuel issu du peuple et mettant à la disposition de celui-ci son savoir, son intelligence, sa sensibilité pour le sortir de la nuit coloniale. «
Honneur et respect à Jean-Claude William
(*) Germain Beautin, auteur de « Roland Thésauros, itinéraire inachevé du nationalisme guadeloupéen », préfacé par Jean-Claude William (édition L’Harmattan, 2019)