« Mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions », 10 mai 2020
À Paris, pandémie oblige, les commémorations à l’occasion de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions ont été maintenues cette année mais ont lieu dans un format réduit. Le Premier ministre Édouard Philippe a ainsi présidé, en petit comité, une cérémonie au Jardin du Luxembourg, en présence des présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat, et de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME).
Une deuxième commémoration s’est déroulée place du général Catroux, en présence du maire de Paris, Anne Hidalgo. De son côté, la Fondation pour la mémoire de l’esclavage a dû innover en raison du coronavirus. Elle organise plusieurs évènements sur le numérique.
Le chef de l’État a dit pour sa part avoir « une pensée particulière pour ces milliers de familles qui se trouvent aujourd’hui séparées par les océans »… Il a conclu sur ces mots : « Je suis confiant parce que la solidarité qui nous lie, par-delà nos origines, nos conditions ou nos âges, par-delà les mers et par-delà les murs que dresse entre nous l’épidémie, est plus forte que tout. Et parce que l’histoire nous l’enseigne : la France unie surmonte toutes les épreuves ».
« Le 10 mai, déconfinons la mémoire nationale » !
Élus, comédiens, auteurs et historiens, de nombreuses personnalités plaident pour que le 10 mai, aujourd’hui « Journée Nationale des Mémoires de l’Esclavage, de la Traite et de leurs abolitions », soit déclaré non seulement jour de commémoration, mais bien plutôt jour férié. Regrettant que cette page reste manquante au livre de l’histoire française telle que faite traditionnellement, ils souhaitent aussi que le mois de mai devienne « le mois des mémoires. »
Voici leur tribune, publiée par la Rédaction du JDD, Journal du Dimanche, le 10 mai 2020
Depuis 2006, le 10 mai est dans notre pays la « Journée nationale des mémoires de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions ». Mais qui le sait ? Comme tout ce qui touche à notre héritage colonial, et malgré les avancées que l’on doit à la loi Taubira, cette part de notre passé reste pour beaucoup la page manquante de notre Histoire. Lorsqu’il s’agit d’évoquer l’esclavage et son empreinte jusqu’à nos jours, ce sont la plupart du temps des images venues des États-Unis auxquelles nous pensons. Des images issues des films et des séries, des romans, de la musique, et qui racontent une histoire qui n’est pas celle de notre pays.
— Aujourd’hui, les élèves français connaissent mieux Rosa Parks que Louis Delgrès.
Ils connaissent mieux le mouvement des droits civiques que la révolution haïtienne, dont ils n’entendront jamais parler dans leur scolarité. Aujourd’hui, le constat que faisait le rappeur Rocé en 2006 quand il disait que « La France (…) connaît Malcolm X mais pas Frantz Fanon », reste plus que jamais vrai : quand il est question de son passé colonial, de l’Esclavage aux Indépendances, la France a toujours des problèmes de mémoire.
Pour combler ce manque, la première responsabilité est celle de l’État. Comment s’étonner que le 10 mai reste si peu connu, alors que rien ne le distingue d’un autre jour ? La Mémoire de l’Esclavage ne mérite-t-elle pas un jour férié? C’est le cas dans les Outre-Mer, depuis 1983. Pourquoi n’est-ce pas le cas dans l’Hexagone? Il est temps que cette situation cesse. Nous demandons que le 10 mai soit désormais férié.
— Il faut que les programmes scolaires ne racontent pas seulement l’histoire hexagonale
L’école a un rôle capital à jouer : si nous voulons que, quelle que soit leur origine, tous les enfants de France comprennent que ce pays est le leur, il faut que les programmes scolaires ne racontent pas seulement l’histoire hexagonale. Que lorsqu’on parle de Colbert, on parle aussi du Code Noir. Que lorsqu’on parle de Napoléon, on parle aussi de Toussaint Louverture. Que lorsqu’on parle de De Gaulle et Jean Moulin, on parle aussi de Félix Eboué. Nous demandons que les programmes scolaires soient revus pour qu’ils donnent enfin à l’histoire de la France d’Outre-mer la place qu’elle mérite.
Mais la responsabilité est aussi celle des médias. Raconter l’histoire de notre pays, ce n’est pas seulement raconter l’histoire des rois, des reines et des magnificences de leurs palais. C’est rappeler d’où venait cette magnificence. C’est raconter l’histoire de France vue de Fort-de France, de Saint-Denis de la Réunion, de Saint-Laurent du Maroni, de Pointe-à-Pitre. Mais c’est aussi raconter depuis Paris cette histoire globale qui intègre les Outre-mer. Le 10 mai est une occasion de le faire, un jour dans l’année. Encore faut-il le vouloir. Encore faut-il le faire. Le 8 mai, le 14 juillet, le 11 novembre, toutes les chaînes de télévision se mobilisent. Nous demandons qu’elles en fassent autant pour le 10 mai.
