Madame la Rectrice,
Mesdames, messieurs,
C’est un honneur pour moi de présenter M. Dominique Berthet, professeur des universités, à l’occasion de cette remise de distinction que sont les Palmes académiques. Cette circonstance est naturellement la bienvenue pour récompenser la dynamique de la vie professionnelle de Dominique Berthet au sein du monde de l’enseignement.
Le parcours de mon filleul me paraît exemplaire, en ce sens qu’il relie enseignement et création. Disons le d’emblée : plus que le déroulement d’une carrière, la considération que nous portons à Dominique Berthet représente pour nous celle de la participation d’un homme à l’épanouissement de l’art, c’est-à-dire à ce qui nous manque le plus. Ceci n’est pas une utopie. En vérité, l’art est un produit de haute nécessité dont notre société ne saurait se passer. La relation de l’homme à l’art affirme une exigence capitale : celle de son maintien dans la condition humaine. Cernés que nous sommes par les élans de la barbarie et du consumérisme, la promotion de l’art nous est vitale. La valorisation de notre relation à l’art, c’est très modestement, et néanmoins avec beaucoup d’énergie, ce que à quoi Dominique Berthet participe.
Ces brèves considérations introductives, vous le voyez, nous portent naturellement à exprimer à notre tour une philosophie de l’art. Il se trouve qu’une vision esthétique c’est contagieux, et cela s’inscrit pleinement dans le cheminement sensible et intellectuel de Dominique Berthet.
Mesdames, messieurs, il me faut maintenant, comme il se doit pour une pareille occasion, vous faire part de son trajet. Après ses études secondaires Dominique Berthet s’oriente vers des études supérieures en Arts plastiques, tant à l’Ecole des Beaux Arts qu’à l’université de Paris-I. Il obtient licence, maîtrise, Diplôme d’Etudes Approfondies, et, bien sûr, il persévère jusqu’au doctorat. Mais comment faire simple quand les choses sont complexes, dans ce monde complexe, comme aurait pu le dire Edgar Morin ? Happé par cette complexité qui force l’esprit à se mettre en mouvement, Dominique Berthet a soutenu successivement deux thèses de doctorat : l’une en Esthétique et Sciences de l’art, et l’autre en philosophie. À ces travaux de recherche, somme toute complémentaires, viendra plus tard s’ajouter son Habilitation à Diriger des Recherches lui permettant de former à son tour des travailleurs de l’art à ce haut niveau d’excellence.
L’obtention de ces diplômes ont participés à faire de lui l’universitaire timide et farouche à la fois que vous connaissez exerçant à l’Université des Antilles. Je ne saurais prendre le risque, ici, en public, de m’étendre sur sa timidité. Pudeur oblige. Mais nous pouvons apprécier ensemble le mot pudeur, dont Le Robert, non pas la commune martiniquaise, mais dictionnaire du même nom, dit qu’elle est une « Gêne qu’éprouve une personne délicate devant ce que sa dignité semble lui interdire ». Je veux exprimer par ce détour, avec une infinie précaution liée à la pudeur que j’ai dite, le fait que Dominique Berthet est aussi artiste-peintre. Oui, les timides, c’est bien connu, ont tous leur période rouge : politiquement et esthétiquement.
Je voudrais maintenant mettre l’accent sur son côté farouche. Oui, qu’il me soit ici permis de faire l’éloge de sa « farouchité ». C’est que Dominique Berthet a entrepris des démarches colossales dans la durée. Je veux parler notamment de la création de la revue Recherche en esthétique et du groupe de recherche qui lui est lié (le CEREAP), des publications régulières, diverses et ouvertes à la rencontre, aux débats, à la diffusion, des idées certes, mais plus encore des matériaux, des œuvres, des hommes et des femmes qui la font. Car Dominique Berthet n’est pas seul. Il va dans la vie avec sa troupe d’artistes et de penseurs d’art, un archipel d’amis avec lequel il met constamment en scène un véritable théâtre de la création. S’il est un théoricien de la rencontre, il en est aussi un praticien fervent comme son ancêtre spirituel André Breton ou encore le peintre américain DeWitt Peters qui a créé le Centre d’Art en Haïti, en 1944. Nous grandissons avec de tels bonhommes de l’art.
À la Martinique, au sein de notre université, Dominique Berthet travaille essentiellement, depuis de nombreuses années, dans un cadre très particulier, celui de l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education (l’ESPE). C’est dire qu’il est, en parallèle avec ses activités de recherche et de critique d’art, fortement engagé dans la formation des enseignants en arts plastiques.
Mesdames, messieurs, je ne saurais terminer ce portrait en pied de Dominique Berthet sans vous dire que sa personne suit à la lettre mon aphorisme préféré d’Édouard Glissant, lequel est : « Enseigne : c’est-à-dire apprends avec ». Car c’est bel et bien ce qu’à toujours illustré Dominique Berthet.
Il nous semble certain — et c’est un nous très pluriel que je prononce là — que Dominique Berthet nous honore tous par la distinction qu’il reçoit aujourd’hui.
Merci pour lui,
et merci à tous.
Manuel NORVAT