Après le scandale du chlordécone et celui de l’épandage aérien de pesticides, des enquêtes ont mis au jour un autre problème persistant de pollution chimique liée à la banane : les produits post récoltes. La filière tente de se mettre aux normes…
On savait déjà que l’agriculture intensive de la banane était responsable de la contamination massive et durable au chlordécone, cet insecticide organochloré de première génération utilisé entre 1972 et 1993 pour lutter contre le charançon. Ses effets, annoncés pour durer plusieurs siècles, ont entraîné des investissements lourds pour le traitement de l’eau potable, des interdictions de cultures sur certaines terres agricoles, et l’arrêt de la pêche dans toutes les rivières et dans les baies fermées de la Martinique.
« Pollutions de forte intensité »
On savait également que l’épandage aérien des pesticides déployé sur les champs de banane posait de gros problèmes de dispersion des produits chimiques. La mobilisation en Martinique et en Guadeloupe a conduit le gouvernement à interdire ces pratiques en septembre 2014.
Cependant, un autre aspect de la pollution générée par cette activité est jusque-là resté plutôt méconnu du grand public : celui des produits post récoltes. Il s’agit de substances chimiques fongicides déversées sur les bananes avant leur exportation, au moment du lavement. Ils permettent aux fruits de supporter le transport et d’arriver intacts sur les étals de grandes surfaces européennes.
Trois de ces produits sont présents dans les rivières martiniquaises, souvent à des taux supérieurs aux normes autorisées. Deux d’entre eux (Imazalil et Thiabendazole) figurent même en 2ème et 3ème position dans le « tiercé » des « pollutions de forte intensité » mesurées dans les cours d’eau de 2007 à 2011.
Traitement des rejets
Pour tenter de réduire les risques pour la santé humaine et l’environnement, depuis 2011, les pouvoirs publics incitent les producteurs de banane à mieux traiter les eaux de rejet des exploitations. 28 entreprises se sont équipées d’un système baptisé Heliosec destiné à traiter les eaux usées des hangars où les bananes sont lavées et conditionnées pour l’exportation.
Les eaux sont récupérées, laissées au soleil où elles s’évaporent. Le concentré de fongicides est exporté vers la France pour être détruit par une filière spécialisée dans les produits dangereux.
Cette année, une trentaine d’exploitations martiniquaises supplémentaires devraient s’équiper.
Recherche des fuites
Déjà victime d’une mauvaise image auprès de l’opinion publique, la filière banane semble jouer le jeu, avec l’aide de l’argent public. Après les subventions des fonds européens et de l’Office de l’eau, seul un tiers de l’investissement reste à la charge de l’exploitant. Cependant, les premières évaluations ne sont pas totalement satisfaisantes.
D’après nos informations, dans certaines exploitations, malgré Heliosec, des taux importants de pesticides post récoltes sont encore retrouvés dans les cours d’eau. Les experts sont au travail pour identifier les fuites. En attendant, la monoculture de la banane n’a pas fini de nous polluer…
mai 2015/ L. M-H
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