— Par Yves-Léopold Monthieux —
Il y a quatre ans, l’annonce de la candidature à sa réélection du président de la CTM avait fait sourire, tant elle avait paru improbable. On avait pensé à une facétie du vieil homme qui, faute de se trouver à la tête d’une Martinique indépendante, était parvenu au faîte du pouvoir possible. En effet, on pouvait croire satisfait l’homme de pouvoir plus que d’opposition qui a toujours saisi ce pouvoir tel qu’il se présente à lui. Ne s’étant jamais opposé au pouvoir central, il avait su, contrairement aux autonomistes, convaincre deux présidents de la République d’organiser les trois consultations populaires sur l’évolution statutaire. N’ayant pu parvenir à l’objectif suprême il aura été celui qui aura permis de s’en approcher.
Premier à annoncer sa candidature, il est le premier à descendre dans l’arène. Le succès de la grand-messe organisée le 10 janvier dernier au Gros-Morne a dû mettre fin à bien des ricanements. Mais moins spectaculaire, les 2300 militants et partisans qui se sont rendus dans cet obscur bureau de la mairie du Lorrain pour manifester leur soutien à son projet de Séguineau est significatif de la capacité de mobilisation du président du Mouvement indépendantiste martiniquais (MIM). Président sortant, les sortants de l’exécutif qui lui sont restés fidèles constitueront l’ossature de sa liste. Les autres alimenteront un phénomène qu’on pourrait nommer le « syndrome du dernier ennemi ».
Ce sont le RDM, Ba péyi-a an chans et surtout Péyi-a qui en s’écartant du leader indépendantiste, pourraient avoir rapproché les deux adversaires historiques, le MIM et le PPM. Deux événements étayent cette analyse : le surprenant vote du PPM lors de la réunion plénière de la CMT en faveur d’AMJ ainsi que les compliments inattendus du président du PPM à son vieux rival. En effet, à propos du dernier projet Séguineau, les élus de ce parti ont manifesté leur confiance au président de l’exécutif tandis qu’à la télévision, faisant taire les militants les plus zélés du PPM, Serge Letchimy ne tarit pas d’éloges sur le bilan de la mandature d’Alfred Marie-Jeanne qui, selon lui, aurait atteint tous ses objectifs.
Le refus médiatisé de Claude Lise aux avances de Serge Letchimy ne peut que faciliter le rapprochement des deux hommes. Ce schéma devrait conduire le président du PPM à garder ses distances avec un autre « dernier ennemi » d’AMJ qui a préféré la tonitruance au départ sur la pointe des pieds, Yan Monplaisir. Sylvia Saïtsoothane, atout-maître de BPAC que chacun voudrait sur sa liste, ne risque-t-elle pas dans cette affaire d’être conduite au bûcher. Et, avec elle, ses amies.
Quoi qu’il en soit, un accord PPM-MIM au second tour serait historique : le précédent pacte remonte à l’épisode de « la parole au peuple », en 1973. La coalition MIM-CNCP-PALIMA-Mouvement pour une écologie urbaine-PPM serait le pacte le plus nationaliste jamais réalisé en Martinique. Elle serait fatale à la droite et à la solidarité-CACEM. Reste l’élu de Forces martiniquaises de progrès, Miguel Laventure, dont l’expertise est appréciée sur tous les bancs de l’assemblée.
Le scénario ci-dessus ne vaut que si les listes conduites par Péyi-a et le PPM arrivent en tête au premier tour. Une coalition arc-en-ciel est en voie de constitution sous l’égide des co-présidents de Péyi-a, l’écologiste-indépendantiste Marcellin Nadeau et l’ex-MIM « antidépendantiste » Jean-Philippe Nilor. Dans cette mosaïque qui regrouperait des militants de la gauche, l’extrême-gauche et la droite, la liste issue des tractations devrait être la plus sexy de toutes et augurer d’un changement de génération qui pourrait séduire. Cependant elle comporterait les stigmates du « syndrome du dernier ennemi » qu’incarnent le fils spirituel déchu, la conseillère exécutive-maire de Ducos ainsi que le collègue et ex-ami président de l’assemblée.
Fort-de-France le 17 janvier 2021
Yves-Léopold Monthieux