— Par Serghe Kéclard —
Déconstruisons, désormais, les discours gouvernementaux à partir de ce simple postulat : les plus grands pourvoyeurs de fake news sont souvent les gouvernements et, en ce qui nous concerne, nous, originaires de ces territoires dits ultra-marins, singulièrement, le gouvernement français (avec sa Justice, son École, ses médias mainstream…)
Des exemples ? Ils sont à ramasser à la pelle, afos i ni doukwé !
-
L’Afrique est un continent pauvre (et non appauvri par les cupides grandes puissances européennes, comme le signale l’historien guyanien Walter Rodney dans son ouvrage : How Europe underdeveloped Africa / Et l’Europe sous-développa l’Afrique) : «Le développement de l’Afrique n’est possible que sur la base d’une rupture radicale avec le système capitaliste international qui a été le principal agent du sous-développement de l’Afrique au cours des cinq derniers siècles.»;
-
Christophe Colomb a découvert l’Amérique (dépouillée, dès lors, de son nom originel et de ses premiers habitants génocidés) ;
-
Nos Ancêtres étaient gaulois et habitaient des huttes en bois… (et non des hommes, des femmes, des enfants spolié.e.s d’Abya-Yala, déporté.e.s d’Afrique, raflé.e.s d’Inde ou parti.e.s sans titre d’Europe en quête de fortune par prédation, réfugi.é.s d’Asie ou d’Orient…) ;
-
Haïti est la première république noire, certes, mais seule l’irresponsabilité des anciens esclaves révoltés l’a plongée dans une misère chronique (la rançon de Charles X, roi de France, prélevée sur le dos de la jeune république n’a, évidemment, rien à voir !) ;
-
Le siècle des Lumières, enfant de la Renaissance italienne et de ‘l’Humanisme germano-européen, met l’Homme au centre de ses préoccupations (et non l’homme blanc européen tandis que dans le «nouveau monde» les habitants subissent le pire des génocides, la traite d’êtres humains bat son plein avec l’aval de l’Église Catholique, Apostolique, Romaine et la dénonciation ambivalente des Philosophes) ;
-
Victor Schœlcher est le libérateur des nègres et négresses esclaves (et non celui qui indemnisa les négriers, propriétaires d’humains esclavagisé.e.s, qui se révoltèrent, sans cesse, contre la Barbarie. «C’est pour sauver les maîtres et la colonie qu’il [le gouvernement provisoire] a émancipé les esclaves» dixit son digne représentant) ;
-
La Colonisation a des bienfaits (Discours sur le Colonialisme de Césaire paru en 1950 déconstruit cette doxa : « Et je dis de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie… » Doxa qui, étalée à loisir dans les livres d’histoire de l’époque, imprègne, encore, maints discours : celui d’un ancien et celui de l’actuel président français, par exemple…) ;
-
Le «créole» est un baragouin sorti du gosier de nègres à civiliser, du français cassé, un patois vulgaire et une langue impropre à l’élévation sociale (création du génie de peuples subjugués, cette langue, en dépit de la diglossie, véhicule une culture originale et une vision du monde singulière à travers oraliture et littérature riches) ;
-
Le Bumidom , dans les années 60, présente la France comme un pays de cocagne où les jeunes ressortisants des Dom-Tom vont trouver travail gratifiant et moyens de s’élever socialement (en vérité, ce bureau des migrations des départements d’outre-mer s’avère être un moyen machiavélique du gouvernement gaulliste de priver ces territoires, ces pays, de leurs forces vives, afin de désamorcer toute vélleité d’indépendance) ;
-
Le chloredécone n’est pas cancérigène : «Il ne faut pas dire que le chloredécone est cancérigène !» dixit Emmanuel Macron… (Alors qu’il a tué aux Etats-Unis et est responsable du cancer de la prostate chez les hommes et du cancer du sein, entre autres comorbidités, chez les femmes à la Martinique.) ;
-
Le seul remède à la pandémie du Covid 19, c’est le vaccin qui protège à 95%. «Tous vaccinés, tous protégés» (pour après déclarer qu’il protège des formes les plus graves, pour, enfin, reconnaître, du bout des lèvres, que les vacciné.e.s sont contagieux et contagieuses et que des doses à répétition seront nécessaires pour atteindre une immunité hypothétique…).
