Quand une modeste structure d’artistes s’affirme sur l’international.
Exposition de Sébastien Mehal à la Fondation Clément, Martinique, Avril 2015. Après une résidence à L’Artocarpe, le projet de l’artiste martiniquais a été accepté par cet important espace d’art sur l’île soeur. L’artiste est représenté aujourd’hui par quatre galeries.
L’Artocarpe est invitée aux Etats-Unis, du 19 au 21 février 2016, à témoigner de ses 7 années d’expérience au service des artistes.
Le Pérez Art Museum de Miami (PAMM) -une institution aussi imposante que le CentreGeorges Pompidou-a sélectionné s’est tenue en Martinique en Janvier 2016. plusieurs initiatives d’artistes de la Caraïbe, dont les actions sont jugées innovantes et exemplaires. Le but est d’amener ces organisations, durant trois jours, à faire le point sur leur parcours, d’échanger entre elles et de renforcer leur réseau en vue de dégager de possibles opportunités futures, favorables à toutes.
Le PAMM -réinstallé depuis 2013 en plein coeur de la ville-permet à L’Artocarpe de confirmer ce qui était initialement un pari: celui de permettre aux artistes professionnels de nos îles, d’avoir une meilleure visibilité et d’être reprérés par des instances extérieures, à travers une plateforme qui les fait rayonner sur l’internationale et leur procure plus de crédibilité.
Aujourd’hui parfaitement structurée, L’Artocarpe vient de tenir sa dernière assemblée générale, le 23 janvier 2016, en Martinique, afin d’honorer les membres de l’île soeur. Cette réunion délocalisée, en présence de sa directrice artistique, a également confirmé la nomination d’une nouvelle présidente, Lana Kustova*, jeune entrepreneuse russe, basée à New York. Le virage vers le reste du monde est entamé pour cette association, dont la fondatrice, l’artiste Joëlle Ferly est heureuse de constater la trajectoire.
“Lorsque j’ai parlé de fonder un lieu d’art contemporain, il y a près de 10 ans, personne ne pensait que cela marcherait! Aujourd’hui, je reçois des mails de personnes du monde entier (d’Australie, de St Kitts…) me demandant conseil pour monter une structure similaire ou souhaitant valider un stage au sein de nos locaux. Après 7 ans de bénévolat, je laisse un outil qui se porte très bien et qui fait ses preuves. Aux artistes sérieux dans leur pratique de se l’approprier et d’injecter à leur tour des idées pour le bénéfice du groupe. Je compte énormément sur le nouveau bureau dont l’équipe fondatrice de L’Artocarpe. est tout simplement la “DreamTeam” dont je rêvais: une secrétaire créolophone et anglophone; un trésorier sérieux; des bénévoles qui nous suivent et une jeune présidente, étudiante en art, qui apportera sa nouvelle vision. »
L’Artocarpe compte depuis 2009 des membres sur trois pôles principaux, La Guadeloupe, La Martinique et Paris avec des ramifications en Dominique, au Brésil, à Berlin et autres contrées où un membre devient notre référent. Des artistes tels que Sébastien Mehal et David Gumbs ont fait leur toute première exposition en Guadeloupe, à L’Artocarpe. La chercheuse universitaire Fabienne Viala est arrivée à L’Artocarpe présenter ses recherches avant de poursuivre ses activités professionnelles pour le compte du Conseil départemental de Guadeloupe, de la ville de Fort-de-France et du Mémorial ACTe, sur nos recommandations. Nous avons accompagné des membres sur des expositions prestigieuses, comme au Fesman à Dakar (2010), à la biennale d’Aruba (2012) ou à la fondation Clément en Martinique (2015).
Des artistes de l’Hexagone découvrent la Guadeloupe à travers une résidence chez nous: une façon originale de faire du tourisme! Des théoriciens étrangers utilisent L’Artocarpe comme leur QG afin de mener à bien leurs entretiens avec les artistes qu’il repère, en vue de publications diverses, notamment universitaires. L’Artocarpe est aujourd’hui sur la liste des instances offcielles et à ce titre s’est retrouvée à l’ouverture présidentielle du Mémorial ACTe(Mai 2015, Guadeloupe) et de la nouvelle Fondation Clément (Janvier 2016, Martinique). De plus, L’Artocarpe participe aux actions de nos collègues directs (la galerie T&T et ARTBEMAO), visite des expositions internationales (Biennale de Venise en Novembre 2015) et intervient dans de nombreux colloques en Caraïbe (Cuba, Jamaïque…) et sur l’international (Birmingham, New Orleans et bientôt Miami).
