— Par Roland Sabra —
C omme souvent Michèle Césaire ouvre la saison théâtrale avec une pièce flamboyante Cette année elle nous offre un en hommage aux loosers du rêve a méricain et à tous ceux qui des aurores de l’expansion à la longue nuit des chômeurs ont trainé leurs guêtres et leur misère sur les bancs de toutes les galères du monde. C’est en 1937, au cours de ce qui est resté la plus grande crise du capitalisme que John Steinbeck publie Des souris et des Hommes. Ce sont avec les raisins de la colère les œuvres les plus connues de l’écrivain, prix Nobel de Littérature en 1962. L’histoire ressemble à celle de Moosbrugger dans « L’homme sans qualité » de Robert Musil paru en 1930, dont elle s’inspire mais en l’étoffant davantage. Le titre quant à lui est emprunté à un poème de Robert Burns « Les plans les mieux conçus des souris et des hommes souvent ne se réalisent pas ». Le succès du roman est immédiat et vient consolider le statut d’écrivain que Steinbeck avait conquis deux ans auparavant avec Tortillat Flat.
« Des Souris et des homme »s est construit comme une tragédie selon la règle des trois unités. Unité de lieu, unité de temps et unité d’action.
Le tragique se manifeste dans l’impossibilité des personnages d’accomplir leurs rêves ou dans la solitude qui les déchire, sans lien d’amitié aucun, sans autre perspective de gagner les quelques dizaines de dollars qu’ils s’empresseront de dépenser le Week End dans un bar ou pour les plus fortunés dans un bordel.. George et Lennie, deux copains qui errent sur les routes, de ferme en ferme partagent ce même rêve : posséder un jour une petite exploitation pour y vivre comme des rentiers, y élever des lapins. Lennie est un idiot au sens classique du terme, doué d’un force phénoménale qu’il ne maitrise pas, il ne peut résister au plaisir de caresser les choses douces et… de les briser. Alors quand la femme du patron lui proposera de toucher ses cheveux… ce qui devait arriver arrivera. Ne restera alors à George qu’une issue pour éviter le lynchage de son copain.
La mise en scène proposée date de 2002-2003, elle connait depuis un succès immense que confirme l’ensemble de la critique pour une fois unanime a souligner la qualité de la prestation des comédiens et la sobriété du metteur en scène. Pourtant… Pourtant il faut bien reconnaître qu’il s’agit là d’un bon gros théâtre qui ne fait pas dans la dentelle, ni dans la subtilité, mais qui se veut efficace. Le rôle de Lennie est à la limite de la caricature. Au lieu d’en faire un personnage tout juste un peu simplet le metteur en scène en fait un débile, secoué de rires spasmodiques qui renvoient plus à l’animalité qu’à une humanité un peu fragile. Aucune identification n’est possible. Le fou c’est vraiment l’autre, Lennie en l’occurrence. Le spectateur reste spectateur et n’est nullement convoqué sur la scène, il assiste à une histoire qui ne le concerne pas. Le rôle de George pour l’essentiel est dénué de tendresse envers Lennie. Il lui gueule dessus, plus qu’il ne le protège, et la scène finale illustre cet éloignement, puisque le coup de feu de la mise à mort de Lennie est fait à distance et non dans un rapport rapproché comme le suggère le roman. Dans le rôle de Candy un vieux comédien de 82 ans est plutôt bouleversant Une bonne soirée mais on pouvait espérer mieux.
Cela étant dit, on ne dira jamais assez combien le travail de Michèle Césaire dans son activité de programmatrice est important pour la Martinique. Elle fait découvrir au jeune public des textes classiques, mais pas seulement, et qui sont nécessaires à la formation du goût du théâtre.
R.S
10/10/2010