— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Nous étions déjà confrontés à un scénario de crise majeure de la dette en perspective pour l’année 2023, et voilà maintenant que surgit une crise financière qui devrait impacter durablement la France , et par voie de conséquence la Guadeloupe .
Les banquiers centraux, terrorisés par le retour de l’inflation, ont entamé depuis quelques mois une séquence inédite par sa puissance et par sa rapidité, de relèvement des taux d’intérêt. La brutalité de ce changement de pied bouleverse tout le paysage économique de la France . Pour les particuliers comme pour les entreprises et les États, le robinet monétaire se tarit, le crédit devient plus rare et plus cher. En résumé, c’est la consommation, le principal soutien de la croissance de ces dernières années qui disparaît brusquement. À ce changement radical d’environnement s’ajoute désormais un nouvel élément: certaines banques aux États-Unis et en Suisse , peu regardantes sur leurs risques, se trouvent prises à contre-pied et s’effondrent. Hantés par le souvenir de la crise de 2008, les marchés s’affolent en se demandant quelle sera la prochaine victime . Selon les experts de la banque mondiale, la croissance du PIB mondial ralentirait à 1,8 % en 2023, soit une contraction de 0,9 % par habitant qui correspondrait à la définition technique d’une récession mondiale.
Je crains fort que cette tendance se poursuive , avec des conséquences graves, prolongées et dévastatrices pour les populations des régions ultramarines et des économies en développement . Pour l’instant, la confiance des consommateurs Guadeloupéens a déjà enregistré une baisse bien supérieure à celle observée dans les épisodes passés de la récession de la crise sociale de 2009.
Désormais, la pauvreté s’invite aujourd’hui dans nos foyers sans crier gare ….avec la crise inflationniste et financière.
Ce n’est que le début et tout le monde va bien payer la note finale, surtout les retraités. N’en doutons pas…
Dans la théorie économique néo classique, il existe des considérations plus larges que la thématique habituelle utilisée en géopolitique qui pourraient suivre ce que vous appelleriez le principe du« domino tombant ». Vous avez mis en place une rangée de dominos, vous renversez le premier, et tous les autres dominos suivent dans une chute en cascade , ( entreprises, particuliers) ce qui arrivera au dernier, c’est la certitude que cela passera très vite… Mais quand on en arrive à la séquence possible des événements sociaux et politiques sur l’économie , maintenant vous commencez à parler de… des milliards envolés en fumée en bourse, des millions de faillites d’entreprises et des centaines de milliers de pertes d’emplois….A pa jiwèt ki ka touné, sé van…. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent.
Les récents déboires des banques et l’anticipation de la crise de la dette conduit à un exercice impossible pour les économistes , remplis actuellement de contradictions. Il s’agit , en fait , selon nous , de chercher à prévoir tout en sachant que la prévision est impossible puisque le futur sera toujours différent de celui qui aura été anticipé par nos responsables politiques et économiques.
Toutes les autorités le répètent sur toutes les radios et les chaînes d’actualité depuis quelques jours: les Français n’ont pas à craindre pour l’argent qu’ils ont déposé à la banque, le système bancaire français est solide. Évidemment, les déclarations de ce genre laissent toujours un peu sceptique. Avant toutes les catastrophes économiques et financières, il y a toujours des gens très sérieux qui viennent vous dire que vous ne risquez rien, que les craquements que vous pouvez entendre ici ou là ne mettent pas en péril votre sécurité et que la situation est sous contrôle.
Et pourtant en 48 heures, c’en était fini de la Silicon Valley Bank. La 16e banque américaine qui finançait et travaillait avec plus de la moitié des start-up du pays. Ainsi, dès le lendemain de la déconfiture , les cours des banques européennes ont cédé à un mouvement de panique. Cette faillite a fait craindre une contagion . Et dans la crise de confiance que nous traversons, la parole des dirigeants et des experts est systématiquement remise en cause. La réalité, selon nous, est qu’il existe bel et bien un risque de contagion. Le danger n’en déplaise à certains optimistes indécrottables viendra de l’arbitrage auquel devront faire face les banques centrales dont la BCE : Elles seront contraintes de continuer à augmenter leurs taux directeurs pour maîtriser la hausse des prix, mais si elles vont trop vite, elles prennent le risque de fragiliser les banques, casser la croissance, augmenter le taux de chômage . C’est aujourd’hui le scénario de risque de crise systémique le plus probablement réaliste à nos yeux . L’économie réelle
sera donc forcément impactée par une crise financière. L’offre de crédit des banques sera freinée et les taux d’intérêt vont continuer à remonter , ce qui dissuadera les marchés financiers d’acheter les obligations d’Etats et les emprunteurs de s’endetter. Les débiteurs, en raison de la dévalorisation brutale de leurs actifs, ne parviendront plus à rembourser leurs emprunts. Nous allons donc être confrontés à la crise de la dette. Les prochains signes de tension pourraient plutôt venir de la dette privée. Depuis un an, la Banque de France s’inquiète de l’endettement des entreprises et des ménages qui continue à grimper.
L’ endettement va très nettement peser petit à petit sur les investissements nécessaires à la transition écologique ainsi qu’à la politique de réindustrialisation de la France . La charge de la dette peut aussi pousser l’Etat à prélever indirectement des impôts élevés, ce qui, là encore, limitera à zéro la croissance future de la France . Et l’économie française qui est déjà de plus en plus vulnérable à une hausse des taux d’intérêt à terme , ne pourrait plus compter sur le programme de rachat de dettes souveraines de la Banque centrale européenne (BCE). Le risque de voir réapparaître l’austérité en France est plus important que jamais.
Voilà la dure vérité qui attendent les Français, donc les Guadeloupéens.
Ainsi donc,comme dans tout scénario d’action, à l’origine de la crise financière se trouve le mouvement cyclique des faillites bancaires et boursières qui fait dysfonctionner les règles et les actes des parties prenantes au bon fonctionnement de l’économie réelle . Puis, ce constat étant fait, se pose la question de l’anticipation de ce qui se passe après et de la durabilité des capacités d’action des autorités politiques . Enfin survient le problème des mondes d’après et de la fin des paradigmes de la société de consommation en Guadeloupe . Et comme pour pimenter la crise inflationniste actuelle, voilà désormais l l’ émergence des nouveaux risques que pourraient faire peser sur notre existence , l’intelligence artificielle.
Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs d’OpenAI, d’Open Research et de l’université de Pennsylvanie a révélé les emplois qui risquent le plus d’être affectés par l’émergence des modèles de langage type GPT. Le constat est sans appel : les postes les mieux payés sont davantage menacés. En fait, 80 % des emplois risquent d’être affectés par l’IA générative. Les métiers à hauts revenus sont les plus à risque, notamment des secteurs tels que la banque , la finance, le droit, l’éducation, le journalisme, l’ingénierie et le graphisme. Ce serait une véritable onde de choc qui mettra à mal tout l’édifice de notre société.
Oui …oui , c’est tout cela qui est en marche. Et si on ne fait rien pour inverser la tendance funèbre de ce scénario noir, cela se réalisera. Il en sera fini de notre identité et par voie de conséquence de notre humanité. Par résignation et par errements de nos dirigeants dans l’aveuglement de leur politique de l’autruche .
En un mot , nous danserons demain sur un volcan !
Tout cela nous semble inéluctable.
JM NOL Economiste