L’Artocarpe a permis à des artistes de mieux comprendre le fonctionnement des institutions, et de pallier à des rigidités administratives en se substituant à ces dernières. L’époque de l’amateurisme est désormais révolu à L’Artocarpe! Tous nos membres sont aujourd’hui des professionnels accompagnés par notre directrice artistique, Régine Cuzin, qui est une commissaire indépendante reconnue. La dernière exposition de Régine été accepté par cet important espace d’art sur l’île soeur. L’artiste est représenté aujourd’hui par quatre galeries. Cuzin se terminait l’an dernier, au Grand Palais à Paris (l’exposition “Haïti”). Je gage que les futurs projets de Mme Cuzin se tiendront dans la Caraïbe. Aux artistes de se tenir prêts s’ils souhaitent être considérés au sein de son commissariat…
Sur plus de 70 membres qui sont passés à L’Artocarpe, peu d’entre eux conçoivent leur pratique artistique comme une véritable profession. Ce qui est bien dommage car nos îles regorgent de talents! Les artistes ne réalisent pas l’importance de s’informer sur les pratiques contemporaines et de suivre les conseils qu’on leur donne, ce qui les rend peu crédibles auprès des critiques d’art et sur le marché international. Que l’on soit ou non dans une démarche commerciale, le manque de professionnalisme mène à la stagnation qui mène, à son tour, à la régression. Quand je vois ce que sont devenus des collègues à qui j’avais par le passé, apporté quelques conseils, je suis ravie de suivre leur succès! L’un deux ayant aujourd’hui intégré l’une des plus grandes collections étrangères! Cependant je connais mes limites: c’est pour cela que j’ai souhaité voir L’Artocarpe entourée d’experts, dont un cabinet d’ingénierie culturelle et une directrice artistique basés à Paris, un cabinet comptable et une consultante, basés en Guadeloupe. Un audit m’a permis de renforcer mon projet de faire évoluer les pratiques des artistes intéressés, vers l’art contemporain, qui n’est autre qu’unlangage à posséder aujourd’hui, afin de converser avec tous les professionnels d’art du monde entier.
L’Art contemporain ayant le mérite d’être porteur d’une économie non négligeable, allant de la construction d’écoles d’art (on les observe en Chine) au nombre croissant de galeries. Les membres étaient jusqu’alors pour beaucoup un mélange d’artistes du dimanche, d’artistes en milieu de carrière, un étudiant d’art et des autodidactes.
L’Artocarpe a alors infusé auxmembres, de manière organique, une formation à travers deséchanges entre les membres et les artistes invités en résidence (tous professionnels), des visites d’ateliers durant lesquels nous nous donnions du retour franc sur les oeuvres et des conférences chose impérative de nos jours. Réalisant que je ne suis pas de la “génération Smartphone” j’ai préféré passer le baton à la jeunesse –Lana est une vraie New Yorkaise-car je conçois être moins à même d’assurer le meilleur avenir pour L’Artocarpe. De plus, prendre du recul me permettra enfin de retourner àmes propres projets personnels, le montage de L’Artocarpe a été très chronophage, ce que beaucoup ne réalisent pas ”.
La fondatrice de L’Artocarpe n’a pas dit son dernier mot! 2016 devrait lancer son nouveau projet artistique, attendu pour la fin de l’année. La pratique de cette artiste est connue de nombreux commissaires d’exposition qui l’ont invitée à Ténérife, à Chypre, au Canada, en Grande-Bretagne, dans divers pays d’Afrique et de la Caraïbe, pour ne citer que ceux-là. Repérée par un curateur cubain, Joëlle Ferly représentait la Guadeloupe à la Biennale de la Havane en 2012. Un logo qui peut rapporter gros!
L’Artocarpe – du nom scientifique de l’arbre-à-pain, représenté par le rond vert de son logo-sert aujourd’hui de “pool” aux commissaires d’importantes instances artistiques en quête d’artistes. Ces derniers aiment les regroupements d’artistes. Pour la deuxième fois consécutive, un autre membre de L’Artocarpe représentait la Guadeloupe à la dernière édition de la Biennale de Cuba, qui s’est tenue en mai 2015. “Qu’on se le dise, la structure L’Artocarpe est aujourd’hui devenue un logo qui peut rapporter gros! Des actions antérieures ont permis à des membres de remporter des prix, de financer des déplacements, d’avoir du travail. A nous de maintenir le niveau et de ne pas décevoir les commissaires!, renchérit la fondatrice de L’Artocarpe.
