Dégradation inquiétante de la santé en Martinique

— Par l’Association Médicale de Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé (AMSES-Martinique) —
sante_pub-2L’Association Médicale de Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé composée exclusivement de médecins exerçant en Martinique adresse à la presse le message suivant :
1/Notre exercice professionnel médical de généralistes ou de spécialistes nous a amenés à constater une dégradation inquiétante de l’état de santé des martiniquais depuis une vingtaine d’années.
2/Cette dégradation concerne la montée des cancers, des maladies métaboliques et neurologiques.
a/ le cancer de la prostate, 1e cancer masculin, touche 500 nouveaux martiniquais chaque année, parfois dès l’âge de 40 ans, et 125 hommes vont décéder chaque année.Nous atteignons avec la Guadeloupe le triste record mondial d’incidence standardisée soit 178 cas pour 100.000habitants. L’étude KARUPROSTATE a permis d’établir un lien entre ce cancer et la pollution au chlordécone.
B/ Le myélome et les lymphomes non hodgkiniens, jusqu’à une période récente exceptionnels, sont en progression constante chez les personnes de moins de 60 ans. Leur lien avec la pollution chimique qui fait l’objet de protocole de recherche aujourd’hui est hautement suspecté.
c/ Le diabète non insulinodépendant touche 2 fois plus de personnes qu’en Métropole et nous déplorons une cinquantaine d’amputés chaque année.
d/L’obésité morbide précoce dès les premières années de la vie est également en constante progression et fait actuellement l’objet d’une étude épidémiologique (étude KANNARI)
e/L’infertilité des couples est une préoccupation grave ; elle touche leshommes, atteints de tératospermie ou azoospermie ,comme les femmes chez qui sont fréquemment décelées des ovaires polykystiques ; la conséquence est déjà sensible sur la démographie qui accuse une baisse de 18.000 habitants (de 400.000 en 2002 à 382000 en 2012) et la natalité qui baisse de 5% chaque année depuis 2005. C’est l’avenir de la génération de martiniquais qui est en cause !
F/ La prématurité de 10%, taux incompressible malgré les mesures de suivi des femmes enceintes, et que l’INSERM de Guadeloupe vient de relier à la pollution au chlordécone. 3% de ces pré-terme sont des très grands prématurés avec le risque de séquelles bien connu ( 40 à 50chaque année ).
f/les maladies neuro-dégénératives communes à l’ensemble du territoire français comme l’autisme, la maladie de Parkinson ou la maladie d’ALZHEIMER ne font pas l’objet de recherches épidémiologiques permettant d’annoncer des chiffres fiables mais sont en progression.
L’inquiétude des médecins s’accroit quand ils constatent l’insuffisance des mesures de protection des populations contre la pollution environnementale responsable de la plupart de ces pathologies.
Bien au contraire les plans chlordécone 1 et chlordécone 2, s’ils ont apporté des informations précieuses sur l’état de la pollution terrestre et halieutique, sont très loin de protéger la population contre ces pathologies émergentes bien au contraire .A l’heure où de partout on parle des actions des perturbateurs endocriniens ou encore des modèles épi-génétiques d’action des xénobiotiques les plans 1 et 2 prévoient la mise à disposition des martiniquais de denrées alimentaires dites « conformes » contenant de fait de petites doses de chlordécone « en toute légalité. »
De plus à ces terres déjà gorgées de pesticides, dont le chlordécone, polluant organique persistant dans les sols entre 100 et 600 ans selon leur nature géologique , on ajoute régulièrement depuis 1992 des produits chimiques fongicides, par épandage aérien et ce dans le non -respect total des directives européennes faisant de l’épandage aérien l’exception . En Martinique entre le 9 décembre 2011 et le 19 novembre 2013 soit un peu moins de 2 ans, nous avons eu 4 dérogations à l’épandage.
L’AMSES a fait sans succès un recours gracieux pour demander l’annulation de la première dérogation qui utilisait le BANOLE produit ne bénéficiant pas d’AMM .Elle a obtenu la suspension et l’annulation des deuxième et troisième dérogation et a déposé une demande en Référé pour la 4edérogation qui sera jugé par la tribunal administratif le 6 février prochain.
La situation environnementale est bien entendu catastrophique vu l’exiguïté de l’île son caractère volcanique et son réseau de cours d’eau qui couvre la totalité de la superficie. La moitié de la soleagricole est contaminée par le chlordécone les 4/5 des eaux de surface et des eaux souterraines.
Il est absolument impératif qu’un MORATOIRE soit signé par le Ministère de l’Agriculture non seulement sur l’épandage aérien qui doit être interdit définitivement mais sur toutes les autres molécules chimiques afin de permettre aux terres de les éliminer et surtout pour protéger les 50% de terres saines qui pourraient permettre avec une politique volontariste d’offrir aux martiniquais des produits du terroir sains .Actuellement 80% des produits alimentaires consommés sont importés parfois de pays où le contrôle sanitaire est loin d’être aussi rigoureux qu’en Europe.
Nous rejetons totalement la loi du 23 décembre 2013 sur l’épandage aérien qui pénalise encore davantage les DOM et nous en appelons à la solidarité nationale.
Contrairement à toutes les affirmations,l’épandage aérien ne sauve aucun emploi agricole .Il faudrait pour le vérifier que les planteurs de banane fournissent les fiches de paie des ouvriers agricoles .On aurait la surprise de découvrir le peu de main d’œuvre locale concernée.
Les subventions européennes versées au tonnage de banane pourraient être utilisées pour la reconversion des terres agricoles en cultures vivrières en lieu etplace de la monoculture et pour mobiliser les terres en friches non polluées. Il pourrait alors s’agir de mesures sociales en faveur de l’emploi .Pour l’instant l’opacité sur l’utilisation de ces fonds européens est totale.
Nous en appelons à la responsabilité des Parlementaires y compris ceux qui représentent la Martinique et la Guadeloupe pour que cette situation ne tourne pas au « CAUCHEMAR » pour reprendre les termes du Conseil scientifique appelé à se prononcer sur la pertinence des planschlordécone 1 et 2. Docteur Josiane JOSPELAGE Présidente de l’AMSES
NOS PROPOSITIONS

