— Par Valérie Simard —
Alors que se déroule ici la Semaine nationale de la santé mentale, la controverse s’envenime aux États-Unis autour de la publication prochaine de la cinquième mise à jour du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) surnommée la «bible des psychiatres». Rédigé par l’Association américaine de psychiatrie (APA), le DSM-5 sera dévoilé en grandes pompes le 18 mai lors d’un congrès annuel de l’association. L’objectif de ce guide est d’établir un langage commun en matière de maladies mentales.
Deux semaines avant la sortie du DSM-5, l’Institut national de la santé mentale (NIMH), le plus important institut de recherche en santé mentale dans le monde, a annoncé qu’il n’endossait plus le manuel. Dans une charge publiée sur le site Internet du NIMH, son directeur Thomas Insel déclare que l’Institut ne financera plus les projets de recherche qui reposent uniquement sur les critères DSM.
« La faiblesse est son manque de validité, observe Thomas Insel. Contrairement à nos définitions de la cardiopathie ischémique, le lymphome ou le SIDA, les diagnostics du DSM sont basés sur un consensus sur des grappes de symptômes cliniques, sans aucune mesure de laboratoire objective. Dans le reste de la médecine, cela équivaudrait à créer des systèmes de diagnostic basés sur la nature de la douleur à la poitrine ou la qualité de la fièvre. En effet, le diagnostic basé sur les symptômes, autrefois courant dans d’autres domaines de la médecine, a été largement remplacé dans le dernier demi-siècle alors que nous avons compris que les symptômes seuls indiquent rarement le meilleur choix de traitement. »
Pour remédier au problème, le NIHM propose un projet appelé le Research Domain Criteria (RDoC). Celui-ci transforme la façon d’établir des diagnostics en incorporant notamment la génétique, l’imagerie et la science cognitive pour jeter les bases d’un nouveau système de classification.
Le débat est complexe. Comme on ne connaît pas encore les causes de la maladie mentale et que celle-ci n’est pas identifiable au moyen de marqueur biologique, l’établissement du diagnostic n’est pas une chose simple. Ce que dénoncent surtout les opposants à ce DSM-5, dont le collectif français Stop-DSM, c’est la multiplication du nombre de maladie mentale qui, en 30 ans, est passé de 150 à 400. Des exemples des maladies qui feront leur apparition dans cette cinquième édition ? Le trouble de dérégulation dit d’humeur explosive qui touche les enfants ayant des colères fréquentes et la syllogomanie ou syndrome d’accumulation excessive qui consiste à une difficulté persistante à se départir d’objets.
« Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent », disait le docteur Claude Bernard dans la pièce de théâtre de Knock de Jules Romains. Près d’un siècle plus tard, le DSM lui donnera-t-il, à tort peut-être, raison ?
http://blogues.lapresse.ca/sante/2013/05/06/dsm-5-une-bible-controversee/