Les décideurs tendent encore, par réflexe, à s’entourer de personnes qui leur ressemblent, à savoir de Blancs. Les rares qui ont réussi à percer le plafond de verre blanc sont souvent des enfants des élites africaines.
— Par Isabelle Chaperon et Véronique Chocron —
Adieu, le portrait d’Uncle Ben’s sur les paquets de riz, celui d’Aunt Jemima sur les préparations pour pancakes. Les industriels américains Mars, PepsiCo ou encore Colgate-Palmolive ont promis, ces derniers jours, de purger leurs marques de tout « stéréotype raciste ». Google, Apple, Bain Capital se sont engagés à débourser 100 millions de dollars (88,6 millions d’euros) pour lutter contre les discriminations raciales. Même le très puissant Jamie Dimon, patron de JPMorgan, a posé un genou à terre devant les photographes, en soutien au mouvement #BlackLivesMatter (« les vies noires comptent »).
Depuis le calvaire éprouvé par George Floyd, asphyxié sous le poids d’un policier blanc à Minneapolis (Minnesota), le 25 mai, les entreprises américaines multiplient les gestes pour affirmer leur volonté de prendre en compte un appel à la justice qui résonne dans le monde entier. « Avec la mise à mort de George Floyd, tous les Noirs du monde ont eu le sentiment qu’un genou était posé sur leur cou. Je suis très éloigné des Etats-Unis, je suis francophone, je ne vis pas dans le même environnement et je n’ai pas le même passé. Mais il y a cette solidarité dans la douleur, car on lui a fait subir ce sort parce qu’il est Noir », témoigne Momar Nguer, ancien membre du comité exécutif de Total et désormais conseiller de son PDG, Patrick Pouyanné.
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« Demain, cette révolte peut se traduire par un mouvement de boycott envers les produits des entreprises qui, par exemple, n’ont pas ouvert leurs états-majors aux personnes issues de la diversité. Et ça peut aller très vite », prévient-il.
Greg Glassman, le propriétaire de la chaîne de salles de sport CrossFit vient d’en faire l’expérience. Sous la pression, il a annoncé, mercredi 24 juin, la cession de son enseigne, vouée aux gémonies depuis qu’il a tenu des propos indignes sur George Floyd.
Face à cette déferlante mondiale, les entreprises françaises restent mutiques, comme si elles se sentaient à peine concernées par un drame purement américain. Du côté de leurs directions, le constat est pourtant accablant.
« Selon un baromètre réalisé à la fin de 2017, moins de 1 % des administrateurs du CAC 40 et des entreprises du SBF 120 sont des Français d’origine non européenne. Depuis, la situation n’a pas progressé », précise Laetitia Hélouet, coprésidente du Club XXIe siècle, créé en 2004 « pour offrir à la société française une vision positive de la diversité ». Le club a publié en 2018 un annuaire de personnalités issues de la diversité ayant le profil pour devenir administrateurs indépendants. « Ça a moyennement marché », constate Mme Hélouet, qui promet une nouvelle version, étoffée, fin 2020.
Malaise patent
Certes, ces dernières semaines…
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