L’émouvant rappeur d’Évry, ex-Disiz la Peste, étrille les préjugés dans son CD, Transe-lucide. Après le Bataclan, il sèmera ses rimes au festival Chorus.
N’en déplaise à ceux qui stigmatisent le hip-hop et son plus riche vivier – les quartiers défavorisés –, Disiz n’entre dans nul cliché. Son huitième album, Transe-lucide, tord le cou aux préjugés avec jubilation. Disiz a du style et du discernement. Au gré des turbulences, il a acquis une belle maturité. On se souvient le temps où, en direct à la télé, il avait été lourdement persiflé par Éric Zemmour, expert en sophisme et ami démasqué de la réac Radio Courtoisie (comme celle-ci s’en est vantée à l’antenne). « J’étais inexpérimenté, explique le MC d’Évry, mais j’en ai tiré une leçon : apprendre, toujours apprendre. »
Après dix ans de métier, il a pris de la distance, pour passer son bac. A étudié le droit, lu des philosophes. Difficile de trouver sa voie quand on s’appelle Serigne M’Baye Gueye et que l’on a connu la discrimination dès l’enfance. Au CP, une fillette lui avait jeté au visage : « Sale Noir, rentre dans ton pays ! » La grande force de Serigne, alias Disiz la Peste ou Disiz Peter Funk, c’est son obstination à tirer profit de toutes ses expériences, négatives ou positives. « Quand la télévision est tombée en panne, ma mère n’a pu la remplacer, j’ai combattu l’ennui en me plongeant dans les livres que j’avais reçus en cadeau et que je n’avais jamais ouverts. J’ai découvert les vertus de la lecture. Ça a concouru à construire l’adolescent que j’étais et qui se passionnait pour le rap. »
Que de chemin parcouru depuis son titre J’pète les plombs (2000), vendu à plus d’un demi-million d’exemplaires, alors que Disiz avait à peine vingt ans. S’il a perdu l’argent de ce premier tube en des projets généreux, mais hasardeux, il n’a cependant pas abandonné ses rêves, ni ses révoltes. Transe-lucide en témoigne allègrement. Ironie mordante ou tendre confidence, Disiz met les points sur les i, sans se poser en donneur de leçons. Pour autant, il ne s’interdit pas le plaisir de l’egotrip, cher aux rappeurs.
Le morceau MC Kissinger invite Sarkozy, via le sample de sa scandaleuse déclaration sur « l’homme africain (qui) n’est pas assez entré dans l’histoire ». Disiz précise : « J’ai placé cet album sous le signe de la résistance. Ne pas céder aux codes, ni aux modes. Résister contre la honte, la peur que l’ordre dominant a distillées en nous. » Après son récent concert au Bataclan, qui, plusieurs jours auparavant, affichait complet, le voici reparti en tournée. Un succès mérité pour ce cœur en colère, pétri de sensibilité, qui ne cesse de célébrer l’amour et la paix.
En tournée, dont le 27 mars, à Lille (Aéronef) ; le 4 avril, au festival Chorus (parvis de la Défense) ; le 5 avril, à Massy (Paul-B) ; www.disiz.fr.
CD Transe-lucide (Def Jam-Universal).
Fara C.
http://www.humanite.fr/culture/disiz-de-la-lucidite-la-transe-561474
Lire son interview sur RFI
http://www.rfimusique.com/actu-musique/rap/album/20140319-disiz-transe-lucide