— Par Roland Sabra —
Les rencontres théâtrales académiques ont eu lieu salle Frantz Fanon au CMAC les 02, 03 et 04 mai 2005.
Les élèves qui suivent dans leurs établissements des ateliers ou des options « théâtre », encadrés par des professeurs et des spécialistes qui les épaulent viennent confronter leurs travaux pendant quelques jours. L’ouverture de ces journées a débuté par une représentation de la Phèdre « signée » par Philippe Adrien. On pouvait mieux commencer. .. A remarquer cependant Mike Fédée dans le rôle d’Hippolyte. Encore lycéen, il était présent l’après-midi même dans différentes prestations dont un bon travail extrait de « Dames des noyés » de Nelson Rodrigués: belle occupation sensuelle de l’espace, trouvailles de jeux par les élèves, fous rires mal dissimulés, plaisir de jouer et public acquis par avance, étaient au rendez-vous. Un théâtre en-vie.
Ce n’est pas toujours le cas. Les prestations sont inégales tant du côté des apprentis comédiens que du côté de ceux, celles qui les encadrent. Les cultures théâtrales sont diverses, les investissements personnels de même. Cela va du théâtre de patronage, (« Les joyeuses commères de Winsor » où on voit clairement que les mamans ont été largement mises à contribution pour confectionner de beaux costumes, de belles robes, (et c’est là l’unique intérêt de la chose) à un vrai travail de réflexion sur ce qu’est un texte, sur la façon de le lire, de le dire, de le jouer(« Les femmes savantes »).
Certains professeurs ont le courage de se mettre eux-mêmes en danger, c’est à dire en scène, devant leurs élèves. Ils se font apprentis, découvreurs de textes, envahis par le doute, le tract, remettant cent fois l’ouvrage sur le métier, démentant l’adage qui veut que ce que l’on ne sait pas faire on l’enseigne. Des extraits de textes de Jean-Luc Lagarce, dramaturge contemporain disparu dans la fleur de l’âge, ont été lus/dits/joués par l’atelier des professeurs. Un travail économe en moyens, marqué par la sobriété, l’humilité, la retenue, l’effacement et le respect des textes. Le pari était d’autant plus audacieux que les dernières pièces de Jean-Luc Lagarce sont traversées par la problématique du retour au giron maternel pour y mourir. Problématique étrangère au monde adolescent qui ne rêve que d’échappées et qui se pense immortel. Parmi les contributions des intervenants extérieurs à l’éducation nationale, on notera les apports presque toujours originaux, souvent décalés, de Jandira Bauer. Son regard doublement extérieur – elle est d’origine brésilienne – est une source de questionnements, d’interrogations, d’étonnements, en un mot de richesse pour celles et ceux qui travaillent avec elle.
Ces rencontres qui devraient s’élargir l’an prochain à la Caraïbe témoignent qu’il existe en Martinique des militants de la cause théâtrale exigeants et peu enclins à se contenter de ce que l’on montre parfois au public sur les scènes locales.
Roland Sabra