— Par Nicolas Dutent —
Après le football, les faits divers et le sexe, c’est au tour du divin d’occuper subtilement les pages de Citrus, revue thématique interdisciplinaire de la jeune et innovante maison d’édition L’Agrume.
« Est-ce que Dieu existe ? » La réponse de Siri – l’assistant vocal intégré au iPhone – est invariable : « Bonne question. » Si la formulation change pour « Dieu existe-t-il ? », on obtient en revanche : « Pour moi, les religions sont un grand mystère. » C’est de cet embarras anecdotique et millénaire dont s’amuse Chloé Pathé, rédactrice en chef de Citrus, dans l’éditorial du quatrième numéro de la revue graphique, réussite qui mêle harmonieusement textes et dessins, signatures expertes et talents émergents, raffinement et rigueur. « Que Dieu soit une réponse ou une question, la réflexion se nourrit d’abstractions qui relèvent d’une poétique des sentiments. L’évidence qui se dégage, c’est que le sublime est un sublime mystère », confirme Arnaud Gaillard dans l’article « CE qui nous rassemble », illustré par Yasmine Gateau. Parti à la rencontre de jeunes athées, l’auteur retrouve dans la bouche de Némésis ces sentiments contrastés : « D’un côté, Némésis dénonce un Dieu social-traître laissant se propager des violences, des tortures et tout un cortège d’injustices. De l’autre, Némésis se rappelle les cours de catéchisme pendant lesquels on lui enseignait la solidarité. » La frontière est nette entre la foi vécue sur le plan strict de la conscience, où « se nicherait humblement le murmure de l’idée de Dieu », et la menace du péril sitôt « que Dieu devient un usage (notamment politique) ».
Partout et nulle part, présence et absence
Illustre inconnu pour les uns, intime pour les autres, Dieu est alternativement partout et nulle part, tout et rien, présence et absence. C’est l’expérience de cette aporie que font Vincent Lemire et Bruno Mangyoku dans la disputée Jérusalem où les cimetières mordent sur l’espace vital des vivants, au prix d’une folle spéculation immobilière. « Si tant de morts vivent à Jérusalem, c’est parce que la turbulente fratrie de la grande famille “monothéiste” s’accorde au moins sur un point : la fin des temps aura lieu là. (…) Quitte à être mort, mieux vaut se tenir aux premières loges », écrit Lemire. Il y a autant de fidèles que de manières de croire. Ian Borthwick et Adrià Fruitós nous rappellent que Michael Jones, figure des All Blacks, ne transigea pas avec les dimanches et sa passion religieuse. « Que ce soit une demi-finale ou une finale, je ne suis pas prêt à compromettre mes croyances pour un match », illustre le colosse, qui conjugue sur un point au moins la Bible et l’art du plaquage, préférant « donner que recevoir »…
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CITRUS, « DIEU ». L’AGRUME ÉDITIONS, 224 pages, 19 euros.