Rentrée en Guadeloupe en 2008, Joëlle Ferly réalise combien notre société se doit d’innover, afin d’augmenter les opportunités. “J’ai toujours envisagé L’Artocarpe comme une structure internationale, ce qui froissait beaucoup d’artistes locaux, à mon retour en Guadeloupe. Aujourd’hui, certains de mes collègues sont partis vivre à l’étranger ou visitent régulièrement d’autres pays pour se nourrir, se former, développer leur pratique, reprenant à leur compte des manières plus efficientes de travailler que celles conçues par Le logo de L’Artocarpe faitle modèle français. J’ai toujours écrit notre site internet en anglais, ce qui nous a permis d’attirer non seulement des partenaires étrangers mais surtout d’augmenter notre survivre. visibilité à travers le monde. Ayant vécu à Londres, je ne souhaitais pas me couper d’un réseau que je possédais déjà en Grande-Bretagne et qui suivait mes activités. Maintenant que L’Artocarpe affiche sept années d’historique, des oeuvres de qualité et des actions intéressantes que beaucoup nous envient, l’idée est de réactiver ce réseau pour les membres de L’Artocarpe. A la suite d’une action avec 11 artistes américains, venus nous voir au Moule l’an dernier, plusieurs membres sont partis exposer aux Etats-Unis. Certains, comme Kelly Sinnapah Mary et Sébastien Mehal, avaient déjà été reprérés par des commissaires ou des galeries. Les membres sont très demandeurs. Je regrette juste que la plupart oublient de citer le groupe dans leur biographie, alors que L’Artocarpe est aujourd’hui synonyme de sérieux pour beaucoup de professionnels hors de la Caraïbe, qui pour nombre d’en eux, connaissent notre directrice artistique, pour avoir déjà travaillé avec elle! Mehal, l’un des membres les plus généreux, crédite systématiquement L’Artocarpe dans toutes ces expositions et rencontres avec les professionnels, faisant ainsi parler de tout le reste du groupe, tout comme notre publication de 2013, présentant 18 de nos membres, qui s’est distribuée jusqu’au Japon! Nous espérons la visite d’un artiste qui participera à une importante biennale en Asie, et qui nous sollicite pour venir faire une résidence et apporter son projet en Guadeloupe, ce qui devrait poursuivre nos échanges et nos actions avec des professionnels de ces régions d’Asie. Comme à chacun de mes déplacements, j’emporte avec moi à Miami, les catalogues d’expositions personnelles des membres qui ne peuvent m’accompagner parce qu’engagés sur des expositions ailleurs.”
En quête d’un nouveau modèle à l’étranger?
La nouvelle loi sur l’accessibilité nous oblige à fermer nos portes au public. Nous maintenons nos actions au sein de notre immeuble, -qui est en fait mon propre domicile que je mets à disposition de l’association-uniquement pourles membres à jour de leur cotisation. Comme l’administration française est très lourde, jen’exclus pas de recommander à la nouvelle équipe de songer à expatrier le siège de L’Artocarpe. Ce transfert aurait le mérite de répondre de manière plus efficiente aux attentes des artistes membres qui continuent de nous faire confiance. Certains sont aujourd’hui représentés par des galeries et à travers elles, sur des foires d’art contemporain à Paris, aux Etats-Unis, et dans le reste du monde. A nous d’exiger un certain niveau des membres qui nous rejoignent afin de renforcer l’impact du groupe, et à travers lui, de continuer de faire rayonner une initiative de Guadeloupe. L’Artocarpe est devenue une vraie plateforme de référence pour les institutions qui nous suivent financièrement, à raison d’une action par an, et ne cessent de nour envoyer tout professionnel souhaitant en savoir plus sur l’art contemporain en Guadeloupe!”, conclut la fondatrice Joëlle Ferly.
Pour l’heure, souhaitons à L’Artocarpe de poursuivre ses activités sur la commune du Moule et au delà de la Caraïbe. A ce jour, celles-ci s’étendent d’Haïti au Japon avec près de 40 artistes managés en résidences par la seule volonté de sa fondatrice, Joëlle Ferly. Un superbe bilan qui se couronne par cette nouvelle action apothéose.
Informations: www.artocarpe.net mail: artocarpe@gmail.com
* voir détails sur le site Crédits photographiques: © L’Artocarpe hormis le visuel du Pérez Art Museum