La question soulevée par le journal « Libération » sur la diversité des profils au sein de sa rédaction met en lumière l’homogénéité de toute la profession, estime la chercheuse Marion Dalibert.
LIl n’existe, à ce jour, qu’une seule étude statistique sur la diversité ethnique et sociale des journalistes. Menée en 2009 par la commission « Médias et diversités » mise sur pied par le ministère de la culture, elle rencontra d’ailleurs un relatif échec : sur 117 entreprises de presse contactées, seules 40 avaient répondu aux questions. Le taux de réponse le plus faible est venu de la presse écrite (20 %), bien loin derrière la télévision (42 %) et la radio (78 %), plus actives sur le sujet depuis le début des années 2000.
Lire aussi, en 2010 : Les médias ne sont toujours pas le reflet de la société française
La quasi-absence de débat public concernant la diversité des profils dans les rédactions de presse écrite rend la démarche de Libération, le 3 juillet, tout à fait inédite. Un journaliste y a raconté, dans un article intitulé « La rédaction de “Libé” est-elle “blanche” ? », les discussions internes au journal sur le recrutement de journalistes issus des « minorités visibles », en réaction notamment à une photo de l’équipe publiée en 2015.
Si l’initiative est nouvelle, le sujet est depuis plusieurs années couvert par les chercheurs : Marion Dalibert, maître de conférences à l’université de Lille, spécialisée dans les médias et l’accès à l’espace public des minorités et des mouvements sociaux, s’y est notamment intéressée.
L’homogénéité des profils ethniques et sociaux dans la profession journalistique est-elle, aujourd’hui, avérée ?
Les différents travaux menés en sociologie du journalisme mettent en avant que, depuis les années 1980, la profession a changé. Elle s’est notamment rajeunie et féminisée et les titulaires de la carte de presse sont aujourd’hui beaucoup plus diplômés qu’auparavant.
En revanche, comme les statistiques ethnoraciales ne sont pas autorisées en France, on ne dispose pas de données permettant de mesurer précisément l’homogénéité ou non des rédactions selon ce critère, même si on peut faire l’hypothèse que celles-ci sont majoritairement « blanches » vu que les rapports de classe s’articulent à la dimension ethnoraciale.
Les questions de l’accès au métier et de la formation sont régulièrement citées comme les raisons majeures de ce manque de diversité. Est-ce bien là que se situe le problème ?
Effectivement, les rédactions prestigieuses embauchent avant tout des journalistes qui sortent des grandes écoles dont l’accès par concours est significatif d’inégalités sociales…
Lire la Suite & Plus => LeMonde.fr