La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) préconise notamment que les médecins aient une obligation claire de signaler leurs soupçons et que toutes les victimes aient accès à des soins spécialisés en psychotrauma.
« L’urgence » est de venir en aide aux 160.000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles, selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) qui appelle à changer en profondeur le fonctionnement d’institutions pour construire une « culture de la protection ».
Créée par le gouvernement, la Ciivise, dont les travaux commencés il y a un an continuent jusqu’en 2023, publie à mi-parcours ses « conclusions intermédiaires », avec vingt préconisations sur quatre axes : le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire des violences sexuelles, la réparation notamment par le soin et la prévention.
Médecin, enseignant, juge des enfants : tout professionnel en lien avec l’enfant devrait lui poser la question de l’existence de violences sexuelle, sans attendre que l’enfant en parle de lui-même. Et les signaler en cas de soupçon. Les médecins, particulièrement bien placés pour les détecter, ne sont à l’origine que de 5 % des signalements, relève le rapport.
Plaintes au conseil de l’ordre
La pédopsychiatre toulousaine Eugénie Izard a été condamnée en décembre 2020 par le conseil de l’ordre des médecins à une suspension d’activité après avoir signalé des maltraitances sur une enfant. La Ciivise recommande de « suspendre les poursuites disciplinaires à l’encontre des médecins protecteurs ». « La loi est imprécise. Signaler est laissé au libre arbitre du médecin. Mais les parents agresseurs portent plainte devant le conseil de l’ordre. Beaucoup de médecins redoublent de prudence et évitent de faire des signalements », a déclaré le Dr Izard.
Une fois les violences sexuelles repérées, « la justice doit se mettre à hauteur d’enfant », selon la Ciivise, qui recommande que les auditions des enfants suivent un protocole spécifique (NICHD) neutre et bienveillant, dans des dispositifs adaptés (Uaped ou salles Mélanie). Ces auditions, dont l’enregistrement est déjà obligatoire, devraient être systématiquement visionnées par tous les magistrats au cours de la procédure.
Réalistes et réalisables
Alors que 70 % des plaintes pour violences sexuelles infligées aux enfants sont classées sans suite, la Ciivise souhaite que ces décisions soient « expliquées verbalement à la victime » par le procureur de la République.
La société doit aussi garantir aux victimes des soins spécialisés en psychotrauma. S’ils sont reçus tôt, dans l’année qui suit le traumatisme, ils peuvent éviter l’installation ou l’aggravation d’un psychotraumatisme.
La Ciivise demande que la victime puisse faire appel de la décision pénale sur la culpabilité et la peine. Actuellement, en tant que partie civile, elle ne peut faire appel que sur les dommages et intérêts, pas sur la culpabilité. « Si le prévenu est relaxé ou condamné à une peine avec sursis, seul le procureur peut actuellement faire appel. La victime ne peut faire appel que sur le montant des indemnités », explique le juge Durand.
La Ciivise réitère deux préconisations déjà faites en octobre : la suspension de plein droit de l’autorité parentale et du droit de visite d’un parent poursuivi pour inceste sur son enfant, et son retrait systématique en cas de condamnation.
« Nos préconisations sont réalistes et réalisables, elles peuvent être mises en œuvre rapidement et améliorer la protection : aller chercher les enfants en danger, lutter contre l’impunité des agresseurs et soigner les victimes », estime le coprésident de la Ciivise.
En un an de travaux, la Ciivise a reçu 11.400 témoignages. Et 150 personnes ont témoigné lors de six réunions publiques organisées à travers la France.
Source : AFP / Charente Libre