La sécheresse a des conséquences sur l’usage de l’eau, alors que les réseaux d’adduction en eau potable souffrent déjà de fuites multiples.
Il faut s’attendre aux Antilles à des sécheresses plus marquées, plus longues et plus intenses y compris en saison humide, avec une diminution des précipitations de 10 à 15 % en moyenne «toute l’année» d’ici à 2080, prévoit un rapport.
L’agriculture est la première victime du stress hydrique induit par l’absence de pluie, souligne cette étude intitulée «Changement climatique et Conséquences sur les Antilles Françaises» (C3AF), alors que la COP26 à Glasgow tente de trouver un accord pour réduire le réchauffement climatique de 2,7% prévu d’ici 2100. Le rapport, restitué mi-octobre, a pris comme cadre d’analyse «l’hypothèse d’un scénario d’émissions de gaz à effets de serre pessimiste», précise Christophe Valère Montout, responsable de l’unité de climatologie chez Météo-France en Guadeloupe.
Ses équipes et ses partenaires ont modélisé, pour cette étude, la pluviométrie locale. «Le résultat, c’est une diminution drastique de la quantité de pluie qui tombe annuellement», explique-t-il à l’AFP. «Ce sont les ondes tropicales qui apportent la pluie aux Antilles. Or, les transformations du climat modifient les trajets de ces ondes, mais également des cyclones» vers le nord des Antilles. «Et au Sud d’un cyclone, il fait toujours plus chaud», note encore Christophe Valère Montout.
Manque d’eau
Et puis, en période sèche, les températures se rafraîchissent: «moins d’évaporation et des alizés plus véloces» ralentissent encore la pluviométrie. La conséquence, c’est la sécheresse qui a des conséquences sur l’usage de l’eau, alors que le réseau d’adduction en eau potable de Guadeloupe souffre déjà de fuites multiples. Au point d’avoir dû soumettre, en mai et juin 2021, les 52.000 ha de surface agricole utile guadeloupéenne à des tours d’eau, pour alimenter les robinets des usagers.
Depuis plusieurs années les sécheresses se multiplient : «2010, 2013, 2014, 2015, 2018, 2019 et 2020», selon un arrêté préfectoral réglementant les possibilités de restrictions de l’usage de l’eau afin de préserver la ressource en cas de sécheresse: impossible dès lors de nettoyer sa voiture, de vider la piscine ou d’arroser sans se préoccuper de la ressource.
«Sur les 10 dernières années, il y a eu deux calamités sécheresse (qui répondent à des critères très précis, ndlr), en 2015 et en 2020», selon la direction de l’alimentation, l’agriculture et de la Forêt. Les indemnisations versées en 2015, étaient de près d’un million d’euros pour 162 bénéficiaires et de quelque 1,1 million euros pour 213 bénéficiaires en 2020, selon cette source.
Car l’agriculture est la première victime du stress hydrique induit par l’absence de pluie. «Nous avons pris les projections effrayantes du projet C3AF de sécheresses plus marquées, plus longues et plus intenses y compris en saison humide, pour les transformer en risques agricoles», explique Jean-Marc Blazy, responsable d’un projet de micro-ferme à l’Inrae.
«Adapter l’agriculture locale»
Pour lui, «il nous faut adapter l’agriculture locale». Par exemple, détaille-t-il, planter des espèces de milieux secs, comme le sorgho pour l’alimentation animale. Ou fouiller l’agrodiversité existante, tester des graines non hybrides qui «auraient eu le temps de s’adapter». «Nous tentons différentes techniques de cultures aussi comme l’enrichissement organique du sol, l’agriculture multistrates», c’est-à-dire planter des espèces à la profondeur diverse d’enracinement sur la même parcelle. «Ou encore le paillage à partir de bagasse (résidus de canne à sucre, ndlr) pure qui crée un substrat très intéressant pour maintenir l’eau captive dans le sol», détaille le scientifique.
Nous avons choisi de rester autonomes en eau sur la micro-ferme et ne pas dépendre de l’irrigation agricole», rappelle Jean-Marc Blazy. Une autonomie plutôt rare en Guadeloupe, le reste dépendant des stockages d’eau, notamment ceux des barrages, dont un nouveau doit être livré en février prochain. D’une capacité de 950.000 m3, il permettrait de stocker l’eau brute, lorsque la ressource est suffisante et de restituer l’eau quand elle manque de janvier à juin.
Reste la réserve souterraine, estimée à plus de 80 millions de mètres cubes. Mais, soulignent les scientifiques, à force de pomper dans les nappes phréatiques pour pallier les fuites et les sécheresses, leur salinité augmente, fragilisant fortement son potentiel exploitable pour l’agriculture.
Source : AFP / Le Figaro