— Par Jean Ortiz —
La nuit debout… Debout tout le temps. Même sous la pluie crachineuse. Et la colère à fleur de peau. A Pau comme ailleurs, le mouvement « Nuit debout » se cherche et tente de s’organiser.
Il voudrait « debouïser », sortir du « sommeil », du désenchantement, tous ceux que l’on oblige à se résigner. Ils sont des dizaines, majoritairement jeunes, à passer nombreux de la manif (du matin) au cercle de la parole libérée, à partir de 19h. Un nouvel espace politique autogéré. D’autres n’ont « pas manifesté avec les syndicats » par peur « d’être récupérés ». Ce souci se dilue au fil des interventions, accueillies respectueusement, avec qualité d’écoute, d’intérêt, et mains agitées d’approbation.
La plupart de ces « insomniaques assumés » ne croient plus aux formes traditionnelles, délégataires, professionnelles, de « la politique », mais ils sont bel et bien « politiques ». S’ils rêvent, c’est parce qu’ils sont lucides. Ils veulent simplement qu’on ne leur vole plus leur vie ; ils cherchent des formes nouvelles de citoyenneté, d’auto-organisation. Beaucoup restent méfiants, échaudés par « la classe politique ».
La plupart veut sortir du cadre « pourri » du système « dégueulasse », injuste, faire de la politique autrement, changer les règles du « cirque», s’approprier la construction d’une démocratie vraiment citoyenne, participative, « sans leaders ». Le mot « révolution » ne leur fait pas peur ; leur critique sociale s’avère radicale.
Ils parlent peu d’élections, de « primaires ». La coordinatrice passe le Capes cette semaine… Ils se sentent « trahis par la gauche », surtout par François Hollande et le PS. Mais la tendance est parfois à mettre tout le monde dans le même sac. Il y a là une majorité de « sans carte», de libertaires, d’utopistes concrets, d’occitanistes révolutionnaires, de « marxistes », quelques militants CGT, de « Solidaires », des « gauchistes », des écolos locaux , des « zadistes », des « marginaux » par rejet de la société actuelle et qui ont les pieds bien sur terre, peu de communistes… Aucune « personnalité ».
Ils avancent des revendications concrètes, qui toutes mettent en cause « le système », son arbitraire, ses prédations, ses souffrances sociales, ses atteintes à la vie des hommes et des femmes, à la « pachamama »… Ils plaident pour le « sens du commun », « une autre voie », « la vraie citoyenneté », et surtout pour une convergence des luttes. Les étudiants de la fac comme les jeunes précaires, les intermittents, les acteurs de la monnaie locale, de l’économie sociale et solidaire, sentent tous que le pouvoir veut « isoler, morceler les luttes ». Les « Indignés » de la Place Clémenceau en appellent à la convergence, à globaliser, à dé-sectorialiser, à « rendre visibles » les luttes, les résistances, les 18 jours de grève victorieuse des postiers de Billère, la répression menée depuis par la direction locale (de La Poste) qui se venge… Lutte convergente avec la défense de la forêt oloronaise du Bager…
En face, le pouvoir, les partis du consensus capitaliste, ont le trouillomètre à zéro. On lit, on entend dans leurs médias : « Et si çà prenait ? Et si çà s’enracinait, se répandait ? », « Si çà dépassait la loi du travail ? », « Qu’est-ce qui va émerger ? « Qui manipule ? » « Qui ? »…