Par Florent Serrette Conseiller municipal d’une commune rurale dans le Jura, catholique pratiquant
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L’évangile selon saint Matthieu indique : «Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre» (5.39). Mais c’en est assez. Dans le débat pour ouvrir le mariage civil et l’adoption à tous les couples, la hiérarchie de l’Eglise catholique et les groupes les plus traditionalistes ne cessent de prendre la parole pour exprimer leur opposition. C’est leur droit. Nous avons besoin de ce débat, où tous les points de vue peuvent être entendus pour peu qu’ils s’expriment avec respect. Mais ils le font bien souvent en utilisant des arguments au minimum caricaturaux, au pire homophobes, sexistes et scandaleux. Relayés par les médias, ils sont considérés comme représentatifs.
La réalité est plus nuancée. Je suis catholique, pratiquant, élu local et favorable à la mise en œuvre de l’égalité pour tous promise par notre devise républicaine, en ouvrant le droit au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe. Je me sens blessé, insulté même, par les déclarations du cardinal Vingt-Trois («supercherie»), du cardinal Barbarin («polygamie», «inceste») ou par les écrits du diocèse de Dijon («pédophilie»). C’est pourquoi, il me semble nécessaire d’affirmer que je ne me reconnais pas dans cette expression monolithique qui ne reflète pas la diversité d’opinion des 41 millions de catholiques (dont moins de 3 millions de pratiquants) dans notre pays. Catholiques progressistes, prenons la parole !
Un sondage Ifop d’août traduisait déjà l’ouverture progressive, sur ces sujets, des catholiques, pratiquants ou non : 45 % à 61 % sont favorables au mariage homosexuel, et 36 % à 49 % pour l’adoption. Certes, il ne s’agit pas toujours d’opinions majoritaires, mais elles expriment des différences très sensibles qui méritent d’être prises en compte.
Au catéchisme, on m’a enseigné la tolérance, l’ouverture, le partage ainsi que la primauté de l’amour et de la fraternité sur le matérialisme. C’est fort de ces valeurs, que je suis devenu l’homme, le citoyen engagé, le croyant que je suis. L’Eglise catholique gagnerait à mettre autant d’énergie et de force pour se mobiliser contre la pédophilie dont elle n’est pas exempte. Elle devrait aussi, si on emploie un raisonnement caricatural, dénoncer le divorce, vraie menace pour le mariage. Le mariage pour tous les couples ne nie pas la prédominance du «modèle» hétérosexuel, qui n’est en aucun cas remis en cause par le projet en débat. Il ne nie pas non plus les différences entre homme et femme : les homosexuels aiment des personnes du même sexe justement parce qu’ils font la différence entre les deux.
J’entends aussi l’argument selon lequel, dans notre code civil, le mariage aurait pour seule visée la procréation et que, les couples homosexuels n’ayant pas cette possibilité biologique, il faudrait les tenir écartés du mariage civil. Si on pousse ce raisonnement, alors que faudrait-il faire pour les couples hétérosexuels stériles qui ne peuvent pas procréer ? On ne demande pas aux prêtres de célébrer des mariages religieux entre personnes de même sexe, alors que le clergé respecte l’exigence d’égalité effective dans la sphère civile.
Par ailleurs, l’ouverture de l’adoption à tous les couples ne prétend pas remettre en cause cette vérité scientifique qu’un enfant naît d’un ovocyte et d’un spermatozoïde. Mais il faut plus que cela pour être parents. La biologie n’est qu’une part de la filiation. Et deux hommes ou deux femmes peuvent élever des enfants : pas mieux, mais pas moins bien que les couples «traditionnels» dont beaucoup échouent dans cette mission. On ne commande pas d’études «psycho-socio-scientifiques» sur les échecs des couples hétérosexuels. Quant à la structuration psychologique des enfants, il faut rappeler une évidence : heureusement, les familles ne vivent pas en vase clos mais dans un tissu social. Les enfants ont, de fait, des référents masculins et féminins, y compris en dehors de leurs parents. Pourquoi vouloir fantasmer un modèle de famille unique et autarcique qui n’existe plus que sur les images d’Epinal ? La plupart des arguments avancés par les représentants de l’Eglise catholique traduisent, à mon sens, une homophobie latente plus qu’une crainte du mariage et de l’adoption. Alors il faut le répéter : l’homosexualité n’est pas une perversion ni une déviance, elle ne menace aucune civilisation. Depuis des siècles, les religions ont été et sont encore la cause de désordres mondiaux. Elles ont parfois contribué au délitement de civilisations. Alors de grâce, messieurs les prélats, de la mesure et de l’humilité !
22 novembre 2012 à 19:06
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