—Par Jean-Marie Nol, économiste —
Une poudrière prête à sauter à tout instant. Voilà comment les économistes voient la société française et Antillaise. Plusieurs ingrédients détonnants montrent qu’une explosion sociale suivi d’un désordre politique peut survenir dans les prochaines années. Plusieurs indicateurs attestent de l’existence de très fortes tensions dans la société en 2021 : Crise sanitaire du Covid, réchauffement climatique, crise de sens de la technologie et du numérique, crise économique, financière, et sociale en vue, crise de la dette, décroissance irrémédiable en cours, crise migratoire en accélération tant dans l’Hexagone qu’en Guadeloupe avec la situation chaotique de Haïti, crise identitaire, crise de l’autorité de l’Etat, crise du vivre ensemble avec la montée exponentielle de la délinquance et de criminalité, Etc….Toutes ces crises menacent les fondements de la société française et par voie de conséquence guadeloupéenne. Alors, qui, pour défendre encore la démocratie menacée dans ses soubassements historiques ? Qui sont ces populistes en France et en Guadeloupe qui se veulent des démocrates mais au détriment des intérêts bien compris d’un peuple qui ne participe plus à la vie démocratique du pays par le vote?
La démocratie occidentale est plus fragile et vulnérable que jamais et beaucoup de penseurs mettent aujourd’hui en garde contre la montée du populisme et l’émergence de régimes autoritaires. L’action publique en France comme en Guadeloupe est en premier lieu confrontée à une crise idéologique et de légitimité. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en dictature, que notre démocratie se porte bien. La démocratie ne se définit pas seulement par la liberté d’expression ou la liberté syndicale et même si on a la chance de pouvoir critiquer et défier le pouvoir central , on peut tous constater que ça ne va pas très bien en France hexagonale et encore moins en Guadeloupe. En ce sens, les choses pourraient se durcir en Guadeloupe pour certains idéologues et syndicalistes idéalistes, et il faut prêter attention à ce que dit la journaliste et essayiste Natacha Polony à savoir que la France est une démocratie abîmée. Pour elle et je cite… « Le président est évidemment démocrate dans le sens où il croit à l’idée d’un régime où les peuples peuvent voter mais il appartient en revanche à ce qu’on peut appeler « le centrisme autoritaire », c’est à dire cette idée qu’il y a des gens qui savent mieux que les autres ce qui est bon et qu’on peut, par des lois et décrets, imposer une politique au prétexte que c’est pour le bien des peuples « … Alors la France est-elle un pays moins démocratique que certains autres pays occidentaux ? Oui, selon le magazine britannique The Economist qui a révélé son indice de démocratie. Classée 24ème, la France compte parmi les démocraties « défaillantes ».
Entre la montée des populismes, des inégalités, de l’individualisme, entre l’avènement des réseaux sociaux et des fakes news : nous allons vers la fin d’un monde démocratique, ajoute Jean-Claude Kaufmann, sociologue et ancien directeur du CNRS et auteur de « La fin de la Démocratie ». Notre vivre ensemble disparaît, la notion de collectif laisse la place à un sentiment qui nous pousse à penser d’abord à soi. C’est là le triomphe de l’individualisme ! Et de fait, il existe dans la tradition libérale française un tropisme individualiste qui lui fait toujours opter pour les libertés individuelles contre les libertés sociales lorsque le dilemme s’impose. Cet arrière-fond idéologique provoque ainsi en temps de crise, ce que je qualifie de ligne de crête de l’autoritarisme. Qu’il s’agisse de la fermeture récente d’un quotidien pro-démocrate à Hong Kong et de l’éradication de toute opposition par la Chine ou de l’emprisonnement de l’opposition au Nicaragua et au Venezuela, il y a quelques jours, de l’abstention massive en France hexagonale et en Guadeloupe aux dernières élections, la démocratie vacille.
Pourquoi ne sommes-nous pas inquiets ?
