— Par Marie-José Sirach —
Les syndicats assignent en justice le Syndeac pour non-respect de l’accord sur le volume d’emplois.
L’accord sur le volume d’emplois des artistes-interprètes dans les centres dramatiques nationaux (CDN), pourtant signé en 2003 par l’ensemble des partenaires sociaux de la profession, n’a jamais été respecté. Ou à la marge. Il prévoit que les 38 CDN, qui sont le bras armé de la décentralisation théâtrale, lancée il y a soixante-dix ans, doivent affecter à l’emploi direct d’artistes en activité de plateau 40 % de leur budget artistique. En outre, ce volume d’emploi doit correspondre à 100 mois et à 25 % du nombre d’heures travaillées par les autres professions du théâtre (techniciens et administratifs).
Il y a un an, le SFA-CGT, dénonçant une perte sèche de « plus de 4 500 mois de travail », a décidé d’assigner en justice le Syndeac (Syndicat des entreprises artistiques et culturelles) et quinze CDN pour cette raison-là. Aujourd’hui, l’affaire passe dans les mains du TGI de Paris. Madeleine Louarn, la présidente du Syndeac, parle d’« un choc »et d’« impasse ». Du côté des directeurs de CDN concernés, tous dénoncent une assignation « sur le bilan de (leurs) prédécesseurs » et un accord « vétuste et absurde », une condamnation qui pourrait « entraîner le dépôt de bilan pour certains d’entre (eux) ».
Le silence du ministère
Devant la diminution constante des dotations de l’État, un tel accord ne peut être appliqué stricto sensu. Économiquement, les CDN travaillent sur des budgets à flux tendus, ce qui les oblige à réduire la voilure à tout bout de champ. Philosophiquement, cet accord ne tient pas compte de l’évolution de l’emploi dans ce domaine, où le recours à l’intermittence permet un plus grand mouvement et une plus grande liberté des artistes. Cet accord semble avoir été pensé pour des troupes permanentes. Or, en France, à l’exception de la Comédie-Française et du TNP, il n’en existe pas d’autres. Il serait plus juste de parler de compagnonnage artistique, en fonction des créations. La nouvelle génération de directeurs et directrices de CDN aujourd’hui privilégie le travail avec les compagnies et distingue « l’emploi permanent de la permanence artistique ».
Le litige porte sur 8 millions d’euros. On peut s’étonner du silence du ministère de la Culture, qui semble aux abonnés absents sur le sujet. La balle est pourtant dans son camp : il est toujours temps d’intervenir pour éviter que le conflit ne s’enlise ; qu’il prenne ses responsabilités d’un point de vue économique et, d’un point de vue politique, relance les négociations pour trouver une solution pérenne adaptée à la réalité de l’emploi dans ce secteur et qui conviendrait à toutes les parties…
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