— Par Adrien Rouchaleou —
L’excision consiste à enlever à une fille une partie de son sexe. On lui coupe de manière plus ou moins importante le clitoris et les petites ou les grandes lèvres. C’est considéré comme une violence dans de nombreux pays car ses conséquences sont très graves. Dans le monde 6 filles sont excisées chaque minute, cela concerne tous les continents et une multitude de pays.
Deux chercheuses de l’Ined se sont penchées sur la réalité des mutilations génitales féminines. Si le phénomène semble en recul, des motifs d’inquiétude demeurent.
En 2016, elles auraient été au moins 200 millions. Dans une étude rendue publique hier, l’Institut national d’études démographiques (Ined) se penche sur la réalité des mutilations génitales féminines dans le monde. Les chercheuses Armelle Andro, de l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, et Marie Lesclingand, de l’université Côte-d’Azur, ont recensé toutes les données disponibles sur la question pour dresser un état de la situation.
L’Unicef a identifié 30 pays dans lesquels l’excision est pratiquée, avec toutefois une prévalence très variable : 30 en Afrique constituant une bande centrale traversant le continent d’ouest en est, auxquels s’ajoutent le Yémen, l’Irak et l’Indonésie. Mais les chercheuses relèvent que d’autres études récentes mentionnent l’existence de ces pratiques au sein de minorités dans d’autres pays du Proche et Moyen-Orient et d’Asie ; et surtout que l’on compte près de 500 000 femmes mutilées aux États-Unis et plus de 500 000 en Europe.
« Le facteur du risque de mutilation est le groupe ethnique d’origine car ces pratiques sont historiquement associées à des rites traditionnels marquant le passage à l’âge adulte, qui n’existent pas dans tous les groupes », notent les auteures. Mais, précisent-elles, « il n’existe pas de liens clairs entre mutilations génitales féminines et religion, même si les populations de la plupart des pays concernés par ces pratiques sont majoritairement de religion musulmane. Dans la plupart des pays concernés, les communautés de tradition chrétienne, juive ou animiste pratiquent aussi l’excision ». En outre, l’étude conclut que la prévalence des mutilations génitales féminines est inversement proportionnelle au niveau d’instruction, au niveau de vie et varie en fonction du lieu de résidence : une femme vivant en ville a moins de risque d’être mutilée, de même qu’une femme scolarisée est moins souvent excisée.
Heureusement, les auteures constatent un recul de ces pratiques : « Dans tous les pays où des informations sont disponibles à plusieurs dates, les pratiques apparaissent en diminution au fil des générations. » Un recul qui reste néanmoins variable selon les pays : la baisse du nombre d’excisions est beaucoup plus nette dans les pays où la prévalence est déjà la plus faible, comme en Côte d’Ivoire, au Kenya, Nigeria ou en République centrafricaine. Mais, même au Liberia, où 79 % des femmes sont excisées, elles ne sont « plus » qu’un tiers à l’être parmi les 15-19 ans, alors que trois quarts des femmes de 45 à 49 ans le sont.
Néanmoins, les chercheuses pointent deux raisons de s’inquiéter. Premièrement, des excisions pratiquées de plus en plus tôt : « La majorité des femmes ont été mutilées avant l’âge de 10 ans et dans les générations les plus jeunes, avant l’âge de 5 ans. » Ensuite, les auteures s’inquiètent de la médicalisation de la pratique, même si, dans la majorité des cas, ce sont toujours des exciseuses traditionnelles qui officient. « De plus en plus de filles ont été excisées par des professionnels de santé en milieu médical » au prétexte d’une politique de réduction des risques, que les auteures perçoivent plutôt comme un « dévoiement » des campagnes de sensibilisation qui « compromet l’éradication de l’excision ».
Avec cette étude, l’Ined veut faire de la question des mutilations génitales féminines « une question de santé publique et de droits humains à l’échelle mondiale ».
Adrien Rouchaleou dans L’Humanité.fr