— Où est le Roots français? Le 12 Years A Slave français? Le Village Français de l’esclavage?
Pour raconter cette histoire, il nous faut des histoires. De nouvelles figures qui l’incarnent, comme l’a fait en son temps le film Indigènes. Où est le Roots français? Le 12 Years A Slave français? Le Village Français de l’esclavage? Ces histoires existent. Il ne manque que la volonté pour en faire les œuvres puissantes dont notre pays a besoin. Alors que la culture est frappée de plein fouet par l’épidémie, nous savons que les projets sur ces sujets seront les premiers sacrifiés. Nous demandons aux producteurs, aux diffuseurs, aux plateformes d’assumer leur responsabilité, pour élargir notre imaginaire national.
Ce travail ne sera pas l’affaire d’une seule journée. Plusieurs dates de notre calendrier y sont déjà consacrées — deux journées nationales, les 10 et 23 mai, et une journée par Département ou Collectivité d’Outre-mer. D’autres pays ayant pratiqué l’esclavage ont choisi de dédier un mois entier à la place des populations afro-descendantes dans leur histoire nationale.
— Notre revendication ne cherche pas à diviser la mémoire nationale
Le Parlement Européen a adopté l’année dernière une résolution invitant tous les pays d’Europe à faire de même. Nous demandons donc que le mois de mai soit officiellement désigné « Mois des mémoires », et qu’il devienne ainsi un grand rendez-vous annuel pour célébrer la diversité française.
Notre revendication ne cherche pas à diviser la mémoire nationale. Il s’agit au contraire d’y faire entrer toutes les mémoires. Parce que la France d’aujourd’hui en est le fruit. Parce que c’est notre histoire.
Les signataires
Pascal Blanchard, historien ; Lilian Thuram, président de la Fondation Education contre le racisme ; François Durpaire, historien ; Aïssata Seck, adjointe à la maire de Bondy ; Abd Al Malik, artiste et romancier ; Dominique Sopo, président de SOS Racisme ; Harry Roselmack, journaliste ; Claudy Siar, journaliste ; Leïla Sy, réalisatrice ; Jean-Pascal Zadi, réalisateur ; Firmine Richard, comédienne, Louis Georges Tin, président d’honneur du Cran ; Steevy Gustave, producteur ; Tanya Saint Val, chanteuse ; Rokhaya Diallo, auteure et militante ; Hélène Sy, présidente de l’association CéKeDuBonheur ; Lisa Lebahar, productrice, agente ; Alain Mabanckou, écrivain ; Rachid Benzine, écrivain et islamologue.
À La Martinique : Konvwa pou réparasyon, deux décennies déjà !
Article publié par France-Antilles, le dimanche 10 mai
Ce dimanche10 mai 2020, dans le contexte sanitaire très particulier que nous vivons, le « Mouvement International pour les Réparations », le MIR, a tenu toutefois à célébrer le 20e anniversaire du Konvwa. Tout sera relayé via le Net, du 10 au 21 mai.
Les précautions telles que les gestes barrière, la distanciation ou encore le nombre de participants, entre autres, imposent aux organisateurs de changer la physionomie des « étapes » du Konvwa. Pour cette nouvelle édition intitulée « L’histoire du Konvwa racontée autour des masses d’eau », les membres du MIR proposent un programme, tout en visio-conférence, sur leur page Facebook.
La première diffusion, en live, aura donc lieu à partir de 10 heures, sur le site des Salines, où un hommage sera rendu aux ancêtres Africains déportés aux Amériques.
Suite du programme :
— Lundi 11 mai : Présentation du Konvwa en présence des membres du MIR
— Mardi 12 mai : Présentation de l’ouvrage collectif : « La Réparation, une exigence pour l’Humanité. »
Pour plus de renseignements, suivez ce lien :
https://www.facebook.com/mirmatinikofficiel/
Contact : 0696.18.91.94
Et aussi : Concours d’écriture et de dessin
Le « Konvwa Ti Moun », initialement prévu le 8 mai, s’adapte à la situation sanitaire. Le « Comité National pour les Réparations (CNR) » propose aux enfants, âgés de 5 à 17 ans, un concours d’expression.
Thème :
« Nos ancêtres ont été privés de liberté pendant plusieurs siècles. Aujourd’hui, en mai 2020, nous nous trouvons confinés et sous le coup d’un couvre-feu, donc privés de libertés. Décris en quelques lignes (10 minimum) ce que tu ressens en ce moment, et comment tu vis la crise sanitaire. Si tu préfères, tu peux t’exprimer en faisant un dessin. »
Pour participer, il suffit de s’inscrire en utilisant le formulaire, en ligne à l’adresse ci-dessous, puis de nous faire parvenir ta composition entre le 12 et le 21 mai, par e-mail, au CNR :
Fort-de-France, le 10 mai 2020