— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Le président Emmanuel Macron a récemment déclaré dissoudre l’Assemblée nationale, un mouvement audacieux qui a fait l’objet de nombreuses spéculations et analyses politiques. En apparence, cette décision pourrait ressembler à une stratégie de « poker menteur », un jeu où le bluff et la manipulation des perceptions jouent un rôle crucial.Le poker menteur est un Jeu basé sur le bluff, pouvant réunir plusieurs joueurs. Mais au sens politique c’est une action ou manœuvre visant à tromper quelqu’un. Le bluff est une technique qui, lors d’une partie de poker, consiste à simuler un jeu différent de celui réellement détenu. Il peut s’agir d’un coup de bluff ponctuel, on dit alors « psychologique », ou d’une stratégie sur le long terme visant à user ses adversaires en brouillant systématiquement les pistes. Nous sommes bien dans ce deuxième cas de figure avec la dissolution de l’Assemblée nationale décidé par le président Emmanuel Macron. Dans les faits, d’après le magazine Times la victoire potentielle du Rassemblement national aux législatives prochaines placerait le parti nationaliste en position de placer un premier ministre à Matignon. Une hypothèse qui pourrait pourtant participer de la stratégie d’Emmanuel Macron visant à décrédibiliser le parti nationaliste. «Certains commentateurs pensent que Marine le Pen est déjà bien dans la nasse et disent que Macron pourrait parier que si le rassemblement national remporte les élections et se retrouve à diriger le pays en temps de crise, sa popularité chutera avant 2027, lorsque la France choisira son nouveau président. Dans ce contexte, la dissolution de l’Assemblée nationale pourrait bien être une manœuvre visant à déstabiliser le paysage politique français, avec des implications potentiellement profondes pour Marine le Pen lors des prochaines élections législatives et présidentielles . Le Bluff en Politique du président Emmanuel Macron : Stratégie de génie ou Prise de Risque ?
Le poker menteur est un jeu où les joueurs tentent de tromper leurs adversaires en simulant une main plus forte qu’elle ne l’est réellement. En politique, le bluff prend la forme de stratégies calculées visant à induire en erreur les opposants ou l’opinion publique. La dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron pourrait être perçue comme un tel coup de bluff, une tentative de réorganiser le terrain politique à son avantage notamment dans une perspective de cohabitation avec le rassemblement national.
Dans ce scénario, une victoire potentielle du Rassemblement National (RN) aux législatives suivantes pourrait paradoxalement servir la stratégie de Macron. En mettant le RN en position de gouverner en période de crise, le président pourrait espérer que leurs performances insuffisantes et les défis insurmontables nuiront à leur popularité. Cette hypothèse repose sur l’idée que la gestion du pays en temps de crise est une tâche difficile qui pourrait rapidement éroder la crédibilité et l’attrait du RN avant les élections présidentielles de 2027. A noter que déjà la première épreuve qui attend le rassemblement national est l’élaboration de la loi de finances pour le budget 2025 dans un contexte de crise des finances publiques. Un véritable casse-tête pour la future majorité en charge du vote du budget. Toutefois, cette stratégie n’est pas sans risques pour Emmanuel Macron. La dissolution de l’Assemblée nationale est une mesure extrême qui pourrait entraîner des conséquences imprévues. Si le RN parvient à gérer efficacement les crises et à répondre aux attentes des électeurs, cela pourrait solidifier leur position et augmenter leur popularité. De plus, cette action pourrait être perçue comme une tentative de Macron pour consolider son pouvoir, ce qui pourrait aliéner davantage les électeurs centristes et modérés de droite.
La perspective de voir un parti nationaliste prendre les rênes du gouvernement est également préoccupante pour beaucoup. Le RN, avec ses positions souvent controversées sur l’immigration, la souveraineté nationale, et l’Union européenne, pourrait apporter des changements significatifs et potentiellement polarisants à la politique française. Cette situation pourrait exacerber les tensions sociales et politiques dans un pays déjà marqué par des divisions profondes. Avec la dissolution de l’Assemblée nationale et la possibilité que le Rassemblement National (RN) de Marine Le Pen remporte la majorité absolue lors des prochaines élections législatives, plusieurs défis économiques, sociaux et financiers attendent le parti. Voici un aperçu des principaux problèmes auxquels ils seront confrontés selon nous pour gérer la France :
– La France, comme beaucoup de pays européens, connaît une croissance économique stagnante et un commerce extérieur largement déficitaire. Le RN devra trouver des moyens pour stimuler l’économie, ce qui pourrait inclure des réformes fiscales, des investissements dans les infrastructures, et des mesures de protectionnisme pour encourager l’innovation et l’entrepreneuriat orienté vers le made in France.
