« Prétendre combattre l’extrême droite alors qu’en fait on lui trace un boulevard, c’est ouvrir davantage encore la boîte de Pandore », estime Michel Guilloux dans l’édito de l’Humanté de ce vendredi.
Ainsi le Conseil d’État saisi en urgence par Manuel Valls a-t-il désavoué ce jeudi soir le tribunal administratif de Nantes, trois heures à peine après la décision de ce dernier. Ainsi celui qui a depuis longtemps quitté les rives de l’humour et de la dérision pour se vautrer dans la fange de l’antisémitisme a vu interdire sa prestation et, de fait, l’ensemble d’une tournée. L’on découvre au passage ces jours-ci »l’évaporation » de sommes qui se comptent en centaines de milliers d’euros engrangées par l’ami des Le Pen et de fascistes revendiqués, pour ne pas dire plus. Le pourfendeur du «système» ne s’en tire pas si mal côté tiroir-caisse.
Mais le tribunal ligérien interrogeait, entre autres, la méthode employée, visant une prestation donnée sans autre souci «depuis plusieurs mois à Paris» renvoyant dans ses cordes un ministre de l’Intérieur dont la méthode contribue largement à promouvoir celui qu’il prétend combattre. Alors qu’il existe une loi, la loi Gayssot, qui a déjà fait preuve de son efficacité, y compris dans ce cas précis.
Le locataire de la place Beauvau se livre à un jeu dangereux, singeant les pratiques de Zébulon de Nicolas Sarkozy: suractivité saturant les médias, et roulements de muscles pour passer par-dessus les lois, voire ceux qui sont censés les appliquer. Aux adeptes du bras tendu, et peu importe dans quelle direction, il répond par la posture du lever de menton. Ah! Quel mâle comportement digne d’un Clemenceau, dont on sait qu’il le préfère à Jaurès mais dont on se demande désormais s’il s’agit de l’homme politique ou du porte-avions si efficace… L’homme appelle cela «prendre des risques», ce qui devrait selon lui être le «rôle» d’un responsable politique, confondant le courage et la gestion de la chose publique avec la négociation des virages sur une piste de ski ou la spéculation en Bourse.
Bel exploit en vérité que de transformer en victime celui qui fait son beurre sur l’insulte à la mémoire de six millions de morts, et de contribuer à élargir son auditoire aux franges de laissés-pour-compte exaspérés. Une nouvelle peste brune prospère partout en Europe sur le dos du brouillage des repères idéologiques, du libéralisme sauvage – pléonasme – et de leur corollaire, les reculs de la démocratie, sociale et politique. Prétendre combattre l’extrême droite alors qu’en fait on lui trace un boulevard, c’est ouvrir davantage encore la boîte de Pandore. On ne fera pas injure à l’intéressé de l’ignorer. C’est bien là l’insoutenable de ce duo improbable, « Manu et Dieudonné », figure en Janus du calcul cynique et du discours nauséeux.
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