Fondation Clément, jusqu’au 6 décembre 2022. Exposition tous les jours de 9h à 18h30. La Cuverie et La Carrée – niveau 1.
Les photographies de Jean-Pierre Fiard sont le résultat de cinquante années de cheminement et d’exploration à travers les paysages et les espaces naturels les plus intacts de la Martinique actuelle. Pour beaucoup d’entre-eux, ce sont les derniers vestiges de la forêt primitive ancienne au sein desquels s’exprime encore la puissance végétale et la splendeur inégalée de la Jouanacaëra originelle, l’île aux iguanes des amérindiens précolombiens.
Pour présenter ces multiples images de la terre martiniquaise originelle, il fallait trouver un ordre logique et naturel. Quoi de plus logique que de refaire, en images, l’itinéraire probable de la découverte progressive de Jouanacaëra par ses premiers habitants amérindiens, à partir de leur région initiale d’installation dans le nord-est de l’île.
À travers ces nombreuses perspectives paysagères souvent inconnues ou méconnues, mais aussi à travers ces innombrables et admirables formes de vie inventées par l’inépuisable créativité de la nature tropicale, et souvent propres à Jouanacaëra elle-même (espèces endémiques), c’est l’essence immémoriale et singulière de cette île que nous avons essayé de capter, essence dont nombre d’aspects vibrent et résonnent encore dans l’âme de ses habitants actuels.
Jean-Pierre Fiard, vit et travaille en Martinique depuis 1967. Professeur de philosophie et ébloui par la splendeur de la nature tropicale, il a mené conjointement une carrière littéraire et scientifique. Il est auteur ou co-auteur de plusieurs publications techniques et rédacteur principal pour la botanique du dossier de classement au patrimoine mondial des volcans et forêts de la montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique. Persuadé que la protection de la nature doit passer par le savoir, mais aussi et surtout par le cœur, il s’est décidé à toucher un public plus large par l’image photographique en puisant dans le meilleur de ses nombreux clichés naturalistes.
Lorsque, vers 350 avant notre ère, quelques groupes d’Amérindiens de culture céramique saladoïde et huécoïde, quittèrent le delta de l’Orénoque et la zone côtière caraïbe de la Colombie pour atteindre le centre des Petites Antilles, un nouvel horizon, un nouveau ciel, une nouvelle lumière, de nouvelles opportunités de vie s’ouvrirent devant eux. À l’espace intime et protecteur, mais clos, du « village » amazonien enfoui dans les trouées de la grande forêt équatoriale, succédait l’immensité du ciel et de la mer, soulignée par la silhouette bleutée et mystérieuse d’îles montagneuses lointaines, à peine distinctes de la ligne d’horizon…
Les premiers arrivants abordèrent une île qui n’avait probablement jamais été habitée par l’homme, ou alors de façon tout à fait temporaire. Jouanacaëra offrait donc depuis toujours ses plages désertes et ses montagnes inviolées à la seule contemplation du ciel, des nuages et des oiseaux… à la rencontre des éléments…
Sans doute fut-il une époque, depuis longtemps révolue, où (en dehors des expéditions de guerre et de rapines) les hommes habitaient encore la terre avec patience et sérénité. Un temps où la lenteur concentrée et paisible des tâches, des heures et des jours, où le silence des espaces et des paysages, laissaient advenir à la conscience et au vécu de chacun toutes choses, y compris les humains eux-mêmes, dans une plus lumineuse et attentive présence…