Tout simplement parce que à une époque de profondes mutations où le rapport au temps est chamboulé, nous persistons à vivre dans le passé et l’immédiateté en Guadeloupe.
Et pourtant, nous devrions nous souvenir de la phrase du père du fascisme qu’était Benito Mussolini : « Si vous plumez un poulet une plume à la fois, les gens ne le remarquent pas vraiment », aurait-il dit.
En fait, nous ne réalisons pas que nous avons besoin de changer de monde pour sortir de l’impasse. D’ailleurs, ce débat devrait pour autant s’ouvrir rapidement et s’accentuer en 2022 /2023, parce que plusieurs tendances vont s’affirmer :
– une rupture sociétale de la société guadeloupéenne du fait du numérique et du télé travail,
– l’envie très affirmée des clients d’être acteurs de leurs choix de consommation avec un usage accru de l’e commerce,
– une maîtrise budgétaire globalement insuffisante des collectivités locales et qui aura des répercussions néfastes pour l’avenir,
– un profond besoin de donner du sens à nos vies…dans un monde sans emplois ou emplois précaires.
Ce bouleversement économique que nous entrevoyons à l’horizon 2025 aura des conséquences politiques et sociales graves en France et donc encore plus en Guadeloupe, car compte tenu du contexte actuel, le bouleversement sera trop rapide, trop massif et trop systématique pour que les structures économiques s’adaptent et que la destruction créatrice de l’économiste Shumpeter ait le temps de faire son effet. En conséquence, un grand nombre de mécontents apparaîtra en un temps si court que les répercussions politiques et sociales seront plus rapides que l’adaptation du marché. Et là réside le véritable danger d’un chaos économique et social qui pourrait engendrer un régime autoritaire en France.
Nous le répétons à nouveau, pauvreté en hausse, misère et désespoir des exclus de la société, chômage de masse des jeunes, violence, désagrégation sociale, avenir non pensé, que nenni pour ces citoyens optimistes plus que jamais tourné vers la quête individualiste du bonheur personnel par excellence au détriment du collectif ! Or, nous savons tous que la société guadeloupéenne est imprégné d’une culture française de la contestation qui fait une large place à l’esprit râleur : réagir de façon émotionnelle et manifester son mécontentement dans la rue ou par des grèves dures, contre l’injustice ou supposé telle, fait presque partie des devoirs civiques et moraux en Guadeloupe .
Mais cette posture du désespoir et de la tentation de la terre brûlée aurait -t-elle été possible si elle n’avait pas été précédé par un autre effondrement, passé inaperçu, celui de l’effondrement intellectuel et moral de nos élus .
L’intérêt des élus et citoyens pour le fonctionnement de l’économie et pour la prospective ( AU SENS DE PENSER LA MUTATION DU FUTUR ), s’est dissout en France et s’est révélé mort né en Guadeloupe comme on l’a vu aux dernières élections régionales et départementales .
Comment surmonter cette crainte de regarder les difficultés à venir en face avant que les périls, la peur, la frilosité, la violence, et le repli ne s’installent dans nos pays ou tout le monde risque d’y perdre à ce jeu mortifère de la politique de l’autruche ?
Soyons plutôt optimistes avec l’indispensable construction d’une digue contre la crise et un rempart contre le risque d’un régime autoritaire !
On comprend que le problème n’est pas d’abord économique mais politique. … Comment s’extirper de ce paradoxe ?
Continuer à s’intéresser avec obstination à des questions comme celles de la collectivité unique et d’un statut donnant plus de compétences aux élus locaux, et qui ne sont pas la priorité des guadeloupéens pourrait entraîner des révoltes de plus en plus fortes avec une nouvelle perte de confiance envers les élus et l’auto-réalisation de ce qu’il faut surtout redouter à savoir l’apparition d’une grande crise économique et sociale sur fond d’hyper inflation, et l’on appelle cela une spirale de l’échec ! Et le piège de l’Etat autoritaire se refermera sur nous si nous n’y prenons garde.
Jean-Marie Nol, économiste