Selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, publié jeudi, l’eau potable distribuée en France serait largement contaminée par le métabolite du chlorothalonil R471811, un fongicide interdit en France depuis 2020. Il s’agit du métabolite le plus fréquemment retrouvé et conduit à des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois.
L’eau potable en France est largement contaminée par des résidus issus d’un fongicide interdit depuis plusieurs années, signe de la persistance dans l’environnement de traces de pesticides même longtemps après la fin de leur utilisation, selon un rapport de l’Anses publié jeudi 6 avril.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a étudié des prélèvements d’eau sur tout le territoire, y compris en Outre-mer, à la recherche notamment de 157 pesticides et de leurs métabolites, c’est-à-dire des composants issus de leur dégradation. « Sur les 157 composés recherchés, 89 ont été quantifiés au moins une fois en eau brute et 77 en eau traitée », indique l’Anses.
Un cas a particulièrement attiré l’attention des experts : le métabolite du chlorothalonil R471811 – le plus fréquemment retrouvé, « dans plus d’un prélèvement sur deux » – qui conduit à des dépassements de la limite de qualité (0,1 µg/litre) « dans plus d’un prélèvement sur trois ».
Ce métabolite est issu de la dégradation dans l’environnement du chlorothalonil, un fongicide pourtant interdit en France depuis 2020. Les autorités françaises avaient été alertées de sa présence fréquente dans les eaux de consommation suisses.
« Ces résultats attestent qu’en fonction de leurs propriétés, certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l’environnement plusieurs années après l’interdiction de la substance active dont ils sont issus », conclut l’Anses.
Un délai de grâce jusqu’en mai 2020
La Commission européenne n’avait pas renouvelé en 2019 l’autorisation du chlorothalonil, commercialisé par l’allemand Syngenta, et la France avait accordé un délai de grâce jusqu’en mai 2020 pour l’écoulement des stocks du produit.
Bruxelles soulignait alors qu’il était « impossible à ce jour d’établir que la présence de métabolites du chlorothalonil dans les eaux souterraines n’aura pas d’effets nocifs sur la santé humaine ».
La Commission citait les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui estimait que le chlorothalonil « devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B », c’est-à-dire cancérogène « supposé ».
L’Anses avait repris cette argumentation dans une note l’an dernier, rappelant que des études sur le chlorothalonil avaient identifié des « tumeurs rénales chez le rat et la souris ».
L’agence soulignait le « manque de données pour prouver que le métabolite chlorothalonil R471811 ne partage pas le mode d’action de la SA (substance active) parente aboutissant à des tumeurs rénales ».
Contactés par l’AFP, la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), le ministère de la Transition écologique et celui de l’Agriculture n’avaient pas réagi jeudi en début d’après-midi.
Ces révélations interviennent alors que le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, veut revenir sur la procédure d’interdiction d’un autre produit, l’herbicide agricole S-métolachlore, pas encore banni par l’Union européenne.
L’Anses avait annoncé le 15 février sa volonté d’interdire les principaux usages de cette molécule, dont les dérivés chimiques ont été détectés au-delà des limites autorisées dans des eaux souterraines.
« Je ne serai pas le ministre qui abandonnera des décisions stratégiques pour notre souveraineté alimentaire à la seule appréciation d’une agence », avait lancé le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau.
Source : France24 / AFP