Compte tenu des études réalisées sur l’impact du chlordécone sur la santé des antillais
nous souhaitons

1/ Une surveillance et prise en charge précoce des femmes enceintes et des enfants en bas âge :
a/Dépistage du chlordécone pendant la grossesse avec un congé plus précoce chez les femmes positives , le chlordécone donnant un risque accru de prématurité.
b/Dosage du chlordécone au cordon avec un suivi renforcé des nouveaux nés positifs, le chlordécone entrainant des risques d’atteinte cognitive grave.

2/Dépistage des 40 ans du cancer de la prostate chez les hommes présentant un taux de chlrodécone positif.

3/ Déclaration comme maladie professionnellesl’atteinte des ouvriers agricoles ayant travaillé entre 1970 et 1993 et positifs au chlordécone. Plusieurs sont décédés de cancers de la prostate sans que leurs familles n’aient été indemnisées.

4/ Disposer aux Antilles d’un laboratoire de dosage biologique des pesticides.

5/ Mettre à disposition de la population des produits LABELLISES sans chlordécone et non des produits dits « conformes » contenant <de 20µg de chlordécone.
Avoir des indications de traçabilité des produits mis sur le marché (analyse des terres)

6/ Interdiction totale et définitive de tout épandage aérien même avec des produits autorisés.

AMSES-MARTINIQUE
La Présidente Docteur Josiane JOSPELAGE

Association Médicale de Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé AMSES-Martinique
163 Route de Ravine Vilaine 97200 Fort de France Déclarée W9M1002541 JO 19 juin 2010
DECLARATION
A lire lors de la Conférence de presse du jeudi 30 janvier 2014 au SENAT.