Alors, à défaut de rejeter en bloc ce qui provient d’En-Haut, d’Ailleurs (difficile concession, j’en conviens !) gardons l’esprit critique : Mi senkièm vag-la ! Annou rété véyatif, menm si nou pè ! Nou ni an servo ! Un «vaccin» dernière génération, qui crée tant de désagréments à la différence des traditionnels, devrait réveiller notre bon sens. Ce n’est pas le nombre de vacciné.e.s qui importe, c’est le Temps qui tranchera ce débat. Attendons sereinement. Relisons la profession de foi de Dr Jos-Pélage, médecin martiniquaise, d’un courage admirable, qui devra nous trouver à ses côtés lorsque l’Ombre essaiera de couvrir sa voix : «Aucune urgence sanitaire ne justifie une telle législation répressive.» ; et faisons nôtre cette autre phrase d’un auteur : «Ce n’est pas un signe de bonne santé (mentale) que d’être bien adapté à une société profondément malade.» Ajoutons : «que de vouloir coûte que coûte respecter des principes injustes ou obéir à une justice qui ignore toute morale…»
Faisant, alors, fi des insultes externes – «illettrés», «alcooliques», «vodouisants», «adorateurs de la Sainte-Vierge» – et des anathèmes internes – «égoïstes», «kouyon», «imbéciles», «ignares», «irresponsables», «pauvres = Bac -12 = non-vaccinés, «les plus intelligents de la Caraïbe ?» (autant de stéréotypes infâmes pour accepter l’Inacceptable), débarrassons-nous du logiciel franco-centré qui corsète, encore, les cadres de pensée d’une certaine élite politique et intellectuelle. Ce paradigme d’inhumanité qui nous fait accroire, par voix papale interposée, qu’un acte d’amour forcé (la vaccination obligatoire, donc) est de l’amour. Qu’en suivant la retorse recommandation présidentielle « Vaccinez-vous pour pouvoir vivre normalement », citoyen.n.e.s libres nous serons. Alors que le normal, selon tout Pouvoir, consiste à toujours rogner un peu plus chaque jour, les espaces de libertés individuelles, puisque la démesure (l’hubris) lui est consubstantielle.
La révolte populaire, à partir du refus de l’obligation vaccinale et du pass sanitaire des soignants et des pompiers avec barrages sur tout le territoire, rejoint la colère de jeunes qui crient leur exaspération d’hériter d’un monde si désespérant et d’avoir été si longtemps les grands oubliés. ll est facile, alors, d’instrumentaliser quelques-uns – qui ne sont pas, n’en déplaise au conformisme invétéré de certains, de génération spontanée, nés ex-nihilo -. Il est facile, de chercher à discréditer le syndicalisme et d’évoquer l’autonomie (même si la question du statut des dernières colonies françaises est centrale) afin d’affaiblir le mouvement. L’essentiel étant d’opposer les gens entre eux et de retourner l’opinion publique contre une manifestation légitime.
Sachons, donc, trouver en nous-mêmes, Force et Résistance, – Pa ni pasé lanmen, fè pou fè… ! – car nous mettons, là, crûment en lumière – quelquefois à notre corps défendant – le processus par lequel l’asservissement volontaire est mis en place. Peut-on, dès lors, s’étonner que tant de gens aient, durant l’Histoire, succombé à la tentation de fermer l’œil, par exemple, sur quelque «Code noir», ou légitimé, au hasard, l’irrésistible ascension d’un tribun fantasque promettant gloire et domination à une tribu doutant d’elle-même ?
En définitive, la Vérité va éclater un jour. Qu’on le veuille ou pas, qu’on emprisonne, ici, des militants, qu’on essaie d’étouffer , là, tout discours de rupture, nous savons que nous avons été et sommes –vacciné.e.s et non vacciné.e.s – les victimes d’une propagande gouvernementale qui ne dit pas son nom. Et, le moment venu, recouvrant son humanité, chacun, chacune devra prendre ses responsabilités en désertant, enfin, l’Occidental lieu…
! Serghe Kéclard, déc. 2021