— Par Eric Loret —
Le dégonflage fatal de l’arbre-sex toy de la place Vendôme rappelle que c’est le propre des œuvres satiriques de révéler non pas l’esprit tordu de leur créateur, mais la saleté profonde de ceux qui en sont choqués.
Avant même le dégonflage fatal par des inconnus du Tree de Paul McCarthy, le Printemps français, mouvement mêlant militants identitaires et catholiques traditionalistes, avait tweeté : «Un plug anal géant de 24 m de haut vient d’être installé place Vendôme ! Place #Vendôme défigurée ! Paris humilié !» La question qui vient immédiatement à l’esprit est de savoir comment des catholiques traditionalistes pourraient bien savoir ce qu’est un plug anal, objet pas si répandu que ça, quand même, et qui sert surtout à dilater l’anus pour préparer à la sodomie. On a donc tendance à penser qu’ils sont en quelque sorte intéressés à l’affaire car, si l’on n’a jamais vu de plug anal, comme l’a fait remarquer le célèbre twitto-blogueur Maître Eolas, il est impossible d’en reconnaître un dans le Tree de McCarthy.
Si l’on en croit le compte Twitter du Printemps français, ce serait cependant en lisant un article de Tracks sur Arte.tv qu’ils auraient pris la mesure sémiologique de l’engin. Leur innocence est sauve.
Maitre Eolas ن @Maitre_Eolas
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Je suis effaré de voir la quantité de réacs autoproclamés qui savent ce que c’est qu’un plug anal.
04:57 – 18 Oct 2014
Molière, inventeur du «plug anal» dans l’Ecole des femmes
L’amusant de l’histoire est que c’est le propre des œuvres satiriques (c’est-à-dire qui critiquent les mœurs contemporaines) que de révéler non pas l’esprit tordu de leur créateur, mais la saleté profonde de ceux qui en sont choqués. En 1662, Molière inaugure la plaisanterie du «plug anal» dans sa comédie de l’Ecole des femmes. Le personnage de l’innocente Agnès déclare en effet à son vieux tuteur qu’un jeune homme lui «a pris le…» sans oser dire ce qu’il lui a pris. Contrairement à ce qu’imagine ce vieux porc de tuteur, l’article «le» désigne un ruban. Illico, la critique saute au paf de Molière pour lui reprocher son obscénité. Ce dernier écrit du coup une Critique de l’Ecole des femmes pour se défendre, où il met en scène ses détracteurs. Du côté du Printemps français, le personnage de Climène : «Une honnête femme ne la saurait voir sans confusion, tant j’y ai découvert d’ordures et de saletés.» Du côté de Molière, la philosophe Uranie, qui lui répond : «Il faut donc que pour les ordures vous ayez des lumières que les autres n’ont pas : car, pour moi, je n’y en ai point vu. […] Je regarde les choses du côté qu’on me les montre, et ne les tourne point pour y chercher ce qu’il ne faut pas voir.»
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