— Par Jean-Marie Nol économiste —
Les innovations technologiques et d’usage, accompagnées d’un phénomène de déconstruction de notre économie à la fois individualiste et communautaire, imposent une remise à plat de l’organisation de la société au niveau national et local, ainsi que la réinvention d’un nouveau modèle économique et social en Guadeloupe. En effet, l’accélération des transformations induites par le digital et l’intelligence artificielle bouleverse profondément de façon souterraine la société et les modèles économiques établis. Bientôt plus aucun pan de la vie, aucune activité économique ne semble pouvoir échapper à la nouvelle économie façonnée par la 4 ème révolution industrielle du numérique, de la robotisation, et de l’intelligence artificielle qui se dessine déjà sous nos yeux. La faculté de ce nouveau paradigme semble de nature à nous desiller les yeux hors des moules de l’idéalisme passéiste des intellectuels contemporains et de l’inertie des élus coupables de cécité. Peut être que cela peut nous aider à comprendre non pas l’utopie de la décroissance, pour l’heure elle a quasiment disparu, mais l’indestructible attrait pour les nouvelles technologies ( Chat GPT entre autres ), et la propension à l’enfermement de ce pays créole-du tout monde qu’est la Guadeloupe qui pourtant se prépare sans doute à une nouvelle mue.
Nous constatons qu’un mouvement profond et transformateur est en marche dans l’économie de la Guadeloupe. L’idée schumpeterienne que tout processus de croissance économique à partir de la révolution industrielle correspond à une destruction créatrice nous impose dès à présent une autre vision du développement de l’économie de la Guadeloupe. Alors que la croissance tarde à revenir sous sa forme ancienne, une autre croissance n’est-elle pas en train de naître sous nos yeux avec la fin annoncée du concept économique désormais suranné de la surconsommation ?
Si même la consommation qui reste l’un des facteurs importants de la croissance s’effondre, que va-t-il rester à l’économie Guadeloupéenne ?
La question posée est celle de la future compétitivité des entreprises de notre pays et des conditions d’une croissance qui doit absolument être plus soutenue pour soutenir le financement de notre modèle actuel de société. Nous devrons donc forcément évoquer les questions cruciales de l’industrie agroalimentaire, de la politique commerciale, du marché du travail, de la recherche, de la formation des hommes …
L’Insee a marqué les esprits en annonçant une baisse de la consommation des ménages de 1,9% en 2023. Cette baisse annonce sans doute une récession, et de nouvelles mesures d’économies dans la dépense publique.Une nouvelle bulle économique inhérente à la nature de la transformation de la consommation est en train de naître en Guadeloupe, mais le politique refuse de la voir telle qu’elle est et de la manière qu’elle se présente demain sous des hospices menaçants pour les nouvelles générations !
Et pourtant, la disruption aujourd’hui est la clé de cette nouvelle économie qui est en train de naître, tout simplement parce que les emplois de demain ne sont plus ceux d’hier et qu’il est essentiel de pousser les Guadeloupéens à se former, voire à démarrer une reconversion professionnelle. Tout cela, devrait pousser nos décideurs à s’interroger et se pencher sérieusement sur la problématique de l’économie circulaire. Plus que jamais, les entreprises de la Guadeloupe, auront un rôle majeur à jouer pour initier la transition d’une économie linéaire héritée du système de consommation de la départementalisation vers une économie circulaire afin de respecter les frontières du système de préservation de la Terre. Le rouleau compresseur du changement climatique est en marche, et l’incrédulité fait place à la stupeur. Car nul n’est à même d’en mesurer les conséquences ultimes et d’en prédire le terme.
Tel est le sentiment qui suscite un malaise insupportable et diffus, chez les «experts» aussi bien que chez les «simples citoyens». Pour l’instant l’une des réponses est l’économie circulaire qui embarque tout l’appareil productif de l’entreprise. Mais qu’est-ce que l’économie circulaire ? L’économie circulaire est un modèle de production et de consommation qui consiste à partager, réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux existants le plus longtemps possible afin qu’ils conservent leur valeur. L’économie circulaire fonctionne selon le principe d’un cercle vertueux. Elle repose sur trois grands axes : mieux produire avec moins de ressources, puis consommer de manière plus responsable et enfin recycler efficacement pour pouvoir réinjecter les ressources dans la fabrication de nouveaux biens et services. Plusieurs expertises seront nécessaires pour y parvenir et donc inévitablement se posera tôt ou tard la question vitale de la qualification des ressources humaines locales et de la nécessaire acquisition de nouvelles compétences pour mener à bien la transformation de notre modèle économique en vue d’une transition écologique et énergétique !
Pour ce faire, la création en Guadeloupe de plusieurs écoles de production s’imposera donc comme une exigence pour réussir cette transition. Les Écoles de Production proposent à des jeunes de 15 à 18 ans des formations professionnelles qualifiantes basées sur une pédagogie du « Faire pour apprendre » : les jeunes y acquièrent un savoir-faire professionnel en honorant de réelles commandes clients. Ce modèle – unique en son genre – repose sur une étroite collaboration entre de multiples acteurs dont l’objectif commun est de répondre aux enjeux éducatifs sociaux et économiques des territoires dont celui de la Guadeloupe et de la Martinique. Au 6 décembre 2023, le réseau national des Écoles de Production compte 64 établissements et 5 autres devraient ouvrir d’ici fin 2023. L’objectif est d’atteindre 100 écoles en 2027. A ce propos, la Guadeloupe devrait saisir l’opportunité de postuler à un nouvel appel à projets « Ecoles de Production » qui va être déclenché en janvier 2024. Roland Lescure, ministre délégué à l’Industrie, l’a annoncé dans le cadre de la Semaine de l’Industrie, qui se déroule jusqu’au 3 décembre. Qui finance les écoles de production ?
Les revenus issus de la production devant en principe assurer un tiers du budget, les établissements peuvent aussi compter sur le soutien de l’État – qui a signé une convention de financement pluriannuelle avec la Fédération nationale des écoles de production – ainsi que sur celui des collectivités locales. Ce dispositif est incontestablement une chance à saisir pour les collectivités locales de la Guadeloupe.
La création d’une école de production ayant pour objet une ou plusieurs formations dans le périmètre de l’économie circulaire devrait avoir pour objectif de former des spécialistes capables de répondre aux défis environnementaux des entreprises et industries à l’échelle de notre territoire, grâce à leurs savoirs et savoir-faire en éco-conception et métabolisme territoriale.
« A pa lè ou fen pou mété manjé si difé. »…(Ce n’est pas au moment où tu as faim que tu fais cuire ton repas.)
Moralité et signification :
Il faut savoir être prévoyant
Jean-Marie Nol, économiste