— Par Laurent Marot —
L’Office national des forêts (ONF) est en voie d’achever un inventaire des dégâts environnementaux de l’orpaillage en Guyane. » Depuis 1990, selon une première évaluation, 200 kilomètres de criques ont été impactées, le sol étant bouleversé par des baranques – les fosses creusées pour chercher l’or – sur une surface de 7 000 à 10 000 hectares « , indique Michel Bordères, le directeur régional de l’ONF.
Les rejets de boues de l’orpaillage illégal dans les criques » asphyxient les poissons et les herbes, quand la pollution est chronique et dure longtemps « , précise-t-il. » Chez les orpailleurs légaux, il y a eu une évolution positive depuis dix ans, le fonctionnement des chantiers en circuit fermé – avec des bassins de décantation pour rejeter des eaux plus propres – a été adopté par presque tout le monde « , souligne M. Bordères.
Depuis le 1er janvier, le mercure – utilisé pour récupérer l’or, par amalgame – est interdit sur les sites aurifères. Selon la direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement (Drire), il ne serait plus utilisé par les orpailleurs légaux, mais il est toujours de mise sur les sites clandestins. Et, en face des villages contaminés, sur la rive surinamienne du fleuve, l’orpaillage clandestin se développe rapidement, hors de tout contrôle des autorités françaises, à quelques kilomètres d’un futur parc national.
54 % D’ENFANTS CONTAMINÉS
Sur le Haut-Maroni, la contamination au mercure s’est aggravée. Selon la cellule interrégionale d’epidémiologie Antilles-Guyane, 85 % des adultes et 54 % des enfants dépassent le seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 10 microgrammes de méthylmercure par gramme de cheveu.
En 1998, une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a montré qu’un quart des enfants du Haut-Maroni dépassant le seuil OMS présentaient des signes d’altération comportementale.
Dans la réserve des Nouragues, où deux employés ont été tués, le 18 mai, l’orpaillage clandestin sévit depuis 2001 et entrave la recherche. Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a fermé ses deux stations, au lendemain des meurtres, par mesure de sécurité. Les chercheurs sont revenus deux semaines plus tard. En 2004, déjà, le camp scientifique avait été pillé, entraînant un retard de près d’un an.
En aval, le camp d’éducation à l’environnement est déserté depuis le double meurtre. » L’une des conditions de notre retour est l’éradication de l’orpaillage clandestin « , prévient Alexis Domput, président de l’association Arataï, gestionnaire de la réserve. Depuis le début de l’année, la gendarmerie totalise pourtant seize opérations Anaconda dans les environs.
Laurent Marot, le Monde du 16 juin 2006