« Du domaine des murmures », une mise en scène de José Pliya

—Par Roland Sabra —

murmures_2Au Théâtre de Poche de Montparnasse Du domaine des murmures mis en scène par José Pliya est une reprise d’un travail déjà présenté l’an dernier, notamment au Festival de Caves (26 avril-27 juin 2014). Il était alors porté par la comédienne, chanteuse et musicienne Léopoldine Hummel. Elle a laissé place cette fois à la jeune Valentine Krasnochok.
Escarmonde, fille du seigneur des Murmures, refuse le jour de ses noces de dire oui à Lothaire, un adolescent immature et arrogant choisi par son père. Elle se coupe l’oreille pour signifier qu’elle se donne à Dieu. Pour se venger de l’humiliation publique le père viole Escarmonde la veille de son enfermement dans un réduit de quelques mètres carrés attenant à une chapelle,avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux . Un enfant nait de ce viol incestueux, Elzéar. Recluse entre morts et vivants, mettant au monde un enfant, issu du père et qui porte sur ses mains des stigmates, Escarmaonde est l’objet d’une vénération obscurantiste de la part de la population qui se confessant à elle, lui demandant conseil la dote d’un pouvoir quasiment extravagant.
Du roman de Carole Martinez publié aux éditions Gallimard et ayant obtenu le prix Goncourt des lycéens en 2011 l’adaptation de José Pliya ne retient que l’essentiel : la relation trouble et ambiguë d’une fille et son père. Si Escarmonde refuse le mari choisi c’est pour épouser la figure absolue du Père. Sa foi et ses pouvoirs magiques ne tiendront qu’autant qu’elle ne sera pas séparée du fruit de l’inceste.
La mise en scène d’une grande sobriété est tirée au cordeau comme d’habitude. Assise sur un petit tabouret, le dos au mur Escarmonde est déjà là face à la salle, absente, dans un ailleurs impénétrable quand les spectateurs entrent et s’assoient à deux ou trois mètres tout au plus d’elle. Les lumières sont à la hauteur de la situation d’entre-deux qui parcourt toute la pièce. Un micro incongru avec son pied articulé est à la gauche de la comédienne. Elle s’en servira pour moduler son dire. Est-ce pour signifier le présent du propos ? Est-ce pour sur-signifier quelque chose de phallique ? Ce serait quelque peu dérisoire. Le maniement de cet objet par la comédienne introduit une rupture dans l’illusion théâtrale construite par la mise en scène, une sorte de distanciation soudaine qui n’est au service d’aucun propos, d’aucune finalité si ce n’est celle, fort involontaire de desservir le rôle fort bien tenu au demeurant par Valentine Krasnochok.
Au delà d’un classicisme très assumé par José Pliya il demeure un manque à être dans ce travail réalisé concomitamment avec « Un dimanche au cachot » plus abouti et que l’on a eu le plaisir de voir en Martinique. Le réel intérêt que José Pliya porte au Moyen-äge ne s’enracine peut-être pas aux même sources que celui qu’il manifeste à l’œuvre de Patrick Chamoiseau.

Paris, le 12 mai 2015

R.S.

Du domaine des murmures
De Carole Martinez ; mise en scène de José Pilya ; avec Valentine Krasnochok.