— Par Bernard Kouchner —
« Un tweet au petit matin, un menton levé, une véhémence, toujours son air furieux, et puis on passe à autre chose. Quelques milliers de Kurdes supplémentaires vont mourir. Le Moyen Orient, à feu et à sang, va se compliquer plus encore. Ainsi fonctionne le monde de Mr Trump. En tourbillon. Donald Trump a trahi les valeureux Kurdes de Syrie qui luttaient en notre nom contre les barbares. Ne faisons pas les étonnés. Leur fragilité est aussi la nôtre.
Le président américain a choisi l’heure du laitier pour abandonner ses alliés et annoncer à l’Europe, surprise, qu’il donnait à ses troupes au sol en Syrie l’ordre de se retirer. La France, le Royaume uni et l’Allemagne qui luttaient contre l’Etat Islamique (Daech), se retrouveront bien seuls dans quelques semaines pour en terminer avec les extrémistes sur le territoire syrien.
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Daech n’est pas mort
Pour justifier le retrait de ses 2.000 hommes des forces spéciales, Donald Trump prétend que les partisans du djihad sont vaincus depuis la chute de leur dernier bastion de Hadjin. Il est seul de son avis. Daech n’est pas mort et se répand comme une maladie contagieuse. James Mattis, secrétaire à la Défense, pivot de la stabilité militaire américaine, a démissionné immédiatement. Cet homme d’honneur, général de Marines, est le 30e collaborateur de Donald Trump à fuir brutalement la Maison-Blanche.
Les Kurdes feront les frais, une fois de plus, des multiples dérobades et de l’absence de fermeté européenne
Donald Trump pense-t-il aux conséquences de ses actes? Il abandonne donc les Kurdes de Syrie, ses meilleurs alliés dans la lutte contre l’Etat Islamique, comme ils l’ont prouvé à Raqqa. Ce faisant, il laisse ainsi, demain, les armées turques attaquer le Rojava, ces trois régions syriennes voisines de la Turquie. Bien sûr, les Kurdes résisteront, mais ils ne peuvent pas gagner seuls. Les Kurdes, et ces femmes admirables qui ne reculèrent pas dans la bataille de Kobané, feront les frais, une fois de plus, des multiples dérobades et de l’absence de fermeté européenne.
Les Kurdes, le plus grand peuple sans État
Avec les Kurdes, il faut sans cesse mettre à jour les alliances et les défections. Ils sont près de 40 millions, le plus grand peuple sans État. Originaires de l’Asie caucasienne, ils ont été islamisés et, en majorité sunnites, pratiquent depuis une religion ouverte : l’islam n’intervient pas dans les affaires politiques et les femmes tendent à devenir les égales des hommes. La colonisation puis la fin de l’Empire ottoman ont scindé les Kurdes dans quatre pays : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Des luttes incessantes et peu coordonnées firent de ce peuple de montagne des guerriers redoutables. Seul un humaniste rêvait d’une union transfrontière, Abdul Rahman Ghassemlou, Kurde d’Iran. Il fut assassiné à Vienne en 1989…
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