— Pierre-Alex Marie-Anne —
Dans une récente tribune de Politiques Publiques, Yves-Léopold MONTHIEUX a qualifié la C.T.M. de : « machine à fabriquer des dictateurs ».
Il n’a que trop raison et seuls peuvent s’en offusquer ceux qui aspirent dans le présent comme pour le futur à profiter de ce système introuvable.
La Loi du 27 juillet 2011 ayant crée la Collectivité Territoriale de Martinique résulte, on le sait, d’un double viol : d’abord de la Constitution (deuxième consultations pour infirmer les résultats de la première ) ensuite de la volonté clairement exprimée par les électeurs contre l’autonomie de l’article 74, réintroduite néanmoins par le biais d’un statut alambiqué s’inspirant de celui de territoires autonomes, non soumis préalablement à l’avis des citoyens concernés.
Logiquement , cette démarche biaisée ne pouvait enfanter qu’un système mal conçu et déséquilibré.
Les dés sont pipés dès le départ avec l’institution d’une prime majoritaire de 11 sièges, accordée à la liste arrivée en tête au premier tour, pour forcer la constitution d’une majorité ne correspondant pas aux souhaits réels des électeurs.
Ce bonus, apparemment anodin n’est pas sans conséquences :
Sauf à courir le risque in fine d’une élimination quasi certaine, les candidats n’ont pas d’autre choix (quitte à renier père et mère, ce que certains ne se priveront pas de faire allègrement!) que de se ranger en deux coalitions face à face, bloc contre bloc farouchement antagonistes, résolument opposés sur tout, pour le présent et l’avenir ; Bonjour les dégâts, lors du fonctionnement de la Collectivité Territoriale!
Mais de plus, les têtes de liste ,spéculent dès l’origine sur le gain attaché à ce bonus qui leur garantit, même minoritaire en voix dans le pays, un pouvoir absolu ; il leur permet de préempter en quelque sorte la composition de la future Assemblée ( Président compris )et du futur Conseil Exécutif. Tout est désormais en place pour l’union indissociable de ces deux organes majeurs de la Collectivité Territoriale de Martinique.
Les dispositions statutaires portant sur l’ organisation de l’institution n’y changeront rien et la cohabitation dans les textes législatifs de deux Présidents chargés respectivement des fonctions Exécutive et Délibérative (succédané de Législative) ne seront qu’une illusion d’optique.
Toutes les dispositions laissant entrevoir l’existence, ou simplement la possibilité, de deux pôles de gouvernance complémentaires ne peuvent que rester inopérantes:
-Ainsi l’Assemblée supposée détenir un pouvoir délibératif, voire législatif est en réalité dans l’ incapacité d’exercer(et pour cause !) un rôle normal de proposition et de contrôle ; elle est dans les faits reléguée à celui d’une simple chambre d’enregistrement des décisions du Conseil Exécutif (elle n’a même pas ses propres rapporteurs mais doit se contenter de se prononcer sur les rapports soutenus par les conseillers exécutifs es qualité).
– il en va de même de la motion de défiance qui n’est que de la poudre aux yeux , au mieux un joli ″ hologramme démocratique‟, car il faudrait pour qu’elle soit effectivement mise en œuvre que les conseillers territoriaux soit prêts à se faire hara- kiri ( on recherche candidats !).
On baigne dans le Surréalisme le plus complet! ; ce qui est bien réel par contre, c’est la formidable accumulation de prérogatives dévolues par la République dans sa grande sollicitude, au Président du Conseil Exécutif, seul maître à bord ,à qui tous doivent allégeance sous peine de mise à l’index.
Une fois installé en effet sur son trône Présidentiel, ceint de la couronne de lauriers traditionnelle (un‟ Bakoua″),notre PHENIX victorieux va pouvoir pleinement en jouir, en user et même en abuser :
Chef suprême de l’Administration territoriale , seul Ordonnateur devant l’éternel, du budget et des finances , délégataire (avec seuil ), pour la durée du mandat, de la passation des contrats et des marchés publics.
Ce qui lui permet, de jeter à la face des conseillers territoriaux médusés (les pauvres croyaient encore servir à quelque chose) : « vous pouvez voter ce que vous voulez – sous-entendu je m’en contrefiche-,c’est moi seul qui décide, en ma qualité d’ordonnateur de la collectivité »).
Cette situation est d’autant plus pernicieuse que du fait du regroupement des ex-conseils Régional et Départemental au sein d’une collectivité unique ,le Président du Conseil Exécutif dispose d’attributions démultipliées et de ressources massifiées : les routes, les écoles, le Sport, la Culture, les politiques publiques locales, bref tout ou presque dépend de son bon vouloir.
Le mécanisme d’assujettissement des tiers, est lui, impitoyable : interlocuteur local unique = bailleur de fonds unique ; les Communes, les intercommunalités, toutes les autres institutions locales( chambres consulaires, U.A. CHUM etc..) de même que l’ensemble du monde associatif, Medias compris , doivent se plier aux conditions du Président exécutif s’ils veulent bénéficier, tant soit peu, de la manne des subventions publiques territoriales ; il en est de même du monde économique dont les entreprises, tributaires pour leur développement des Fonds Européens, doivent s’adresser à cette même unique autorité qui en assure la gestion.
Comment accepter qu’une situation aussi scabreuse puisse perdurer au sein de l’ensemble national ? il est URGENT d’y apporter les corrections nécessaires.
Si les concepteurs de ce système, aussi boiteux qu’anti-démocratique ″ d’hyper- concentration du pouvoir‟, avaient voulu créer un dictateur potentiel, un petit despote tropical à la sauce créole, ils ne se seraient pas pris autrement ;
Loin de s’inspirer des sages préceptes des plus grands légistes pour qui : ‟le Pouvoir arrête le Pouvoir″,ils ont préféré suivre « la voie enténébrée et pleine d’embuches » conduisant tout droit au macoutisme le plus sordide.
Nous en voyons déjà les premiers effets dans ce climat de guerre civile larvée qui s’installe progressivement dans la société.
Pierre Alex MARIE-ANNE