— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Emmanuel Macron est actuellement sous la menace d’une motion de censure de l’opposition contre son gouvernement dirigé par le premier ministre Gabriel Attal. Un sondage, révélé par l’Obs et confirmé par BFMTV, donne en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, pour la première fois, le Rassemblement national majoritaire à l’Assemblée nationale, bien devant la formation d’Emmanuel Macron. D’après cette enquête, le parti de Jordan Bardella obtiendrait entre 243 à 305 sièges, soit une moyenne de 278 députés, très proche de la majorité absolue de 289 sièges.Un séisme électoral en vue sous la Ve République. Alors qu’il est toujours resté en marge du pouvoir, le Rassemblement national pourrait entrevoir une potentielle cohabitation avec Emmanuel Macron. Si ce scrutin présente de sérieuses limites, les résultats offrent une nouvelle visibilité des rapports de force dans l’opinion.
La séance pourrait s’intituler « anatomie d’une chute ». Depuis le débat brûlant sur la dégradation des finances publiques, députés et sénateurs veulent comprendre pourquoi le déficit public s’est emballé l’an dernier. La révision à 5,5 % du déficit public (en partant d’une prévision à 4,9 %) s’explique notamment par une chute des recettes fiscales, par rapport aux prévisions du gouvernement. Une erreur de 20 milliards dans l’évaluation des recettes, et Bruno le Maire parle d’un accident. C’est déjà incompréhensible à comprendre mais alors pourquoi ne pas avoir pris des mesures correctives ? « Je rappelle juste que sans doute que nos prévisions n’ont pas été bonnes mais personne – personne – ne les a contestées lorsqu’elles ont été formulées », a affirmé pour sa défense Bruno Le Maire.
La vraie question qui se pose aujourd’hui est de savoir si Emmanuel Macron pourrait voir certains avantages à une cohabitation avec le Rassemblement National qui a le vent en poupe ? Tout d’abord, cela pourrait aider à réduire les tensions politiques en permettant une plus grande représentation des différentes opinions au sein du gouvernement. De plus, une cohabitation pourrait potentiellement favoriser un compromis sur les politiques publiques destiné à redresser les comptes publics en intégrant des idées et des perspectives différentes dans le processus décisionnel. Cependant, cela dépendrait également des priorités politiques du président et de la capacité du Rassemblement National à participer de manière constructive au processus de réforme.
Dans cette perspective, la dégradation des finances publiques a pû être volontaire et motivée par différentes stratégies politiques, chacune ayant ses propres objectifs et implications. Bref, quoiqu’il en soit, l’augmentation de la dette publique peut s’expliquer par plusieurs facteurs économiques et politiques, notamment des dépenses gouvernementales accrues, une croissance économique plus lente que prévu, des mesures de relance économique, des crises financières, et des événements imprévus comme la pandémie de COVID-19. Dans certains cas, une dégradation intentionnelle des finances publiques peut être utilisée comme un outil pour stimuler la croissance économique ou au contraire opérer une contraction de l’activité économique à des fins de stratégie politique. En injectant des fonds publics dans l’économie par le biais de dépenses publiques ou de réductions d’impôts, le gouvernement peut chercher à dynamiser l’activité économique et à créer des emplois, même au détriment d’un déficit budgétaire accru à court terme.
Au cœur des débats politiques et économiques en France réside la question du désarmement fiscal, une politique consistant en une baisse systématique des impôts, entraînant une perte conséquente de recettes pour l’État. Cette stratégie, mise en œuvre par le gouvernement dans un contexte de montée en flèche de la dette publique, suscite des interrogations quant à sa pertinence et à ses conséquences à long terme. Paradoxalement, une dégradation initiale des finances publiques peut parfois être le résultat d’une politique délibérée visant à réduire la dette à long terme. En concentrant les efforts sur la stimulation de la croissance économique et la création d’emplois, le gouvernement peut espérer augmenter les recettes fiscales à l’avenir, ce qui compenserait les déficits actuels et réduirait finalement la dette. Au cours des dernières années, le gouvernement a fait le choix délibéré de réduire les impôts, arguant que cela stimulerait la croissance économique, encouragerait l’investissement et favoriserait la création d’emplois. Cette approche, souvent qualifiée de « désarmement fiscal », a été mise en œuvre à travers diverses mesures, telles que la suppression de certains impôts sur le revenu, la réduction des charges sociales pour les entreprises et la mise en place de niches fiscales favorisant certains secteurs économiques.Cependant, cette politique de baisse généralisée des impôts a entraîné une diminution significative des recettes fiscales pour l’État, creusant ainsi le déficit budgétaire et contribuant à l’explosion de la dette publique. Selon les estimations, le désarmement fiscal a privé l’État français de pas moins de 54 milliards d’euros de recettes, aggravant ainsi une situation financière déjà précaire.Cette décision de privilégier le désarmement fiscal malgré les avertissements sur l’ampleur croissante de la dette publique soulève des questions sur la responsabilité économique et la gouvernance financière du gouvernement. Alors même que les besoins en matière de financement des services publics, de la sécurité sociale et des infrastructures étaient criants, le choix de réduire les impôts a été perçu par certains comme un abandon des responsabilités de l’État envers ses citoyens. En outre, le désarmement fiscal a exacerbé les inégalités sociales en favorisant principalement les contribuables les plus aisés, tandis que les services publics essentiels, tels que l’éducation, la santé et les transports, ont été soumis à des coupes budgétaires sévères. Cette situation a renforcé le sentiment d’injustice sociale et alimenté les tensions au sein de la société française. Face à ces critiques, le gouvernement défend sa politique de désarmement fiscal en mettant en avant les bénéfices supposés pour l’économie, tels que la stimulation de la croissance et la création d’emplois. Cependant, certains experts mettent en doute l’efficacité réelle de cette stratégie, soulignant que les avantages économiques à court terme pourraient être largement compensés par les coûts à long terme liés à l’accumulation de la dette publique. Quelque soit les arguments en présence,il s’avère que dans tous les cas, la dégradation des finances publiques soulève des questions importantes sur la gouvernance économique, la responsabilité fiscale et la viabilité à long terme des politiques gouvernementales
En conclusion, la politique de désarmement fiscal du gouvernement français soulève surtout des questions sur les enjeux d’une politique de radicalisation des oppositions et du mécontentement grandissant de l’électorat liés à des questions fondamentales de choix économiques et fiscaux bizarres qui pourtant déterminent l’avenir du pays. Alors que la dette publique continue de peser lourdement sur l’économie française, il semblerait que pour Emmanuel Macron, qui n’est plus éligible en 2027, cette stratégie de la cohabitation aurait l’avantage de repenser, à travers une politique de rigueur, les politiques fiscales et budgétaires pour garantir la viabilité financière à long terme de la France.
« La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec. »François Mitterrand
Jean-Marie Nol, économiste