-Le taux de chômage en France reste élevé, surtout parmi les jeunes et les populations défavorisées de l’outre-mer. Le RN devra mettre en œuvre des politiques efficaces pour créer des emplois et réduire le chômage, ce qui pourrait inclure des incitations fiscales pour les entreprises, des programmes de formation professionnelle, et des investissements dans les secteurs à forte croissance.
– La hausse des prix, notamment des denrées alimentaires et de l’énergie, est une préoccupation majeure pour les consommateurs français. Le RN devra gérer l’inflation tout en évitant de freiner la croissance économique.
-La France a un déficit budgétaire important et une dette publique élevée. Le RN devra trouver un équilibre entre la réduction du déficit, la diminution de la dette et le financement des programmes sociaux et économiques. Cela pourrait nécessiter des mesures d’austérité, des réformes fiscales, ou une révision à la baisse des priorités budgétaires.
-Le RN a promis de réduire certains impôts et la TVA, ce qui pourrait entraîner une baisse des recettes publiques. Ils devront trouver des moyens financiers de compenser cette perte de revenus pour éviter d’aggraver le déficit.
– La gestion efficace des finances publiques sera cruciale pour maintenir la confiance des marchés et des investisseurs. Toute perception d’instabilité financière pourrait entraîner une hausse des coûts d’emprunt pour la France. Toute augmentation de la dette et de la charge de la dette sera sanctionnée par les agences de notations et cela risquerait de tourner à la crise politique.
– Le RN a des positions fortes sur la réduction de l’immigration, ce qui pourrait avoir des implications sociales et économiques. Des politiques plus restrictives pourraient affecter les relations internationales de la France et la disponibilité de main-d’œuvre dans certains secteurs, d’où un effet de levé de bouclier.
-La France est confrontée à des inégalités sociales croissantes. Le RN devra s’attaquer à ces inégalités à travers des politiques de redistribution, des programmes de soutien social, et des mesures pour améliorer l’accès à l’éducation et à la santé. Mais cela aura forcément un coût financier impossible à financer dans l’immédiat sans une certaine politique de rigueur indispensable au préalable.
-Les mesures économiques et sociales impopulaires pourraient entraîner des protestations et des conflits sociaux. Le RN devra gérer ces tensions pour maintenir la stabilité sociale, mais cela au risque de l’effritement de son électorat populaire.
En somme si l’on tient compte de toutes ces problématiques la prise de pouvoir potentielle du RN en période de crise économique et financière pose des défis majeurs. Le parti devra naviguer avec de nombreux écueils pour répondre aux attentes des électeurs tout en gérant efficacement les problèmes économiques, financiers et sociaux de la France. Les décisions prises par le RN auront des implications significatives pour l’instauration quasiment obligatoire d’une politique d’austérité pour redresser la France, alors autant dire qu’il s’agit là d’une mission impossible à relever selon moi. Et c’est l’avenir du pays France et son rôle sur la scène internationale qui sont désormais en jeu dans un environnement compliqué sur tous les plans.
Quoiqu’il en soit, nous considérons que c’est aussi une stratégie à double tranchant pour Emmanuel Macron, car le pari est doublement risqué. D’une part, il joue sur l’incapacité supposée du RN à gérer efficacement le pays, espérant que cela décrédibilisera le parti nationaliste. D’autre part, il doit compter sur la résilience et la loyauté de ses propres partisans pour traverser cette période d’incertitude. En dissolvant l’Assemblée nationale, Macron pourrait réussir à reconfigurer le paysage politique à son avantage, mais il pourrait tout aussi bien se trouver face à un retournement de situation imprévu. Considérant les rapports de force politique actuels, la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron pourrait bien être un coup de poker politique visant à affaiblir ses adversaires et à se repositionner pour une reconversion à l’international après 2027. Cependant, comme dans toute partie de poker, le bluff comporte des risques, et les conséquences de cette manœuvre pourraient être imprévisibles et potentiellement dommageables pour la stabilité politique de la France. Les prochains mois seront cruciaux pour observer comment cette stratégie se déroulera et quelles seront à moyen long terme les répercussions pour le paysage politique français, ainsi que les conséquences sur la capacité de l’économie française à résister aux futurs chocs de la crise de la dette.
A pa makak ou ké aprann monté piébwa.
Traduction : Ce n’est pas au singe que tu apprends à grimper aux arbres.
Moralité : Ce n’est pas à quelqu’un d’expérimenté qu’on en apprend sur son domaine.
Jean-Marie Nol, économiste