— par Janine Bailly —
Lors des rencontres du Premio Europa per il Teatro à Rome, la communication de l’AICT (Association Internationale des Critiques de Théâtre) sous l’égide de la présidente Margareta Sörenson et de Jean-Pierre Han le vice-président, nous a informés de l’action accomplie afin que se développe, de par le monde, la critique théâtrale.
Depuis 1978, des stages sont organisés, sur des festivals (d’art dramatique, de marionnettes…), qui concernent des jeunes ayant déjà accès à la profession de critique, et qui n’ont pas encore atteint l’âge de trente cinq ans. Chaque stage s’adresse à deux groupes de huit à dix participants, l’un de langue anglaise, l’autre de langue française. Cependant, il arrive que soit pratiquée aussi la langue du pays accueillant, ainsi en Chine un groupe fut animé en mandarin, ce qui selon certains est une avancée positive, mais qui pour d’autres est un obstacle aux échanges. Selon les statistiques, 25% des stagiaires seulement sont de sexe masculin, ce qui semblerait refléter la situation de la critique aujourd’hui.
S’il s’agit d’abord d’analyser puis de commenter les spectacles, l’apprentissage se fait aussi au niveau de la langue et de l’écriture. Certains des stagiaires deviendront à leur tout formateurs, beaucoup resteront en contact, tissant ainsi une ”toile d’araignée” d’un pays à l’autre, et parfois d’un continent à l’autre.
À la demande de Jean-Pierre Han, les critiques présents à la table ronde ont accepté de rendre compte de leur expérience, de nous apporter leur témoignage en quelque sorte. Il apparaît que de tels stages, vécus dans un contexte international, permettent d’approcher les différentes façons de concevoir le théâtre, et que découvrir d’autres pratiques conduit à réviser ce que l’on pense de celles de son propre pays. On est alors enclin à regarder avec une plus grande acuité ce qui se passe chez soi ! Ces moments où l’on échange avec enthousiasme sur les spectacles vus, où l’on confronte ses idées à celles des autres, offrent l’occasion de voir comment peut se conduire un dialogue entre différentes nationalités. Et les longues discussions, parfois enflammées, sont des moments de pause et de réflexion qui, entre les spectacles que l’on pourra ensuite conseiller, rythment les journées chargées d’un festival.
D’autres diront que, de façon plus générale, participer à ces stages donne une possibilité de s’ouvrir au monde, que ce type d’échanges culturels contribue à lutter contre le repli sur soi et la fermeture des frontières, comme à contrebalancer ce que d’aucuns nomment la crise actuelle du théâtre et de la critique. Tous écriront ensuite dans des revues spécialisées ou dans la presse nationale. Il sera aussi loisible à certains, qui par ailleurs enseignent, de transmettre à leurs étudiants ce qu’ils auront appris : plus qu’à un enseignement dogmatique, c’est à une pratique tenant de la maïeutique que les participants sont initiés.
Peut-on dire pour conclure que la profession de critique a un réel avenir ? L’exemple du Nigéria est encourageant, où quatre cents candidats se sont présentés pour une sélection ne comptant pas plus de vingt élus ! Sans doute est-ce possible de croire en ce futur puisqu’il existe de ces passionnés qui parfois écrivent sans désir même d’être rémunérés, pour le seul amour du théâtre !
Janine Bailly, Paris, le 26 décembre 2017